Droit de la construction
Jurisprudence
Cour de cassation, 3e chambre civile, 5 septembre 2024, n° 21-21.970
Par cet arrêt, la Cour de cassation a confirmé la condamnation d’un cabinet d’architecte maître d’œuvre à indemniser son client à la hauteur du coût de démolition et de reconstruction d’un immeuble en raison du non-respect des règles d’accès aux personnes handicapées. En l’espèce, le petit immeuble bâti sous la maîtrise du cabinet d’architecte aurait dû disposer d’un ascenseur selon les règles en vigueur, ce qui n’était pas prévu par les plans ni donc réalisé par les constructeurs. Comme l’ajout d’un ascenseur était impossible techniquement une fois les travaux de construction achevés, le cabinet d’architecte et son assureur ont été condamnés au paiement d’une indemnité correspondant au coût de la démolition et de la reconstruction de l’immeuble.
Droit de la copropriété
Jurisprudence
Cour de cassation, 3e chambre civile, 12 septembre 2024, n° 23-14.479
Par cet arrêt, la Cour de cassation a précisé les conséquences juridiques de la division d’un terrain bénéficiant d’une servitude conventionnelle de passage. En effet, l’article 700 du Code civil dispose qu’en cas de division d’un fonds bénéficiant d’une servitude, la servitude reste due pour chaque portion, sans néanmoins que la condition du fonds assujetti soit aggravée. La Haute Cour a précisé à travers cet arrêt que l’article 700 du Code Civil « n’emporte pas de plein droit création d’une servitude entre les fonds issus de la division ».
Droit des affaires
Jurisprudence
Cour de cassation, 3e chambre civile, 16 mai 2024, n° 22-22.906
Un preneur s’étant vu refuser le renouvellement de son bail commercial avec offre d’indemnité d’éviction s’était maintenu dans les lieux en attendant le paiement et réclamait en outre des dommages et intérêts. Il est débouté par la cour d’appel qui considère qu’étant occupant sans droit ni titre depuis la résiliation du bail il ne pouvait plus se prévaloir du statut des baux commerciaux. La Cour de cassation casse l’arrêt d’appel en rappelant que les dommages et intérêts alloués ne sauraient être réduits au motif qu’il est occupant sans droit ni titre par l’effet du congé avec refus de renouvellement et offre de paiement d’une indemnité d’éviction.
Droit de l’urbanisme et de l’environnement
Règlement
Direction de l’attractivité et de l’emploi, conseil municipal de la Ville de Paris, délibération n° 2024 DAE 26, 6-9 février 2024, valable depuis le 7 août 2024
Par cette délibération motivée, la Ville de Paris a décidé de mettre en place un périmètre de sauvegarde du commerce et de l’artisanat de proximité (PSCAP) couvrant l’intégralité des 5e et 6e arrondissements, et une partie du 7e, afin d’y mener une expérimentation du droit de préemption commerciale (DPC) qui vise la « préservation des commerces culturels ». La délibération précise que le DPC peut être exercé « sur les fonds de commerce, les baux commerciaux et les fonds artisanaux pour maintenir, voire pour renforcer, la densité et la diversité des commerces culturels présents dans le périmètre » concerné. La Ville de Paris dispose d’un délai de deux mois à compter de la réception de la déclaration préalable pour exercer le droit de préemption. Son silence au terme du délai vaut renonciation à l’exercice de son droit.
Droit des contrats
Règlements
Ordonnance n° 2024-562 du 19 juin 2024 modifiant et codifiant le droit de la publicité foncière
Faute de dépôt devant le Parlement d’un projet de loi de ratification dans le délai imparti, la réforme de la publicité foncière est caduque. L’ordonnance n° 2024-562 du 19 juin 2024 modifiant et codifiant le droit de la publicité foncière procédait notamment à une codification des règles de publicité foncière, définissait enfin cette dernière, simplifiait la consultation du fichier immobilier ou encore redéfinissait le périmètre des actes concernés par la publicité foncière par une formule générique très large excluant les baux de plus de 12 ans qui ne créent pas de droits pour le preneur, mais aussi les contrats de promotion.
Décret n° 2024-673 du 3 juillet 2024 portant diverses mesures de simplification de la procédure civile et relatif aux professions réglementées
Les commissaires de justice (anciennement huissiers de justice et commissaires-priseurs judiciaires) peuvent désormais proposer des services de médiation et de négociation immobilières. Ce décret permet ainsi à tout commissaire de justice d’exercer à titre accessoire l’intermédiation immobilière en vue de la vente d’un bien dont il assure déjà l’administration.
Jurisprudences
Cour d’appel de Chambéry, chambre civile, 1re section, 25 juin 2024, RG 21/02119
La cour d’appel de Chambéry a condamné un agent immobilier à réparer le préjudice subi par un couple, qui lui avait confié un mandat de location, en raison de faute professionnelle grave du fait de ne pas avoir suffisamment enquêté sur la solidité financière des locataires. En effet, cinq mois après la signature du bail, les locataires n’ont plus payé leur loyer. Les mandataires bailleurs estimaient que l’agence immobilière avait procédé à une « insuffisante vérification de la solvabilité de leurs locataires », saisonniers sans emploi au moment des faits, et de ne pas avoir exigé le versement d’un dépôt de garantie, dressé un état des lieux efficace, sollicité une caution solidaire pour chacun des locataires ou encore demandé aux propriétaires s’ils étaient d’accord sur le choix des locataires. La cour d’appel de Chambéry a reconnu la responsabilité de l’agent immobilier et l’a condamné au versement de 12 968,50 euros de dommages et intérêts.
Cour de cassation, 2e chambre civile, 11 juillet 2024, n° 24-70.001
Le 11 juillet 2024, la Cour de cassation a rendu un avis concernant les pouvoirs du juge de l’exécution dans l’hypothèse d’un contrat liant un professionnel et un consommateur, notamment un contrat de crédit immobilier. Lorsque le point n’a pas été envisagé par les juges du fond, le juge de l’exécution doit d’office procéder à l’examen des clauses potentiellement abusives du contrat et en tirer toutes les conséquences, tout particulièrement en cas de saisie immobilière.
Cour de cassation, 3e chambre civile, 5 septembre 2024, n° 23-16.493
La Cour de cassation a validé la décision des juges de première instance qui avaient constaté la caducité d’une promesse unilatérale de vente immobilière. Elle a jugé que le fait que les vendeurs aient occupé le bien durant le délai d’option ne justifiait pas, à lui seul, une prolongation de cette promesse.
Cour de cassation, 3e chambre civile, 5 septembre 2024, n° 23-16.314
Une société civile immobilière (SCI) ne peut se prévaloir d’une clause limitative ou exclusive de garantie des vices cachés au motif qu’elle ne serait pas un professionnel de l’immobilier tenu de connaître les vices de la chose vendue. Il appartient au juge du fond de vérifier son activité consistant en l’espèce à acheter une maison d’habitation pour la revendre après travaux, ainsi que son objet social, à savoir la propriété, gestion et exploitation de biens immobiliers, incluant des opérations financières et immobilières de caractère civil pour en déduire ou non la qualité de professionnel (confirmation de : Cour de cassation, 3e chambre civile, 27 octobre 2016, n° 15-24.232).
Cour de cassation, 3e chambre civile, 12 septembre 2024, n° 23-18.132
En l’espèce, le 23 novembre 2013, un bailleur a donné à bail d’habitation aux locataires un appartement situé à Montpellier. Un congé a été délivré le 13 novembre 2014, mais sans restitution des clés, lesquelles n’ont été récupérées que le 6 décembre 2015. La Cour de cassation considère que le congé a mis fin au bail d’habitation au terme du délai de préavis, soit le 13 février 2015 et que les locataires ne sont donc plus tenus au paiement des loyers. On pourrait cependant considérer qu’une indemnité d’occupation serait exigible.
Cour de cassation, 1re chambre civile, 25 septembre 2024, n° 23-14.777
Le propriétaire d’un bien immobilier avait signé un pacte de préférence donnant la priorité à son voisin s’il venait à vendre son bien. Vingt ans plus tard, après avoir signifié à son voisin son souhait de vendre le bien, le propriétaire a finalement refusé de signer l’acte authentique en vue de vendre le bien à un tiers. Saisi devant un tribunal, le propriétaire vendeur a soutenu la nullité du pacte de préférence car il a été signé pour une période indéterminée, les engagements perpétuels étant nuls. Par cet arrêt, la Haute Juridiction précise que les engagements perpétuels ne sont pas nuls, à condition que chaque partie puisse y mettre fin avec un préavis et un délai raisonnable. Le pacte de préférence signé vingt ans plus tôt n’ayant pas été dénoncé, il était bien valable et devait être respecté.
Droit fiscal
Règlement
Arrêté du 5 juillet 2024 modifiant l’arrêté du 1er août 2014 pris en application de l’article D. 304-1 du Code de la construction et de l’habitation
Le zonage répartissant les communes en zones A, A bis, B1, B2 et C est modifié afin de tenir compte des tensions croissantes du marché locatif.
Ce zonage intervient notamment pour certains dispositifs fiscaux en faveur de l’investissement locatif (Duflot-Pinel, Denormandie, Loc’Avantages), l’octroi de certains prêts (prêt à taux zéro, prêt social de location-accession, prêt locatif social) ainsi que pour d’autres aides au logement (financement des logements intermédiaires, des opérations avec taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée et décote « logement social »).
Jurisprudence
Cour administrative d’appel de Paris, 28 juin 2024, n° 22PA05281
Une proposition de rectification peut être notifiée au contribuable par un courriel contenant un lien vers l’application sécurisée « Escale » de l’administration fiscale qui l’invite à la télécharger. La cour d’appel a jugé cette notification par mail régulière car le Conseil d’État avait considéré dans sa jurisprudence antérieure que le fisc pouvait régulièrement notifier une proposition de rectification par d’autres voies qu’une lettre recommandée avec accusé de réception (Conseil d’État, 8e chambre jugeant seule, 25 mai 2018, n° 408443). Il appartient toutefois à l’administration d’apporter la preuve de la régularité de cette notification. Dans le cas d’espèce soumis à l’appréciation des juges d’appel, le rapport de l’application Escale indiquait la date et l’heure auxquelles le contribuable a téléchargé la proposition de rectification. Par conséquent, l’administration rapportait la preuve et les garanties suffisantes de cette dernière, équivalentes à celles d’un envoi par lettre recommandée avec accusé de réception.
Fiscalité immobilière
Jurisprudences
Cour de cassation, 1re chambre civile, 12 juin 2024, n° 22-17.820
La Cour de cassation rappelle par cet arrêt que, lors d’un divorce, l’époux qui n’a plus la jouissance du domicile conjugal doit, en cas de vente de ce bien, payer l’impôt sur l’éventuelle plus-value. Selon la Cour, cet époux ne peut pas bénéficier de l’exonération de l’impôt puisque le bien n’était plus sa résidence principale au jour de la vente, les mesures provisoires du divorce l’ayant forcé à demeurer ailleurs.
Cour de cassation, chambre commerciale, 18 septembre 2024, n° S 23-12.182 et K 23-12.866
La Cour de cassation a annulé une décision de la cour d’appel de Nouméa concernant M. et Mme [G], résidents fiscaux en France, ayant acquis un bien immobilier à Nouméa sous le régime fiscal Scellier. La direction des finances publiques de Nouvelle-Calédonie avait remis en cause l’avantage fiscal au motif que les acquéreurs n’avaient pas respecté l’engagement de louer le bien pendant cinq ans. M. et Mme [G] ont contesté cette décision, soulignant que l’administration fiscale métropolitaine ne l’avait pas révoqué. La Cour de cassation a jugé que l’administration néocalédonienne ne pouvait annuler cet avantage fiscal sans qu’il ait été d’abord remis en cause par l’administration métropolitaine. Par conséquent, la décision de la cour d’appel fut annulée, confirmant l’avantage fiscal pour les acquéreurs.
Droit pénal
Jurisprudence
Cour de cassation, chambre criminelle, 3 septembre 2024, n° 23-85.489
Par cet arrêt, la Cour de cassation a jugé qu’un propriétaire qui a acheté un hôtel-restaurant pour faire de la location à l’année aurait dû déclarer le changement de destination du bâtiment, et ce même s’il n’avait pas fait de travaux. La Cour a confirmé ainsi la décision qui a déclaré le propriétaire coupable et qui l’a condamné à 15 000 euros d’amende et ordonné la remise en état des lieux sous astreinte et prononcé sur les intérêts civils.
À l’international
Tribunal de justiça do estado do Paraná, 15 de outubro de 2024, autos nº 0003853-62.2019.8.16.0088
Au Brésil, un juge valide un ancien titre de propriété avec un double enregistrement. Le juge a estimé qu’en cas de chevauchement de zones le titre le plus ancien devait prévaloir.
La juge de la cour d’appel de la ville de Guaratuba, dans l’État du Paraná, a déclaré valide le titre de propriété d’une entreprise de construction qui avait été enregistré avant celui d’un autre propriétaire du terrain.
L’entreprise de construction a intenté une action en justice au motif que, depuis l’acquisition d’un terrain à Guaratuba, elle a été menacée par une femme qui l’a accusée de squatter le terrain.
La demandeuse a fait valoir que son titre de propriété, daté de 1947, était antérieur à celui de la défenderesse, délivré en 1961, ce qui le rendait plus ancien et donc légitime.
L’action intentée en justice au Brésil (« esbulho possessorio » article 1210 du Code civil brésilien et 561 du Code de procédure civile) est proche de la notion de squat prévue en droit français. Il s’agit de l’acte qui consiste à priver quelqu’un de la possession d’un bien ou d’une propriété de manière illégale, sans le consentement du propriétaire légitime. En termes juridiques, cela représente une violation du droit de possession, et la personne dépossédée peut intenter une action en justice pour récupérer le bien.
La défenderesse a affirmé être la propriétaire légitime du bien, en présentant un titre de propriété enregistré. Elle a contesté la validité du titre de l’entreprise de construction, affirmant que la documentation utilisée par le demandeur était d’origine irrégulière.
Dans sa décision, la juge a souligné qu’en cas de chevauchement de titres, le titre le plus ancien doit prévaloir, conformément au principe juridique du « prior tempore potior iure » (« le premier dans le temps est le plus fort en droit »). « Le chevauchement des titres de propriété est avéré et, par conséquent, le titre le plus ancien doit prévaloir, garantissant le droit de propriété du plaignant, conformément au principe de l’enregistrement préalable. »
En outre, le magistrat a déclaré que « la reconnaissance du titre le plus ancien est conforme à la nécessité de garantir la sécurité juridique du propriétaire ayant les meilleurs droits de propriété ».
En conséquence, le juge a reconnu que le titre de l’entreprise de construction était antérieur à celui du défendeur et a ordonné l’annulation de l’enregistrement du défendeur.