Veille juridique immobilière n° 10

Mai-juin 2024

Gaëlle Audrain-Demey, Fernanda Chatelard, Carine Guémar, Florian Laussucq, Jennyfer Pilotin, Marcos Povoa et Aubéri Salecroix

Citer cet article

Référence électronique

Audrain-Demey, G., Chatelard, F., Guémar, C., Laussucq, F., Pilotin, J., Povoa, M., & Salecroix, A. (2024). Veille juridique immobilière n° 10. Veille juridique immobilière. Mis en ligne le 10 juillet 2024, Cahiers ESPI2R, consulté le 14 janvier 2025. URL : https://www.cahiers-espi2r.fr/1457

L’immobilier est un secteur en perpétuelle évolution. La présente Veille juridique immobilière, publiée par le département Droit du laboratoire ESPI2R, est un outil incontournable pour comprendre les mutations de l’immobilier contemporain et bâtir une pensée constructive sur les besoins de demain.
La Veille juridique immobilière s’adresse à tout lecteur intéressé par l’immobilier au sens large, juriste ou non. Elle a pour objectif de recenser les actualités juridiques majeures sur un intervalle bimestriel, classées par grande thématique puis en fonction du type de texte concerné.

Ce numéro est réalisé avec la contribution d’apprenants de l’ESPI : Assia Chater, Mathilde Garrigue, Cyrielle Haulon, Marie Julien, Elena Laurent, Guichelle Ngassaki, Ségolène Patient, Julie Snoeck, Claire Theunissen.

Droit de la construction 

Jurisprudence

Cour de cassation – 3e chambre civile — 21 mars 2024 - n° 22-18.694

La Cour de cassation fait volte-face et revient à sa position antérieure au revirement du 15 juin 2017. Dorénavant, « si les éléments d’équipement installés en remplacement ou par adjonction sur un ouvrage existant ne constituent pas en eux-mêmes un ouvrage, ils ne relèvent ni de la garantie décennale ni de la garantie biennale de bon fonctionnement, quel que soit le degré de gravité des désordres, mais de la responsabilité contractuelle de droit commun, non soumise à l’assurance obligatoire des constructeurs ».

30 mai 2024 - Cour de cassation - Pourvoi n° 22-20.711

Article L.243-1-1, du Code des assurances conforté. La Cour de cassation conforte les conditions d’application de l’assurance obligatoire pour les dommages causés par les travaux neufs aux existants. Il en résulte que l’assurance obligatoire ne garantit les dommages à l’ouvrage existant provoqués par la construction d’un ouvrage neuf que dans le cas d’une indivisibilité technique des deux ouvrages et si celle-ci procède de l’incorporation totale de l’existant dans le neuf.

Cour de cassation, civile, 3e Chambre civile, 16 mai 2024, 23-12.438, Inédit

Seul un cas de force majeure peut exonérer le bailleur de son obligation de délivrance d’un logement décent. Dans ce cas précis, le logement était décent à l’entrée des locataires dans les lieux, mais des travaux ayant dû être effectués sur la toiture durant le bail à cause d’infiltrations ont rendu le logement indécent. Les locataires percevront des dommages-intérêts.

Cour de cassation, civile, 3e Chambre civile, 6 juin 2024, 23-11.336, Publié au bulletin

Les défauts de conformité aux stipulations contractuelles qui ne portent pas, en eux-mêmes, atteinte à la solidité ou à la destination de l'ouvrage et qui n'exposent pas le maître de l'ouvrage à un risque de démolition à la demande d'un tiers n'entrent pas dans champ d'application de l'article 1792 du code civil, quand bien même la démolition-reconstruction de l'ouvrage serait retenue pour réparer ces non-conformités.

Droit de la copropriété

Jurisprudence

Cour de cassation, civile, 3e Chambre civile, 25 avril 2024, 22-20.174, Publié au bulletin

La mise en conformité des statuts d’une association syndicale libre doit respecter les règles relatives aux modalités de vote contenues dans les statuts d’origine.

Droit des affaires

Législation

Arrêté préfectoral du 28 mai 2024 fixant les loyers de référence, les loyers de référence majorés et les loyers de référence minorés pour la Ville de Paris

Cet arrêté détermine, à compter du 1er juillet 2024 pour les loyers de référence pour un an, les loyers de référence majorés (supérieurs de 20%) et minorés (diminués de 30%) applicables sur la ville de Paris jusqu’au 30 juin 2025. Les valeurs sont basées les études de l’Observatoire des Loyers de l’Agglomération Parisienne.

Arrêté du 25 mars 2024 modifiant les seuils des étiquettes du diagnostic de performance énergétique pour les logements de petites surfaces et actualisant les tarifs annuels de l’énergie

Le texte confirme l’entrée en vigueur au 1er juillet 2024 de nouveaux seuils d’étiquettes DPE pour tenir compte de la particularité des petits logements. A compter de cette date, les propriétaires pourront télécharger l’attestation de changement de classe DPE. Pour l’élaboration de l’étiquette énergie, l’arrêté définit, dans chaque catégorie de classe DPE, des valeurs intermédiaires de consommation d’énergie primaire (Cep) et d’émission de gaz à effet de serre (EGES) pour chaque mètre carré de surface de référence entre 8 m2 et 40 m2. Il permet ainsi, à titre d’exemple, de faire évoluer le seuil de performance Cep entre les étiquettes E et F, de 330 kWh/m2/an, valeur classiquement retenue, à 349 kWh/m2/an pour les logements de 30 m2, et à 385 kWh/m2/an pour les logements de 20 m2.

Projet de loi présenté au sénat le 6 mai 2024, relatif au développement de l’offre de logements abordables. (Examen en commission le 5 juin 2024)

La défenseure des droits rend un avis soulignant les risques d’atteintes aux droits que comporte ce texte ainsi qu’une fragilisation de l’offre de logement social au détriment des ménages les plus modestes. Elle analyse notamment que le 1er article du projet peut amener à une réduction de la production de logements sociaux en permettant aux communes de compter des logements intermédiaires pour atteindre une partie de leurs objectifs de logements sociaux. Elle recommande le retrait de certaines dispositions du projet de loi qui fragiliseraient la protection de leurs droits et propose de maintenir un accent sur la production de logements pour les foyers les plus modestes. Pour rappel ce texte propose trois types de mesures : renforcer le rôle des maires dans la politique de logement ; simplifier les procédures d’urbanisme pour faciliter la construction ; améliorer la mobilité dans le logement social.

Droit de l’urbanisme et de l’environnement 

Décret n° 2024-529 du 10 juin 2024 portant diverses dispositions relatives à l’évaluation environnementale des projets

Ce décret modifie 4 rubriques de la nomenclature des projets soumis à évaluation environnementale dont la rubrique 44, concernant les équipements sportifs et culturels.

Question n° 09876 posée au Ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire répondu le 21/03/2024

Le ministre de l'Agriculture a été interrogé sur les obligations légales des communes concernant le remembrement rural, rebaptisé AFAFE (Aménagement foncier agricole forestier et environnemental). Le ministère a précisé que cette procédure est initiée par le conseil municipal et décidée par le conseil départemental (CRPM, articles L. 121-2 et suivants). Les travaux connexes sont financés par une association foncière de propriétaires, sauf si le conseil municipal en prend la charge (CRPM, articles L. 123-8 et suivants). Le département finance les dépenses de la procédure AFAFE (CRPM, article L. 121-15), avec des contributions possibles d'autres collectivités. Les aménagements doivent respecter les contraintes écologiques et les dépenses liées à la voirie communale et aux travaux particuliers sont à la charge des communes et des propriétaires respectivement.

Jurisprudence

Conseil d’Etat, 30 avril 2024, n° 465124

Le juge administratif, pour conforter son appréciation des pièces du dossier, peut décider de fonder sa décision, sans les communiquer aux parties, sur les données publiques de référence produites par l’Institut géographique national (IGN) et librement accessibles au public sur le site internet geoportail.gouv.fr.

Droit des contrats

Jurisprudence

Cour de cassation, chambre commerciale, 5 juin 2024, n° 23-15.741

Par cet arrêt, la Cour de cassation a décidé que les dispositions de l’article L. 341-2 du Code de commerce sur le caractère abusif d’une clause qui restreint la liberté de commerce s’appliquent au contrat de franchise d’agence immobilière.

En l'espèce, les anciens franchisés contestaient la licéité de clauses de non-réaffiliation post-contractuelle prévues dans des contrats de franchise. Le franchiseur a soutenu qu'une activité de service ne peut être qualifiée de « commerce de détail », en l'absence de vente de marchandises à des consommateurs.

Pour la Cour de cassation, la notion de commerce de détail ne « peut être entendue au sens de la seule vente de marchandises à des consommateurs et peut couvrir des activités de services auprès de particuliers, telle une activité d'agence immobilière ».

Décision du 13 juin 2024 de la Cour de Cassation - Pourvoi n° 24-70.002

Cette décision traite de l'application de l'article 10 de la loi n° 2023-668 du 27 juillet 2023 aux contrats de bail en cours. La Cour de cassation a jugé que les nouvelles dispositions, qui modifient les délais de paiement pour éviter la résiliation de bail, ne s'appliquent pas rétroactivement aux contrats existants, mais uniquement aux nouveaux contrats ou à ceux renouvelés après l'entrée en vigueur de la loi. Par conséquent, les délais de paiement prévus dans les contrats de bail en cours restent valables et inchangés.

Droit pénal

Loi n° 2024-322 du 9 avril 2024, JORF n° 0084 du 10 avril 2024

la loi n° 2024-322 du 9 avril 2024 visant à l’accélération et à la simplification de la rénovation de l’habitat dégradé et des grandes opérations d’aménagement (JO 10 avr.) a créé un article 3-4 de la loi susvisée de 1989 incriminant pénalement à hauteur d’un an d’emprisonnement, et de 20 000 € (pour les personnes physiques) ou jusqu’à 100 000 € d’amende (pour les personnes morales pénalement responsables) tout bailleur ou intermédiaire s’abstenant de délivrer une quittance ou un reçu du loyer au locataire, refusant de rectifier un acte de location pour le rendre conforme au contrat-type, ou de dissimuler ces obligations.

Fiscalité générale

Lois et règlements

Loi n° 2024-494 du 31 mai 2024 visant à assurer une justice patrimoniale au sein de la famille

Entrées en vigueur depuis le 2 juin 2024, les dispositions de l’article L. 247 du Livre des procédures fiscales (LPF) modifiées par la Loi n° 2024-494 du 31 mai 2024 visant à assurer une justice patrimoniale au sein de la famille, permettent désormais au contribuable de solliciter auprès de l’administration fiscale une remise gracieuse des impositions, intérêts et majorations dues par son ex-conjoint(e), partenaire de PACS au titre de la vie commune. L’ex-partenaire ou ex-époux(se) demeurera ainsi le/la seul(e) redevable. Le contribuable devra toutefois apporter des éléments de preuve démontrant qu’il n’avait pas eu connaissance de la fraude fiscale commise par son ex-partenaire et qu’il n’a pas bénéficié des fruits de cette fraude.

LOI n° 2024-537 du 13 juin 2024 visant à accroître le financement des entreprises et l'attractivité de la France

La loi a pour objectif de favoriser la croissance des entreprises en leur facilitant leur introduction en bourse ; ou encore en assouplissant les règles d’éligibilité des entreprises au plan d’épargne en action, destiné au financement des petites et moyennes entreprises, et les règles d’investissement des fonds communs de placement d’entreprise.

Fiscalité immobilière 

Jurisprudence

Conseil d’Etat, 11 juin 2024, n° 469216

S’agissant de la taxe communale sur les cessions de terrains devenus constructibles, le Conseil d’Etat a jugé que le délai de reprise de l’administration fiscale est celui qui s’applique en matière d’impôts directs locaux. En effet, la taxe précitée est un impôt direct perçu au profit des collectivités locales, celle-ci étant affectée aux recettes fiscales de la section de fonctionnement des communes. Par conséquent, le délai de reprise est d’un an conformément aux dispositions de l’article L 173 du LPF, c’est-à-dire jusqu’à la fin de l’année suivant celle au titre de laquelle l’imposition est due.

A l’international

Jurisprudence

CJUE, 6 juin 2024, INGESTEEL spol. s.r.o, aff. C-547/22

Le soumissionnaire illégalement évincée d’une procédure de passation d’un marché public peut être indemnisé du fait de la perte de chance de participer à cette procédure ou de tirer un quelconque bénéfice de celle-ci

Gaëlle Audrain-Demey

Responsable du programme Diplôme supérieur de l’immobilier
Enseignante-chercheuse, département Droit, laboratoire ESPI2R

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Fernanda Chatelard

Responsable du département Droit, laboratoire ESPI2R

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Carine Guémar

Enseignante-chercheuse, département Droit, laboratoire ESPI2R

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Florian Laussucq

Enseignant-chercheur, département Droit, laboratoire ESPI2R

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Enseignante-chercheuse, département Droit, laboratoire ESPI2R

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Marcos Povoa

Enseignant-chercheur, département Droit, laboratoire ESPI2R

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Aubéri Salecroix

Chargée d’enseignement et de suivi pédagogique, ESPI
Avocate
Conseillère en immobilier

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