L’« écolo-promoteur », un professionnel qui s’adapte aux impératifs environnementaux

L’écologie et l’environnement

Federica Appendino, Laura Brown, Lolita Gillet, Pedro Gomes, Florian Laussucq, Marie-Noëlle Lefebvre, Amandine Mille, Inès Trojette et Romain Weigel

Citer cet article

Référence électronique

Appendino, F., Brown, L., Gillet, L., Gomes, P., Laussucq, F., Lefebvre, M.-N., Mille, A., Trojette, I., & Weigel, R. (2023). L’« écolo-promoteur », un professionnel qui s’adapte aux impératifs environnementaux. Mutations des professions immobilières. La promotion et l’aménagement. Mis en ligne le 06 février 2023, Cahiers ESPI2R, consulté le 06 décembre 2024. URL : https://www.cahiers-espi2r.fr/1083

Le défi principal sera d’insérer nos produits dans un territoire qui n’a plus besoin d’énergie fossile.
Promoteur parisien, interrogé sur les enjeux de la promotion immobilière à l’horizon 2050

Face à l’urgence environnementale, la filière de la promotion immobilière est appelée à jouer un rôle de premier plan dans la mise en œuvre de la transition écologique, de par son pouvoir d’action sur divers facteurs de pression et sur certains leviers. L’attention est fortement portée, notamment, sur les matériaux biosourcés et sur le réemploi, dans une perspective en cycle de vie, poussés aussi bien par une réglementation de plus en plus incitative que par une véritable prise de conscience de la part des promoteurs.

Si certains groupes de promotion verdissent leur image et la transforment en profondeur, d’autres semblent plutôt subir cette pression écologique : « Les élus nous poussent à construire biosourcé : terre crue, chanvre… c’est rarement l’opérateur qui le décide », nous explique le fondateur d’une entreprise de promotion qui opère à l’échelle nationale. D’autres encore y voient une occasion pour capitaliser sur la valeur verte : « C’est pour ça qu’on est devenus écolo […], pour faire du bien au porte-monnaie », nous précise un promoteur parisien. On assiste également à l’apparition de nouvelles entreprises de promotion engagées et de start-up qui se positionnent dans un secteur en émergence, impactant sensiblement les activités professionnelles actuelles.

Les intervenants

Arnaud Letourmy est directeur Grands comptes Tertiaire privé - Modularité & adaptabilité du bâtiment au sein de Saint-Gobain Solutions France.

Ludovic Boespflug est directeur général délégué de Quartus, pôle Ensemblier urbain.

Les pistes de réflexion

Les initiatives qui encouragent la sobriété foncière

Les impacts de la réglementation environnementale 2020 sur les pratiques des promoteurs

La transformation des cultures constructives par l’emploi de nouveaux matériaux

Le passage d’opérations pilotes à la généralisation

Saint-Gobain et Quartus, deux acteurs engagés pour la durabilité

Si aujourd’hui tous les matériaux ne peuvent être réutilisés, le réemploi, demain, trouvera sans doute d’autres façons de s’exprimer, d’autres acceptabilités et d’autres niveaux d’assurabilité.
Ludovic Boespflug, directeur général délégué de Quartus, pôle Ensemblier urbain

Saint-Gobain, présent dans 76 pays, conçoit, produit, distribue et recycle des matériaux et services pour les marchés de l’habitat et de l’industrie. Développées dans une dynamique d’innovation permanente, nos solutions intégrées pour la rénovation des bâtiments, la construction légère et la décarbonation apportent durabilité et performance. Solutions France est une équipe transversale représentant les 22 marques industrielles et les 12 enseignes de distribution de Saint-Gobain en France, où se concentrent les échanges avec la maîtrise d’ouvrage et les grands donneurs d’ordres, que le Groupe accompagne dans leurs projets. Cela permet de créer les solutions et services de demain avec l’ambition d’être le leader mondial de la construction durable. Saint-Gobain s’est d’ailleurs engagé à être neutre en carbone en 2050. Quant au Groupe Quartus, né il y a six ans, il accueille 250 collaborateurs et représente un large panel de métiers de l’immobilier et d’actifs. Le pôle Ensemblier urbain monte des projets complexes, à forte valeur sociétale ajoutée. Pour Quartus, la ville résiliente et durable est d’abord une ville sobre, en optimisant l’existant, à l’aide d’architectes engagés dans cette démarche. Quartus est en outre un acteur centré sur la qualité d’usage, en réponse aux attentes des usagers et en prenant en compte les évolutions futures (immeubles réversibles, dits aussi « neutres » ou « sans destination »). Il développe ainsi la co-création des logements avec les habitants, pour plus de confort notamment. La ville bas carbone et renaturée est un autre cheval de bataille du Groupe.

Réemploi, construction décarbonée et reconversion, trois enjeux majeurs qui impactent les pratiques

En effet, Arnaud Letourmy et Ludovic Boespflug s’accordent sur le principe suivant : « Utiliser le bon matériau au bon endroit ». Économie circulaire, réemploi, utilisation de matériaux bio- et géosourcés, la modularité, sont autant de solutions qui peuvent être mises en œuvre même si tous les matériaux et systèmes ne sont pas réemployables (pour des questions d’assurabilité notamment). Il faut par ailleurs penser à l’ensemble du cycle de vie du bâtiment et prendre en compte le transport des matériaux en fonction du maillage territorial. Une des particularités de Quartus est de s’intéresser à la terre crue, un matériau ancien, local et décarboné, qui a de très bonnes qualités climatiques, et sur lequel le groupe innove dans sa composition, ses usages, afin qu’il soit adapté aux contraintes et aux attentes actuelles.

Construire décarboné requiert un certain temps de maturation technique et économique, et il semble important de ne pas brûler les étapes. Sur la question de la réhabilitation, Ludovic Boespflug affirme que la pratique est encore malheureusement trop faible. Le promoteur intervient peu sur le bâti existant, sauf s’il l’achète et le transforme. En revanche, pour le logement, la reconversion n’est pas si compliquée que cela. ZAN oblige, les professionnels vont être amenés à travailler davantage sur la régénération. Transformer le bâti va de pair avec l’amélioration de la qualité d’usage car on peut agir sur les volumes, les structures, etc. C’est le cas en particulier pour les infrastructures élevées dans le cadre des jeux Olympiques de Paris 2024, dont la modularité permettra une reconversion plus aisée des bâtiments. Ludovic Boespflug rappelle qu’aucun bâtiment tertiaire n’est aujourd’hui conçu sans penser à sa reconversion en logements. Malgré la complexité technique et réglementaire, cette anticipation peut d’ailleurs apporter un confort d’usage inattendu (ex. : bureaux disposant d’un balcon). Il est vrai que transformer un bâtiment coûte de l’argent, mais cela n’est pas toujours plus cher que de détruire pour reconstruire (ex. : quartier du Grand Parc à Bordeaux, par Lacaton & Vassal). La très coûteuse politique ANRU, fondée sur la logique démolir/reconstruire, n’a pas pour autant augmenté le nombre de logements et a déplacé des populations. La jeune génération doit anticiper, sortir d’une perspective court-termiste, changer les façons de faire – la réglementation va dans ce sens –, et la généralisation de ces pratiques contribuera certainement à réduire les coûts futurs des réhabilitations et des reconversions.

Federica Appendino

Enseignante-chercheuse, département Urbanisme, ESPI

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