Droit de la construction
Jurisprudences
Cour de cassation, 3e chambre civile, 7 mai 2025, n° 24-15.027
Par cet arrêt, la Cour de cassation s’est prononcée sur le caractère absolu du droit de propriété. Elle rappelle, au visa des articles 544 et 551 du Code civil, que chaque indivisaire a le droit d’user et de jouir du bien indivis à la condition de ne pas en changer la destination sans le consentement unanime de tous les propriétaires et de ne causer de trouble à la possession d’aucun d’eux. Elle ajoute toutefois que chaque indivisaire peut, en vertu de ce même droit, en demander la suppression totale.
Cour de cassation, 3e chambre civile, 28 mai 2025, n° 23-18.781
Dans cette affaire, un office public de l’habitat avait confié le lot de bardage à une entreprise assurée dans le cadre d’une réhabilitation de logements. L’entreprise s’était fournie en matériaux auprès d’un fournisseur, lui-même assuré. Après la réception des travaux, un sinistre a été déclaré par l’office public de l’habitat car des désordres affectaient le bardage. L’entreprise a donc assigné le fournisseur sur le fondement de la garantie des vices cachés, mais ce dernier lui a opposé la prescription de l’action.
La Cour de cassation a rappelé qu’en matière de garantie des vices cachés, lorsque l’action récursoire est exercée par un constructeur ou son assureur à l’encontre du fournisseur, le délai de prescription biennale de l’article 1648 du Code civil ne court pas à compter de la découverte du vice mais à compter de l’assignation en responsabilité du constructeur ou, à défaut, à compter de l’exécution de son obligation de réparation.
Droit de la copropriété
Jurisprudence
Conseil d’État, 1re – 4e chambres réunies, 9 avril 2025, n° 492236
Dans cette affaire, un syndicat des copropriétaires avait saisi le tribunal administratif de Toulon aux fins d’obtenir l’annulation, pour excès de pouvoir, d’un arrêté ayant accordé un permis de construire à une société civile de construction. Le tribunal administratif de Toulon ayant rejeté cette demande pour motif d’irrecevabilité, en invoquant l’absence d’autorisation donnée par l’assemblée générale des copropriétaires, le syndicat des copropriétaires a formé un pourvoi en cassation.
Par un arrêt du 9 avril 2025, le Conseil d’État rappelle, tout d’abord, qu’en vertu de la loi du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis, le syndicat des copropriétaires a la qualité pour agir en justice (article 15), puis précise que le syndic est chargé de représenter le syndicat dans tous les actes civils et en justice dans les cas mentionnés aux articles 15 et 16 de ladite loi (article 18).
Enfin, le Conseil d’État précise que le syndic ne peut agir en justice au nom du syndicat sans y avoir été autorisé par une décision de l’assemblée générale, et que seuls les copropriétaires peuvent se prévaloir de l’absence d’autorisation du syndic à agir en justice en vertu de l’article 55 du décret du 17 mars 1967 (d’application de la loi du 10 juillet 1965). Toutefois, le Conseil d’État annule la décision rendue par le tribunal administratif de Toulon. En effet, le juge ne peut soulever d’office l’absence d’autorisation donnée par l’assemblée générale des copropriétaires au syndic pour rejeter l’action du syndic de copropriété. Ainsi, le tribunal administratif a commis une erreur de droit.
Droit des affaires
Jurisprudence
Cour de cassation, 3e chambre civile, 10 avril 2025, n° 23-14.974 et n° 23-14.099
La Cour de cassation, par deux arrêts du 10 avril, rappelle que l’obligation de délivrance du bailleur dans un bail commercial est fondamentale, autonome et non écartée par des clauses générales, telles que les clauses de non-recours, de prise en l’état ou de mise aux normes. En effet, le bailleur, dans un bail commercial, doit délivrance matérielle et juridique au preneur, et le local doit être conforme à la destination contractuelle.
Droit de l’urbanisme et de l’environnement
Règlement
Décret n° 2025-461 du 26 mai 2025 prorogeant le délai de validité des autorisations d’urbanisme délivrées entre le 1er janvier 2021 et le 28 mai 2024
Une prorogation exceptionnelle des délais de validité des autorisations d’urbanisme a été instituée en application du décret n° 2025-461 du 26 mai 2025.
La durée de validité des permis de construire, d’aménager ou de démolir, ainsi que des décisions de non-opposition à déclaration préalable délivrés entre le 28 mai 2022 et le 28 mai 2024 est portée à cinq ans. De même, la durée de validité des mêmes autorisations délivrées entre le 1er janvier 2021 et le 27 mai 2022 est prorogée d’une année. Les dispositions de ce décret sont applicables aux autorisations d’urbanisme en cours de validité à la date de sa publication, soit le 28 mai 2025.
Jurisprudence
Cour de cassation saisie pour avis, 10 avril 2025, n° 25-70.002
Par un avis du 10 avril 2025, la Cour de cassation s’est prononcée sur la législation applicable lorsqu’une amende civile fondée sur un changement d’usage illicite est intervenu avant l’entrée en vigueur de la loi du 19 novembre 2024 visant à renforcer les outils de régulation des meublés de tourisme à l’échelle locale dite loi Le Meur.
En l’espèce, la Ville de Paris avait assigné un propriétaire et son locataire, leur reprochant un changement d’usage illicite du bien du fait de sa sous-location, en visant les nouveaux critères introduits par la loi Le Meur et non ceux de la loi en vigueur au moment des faits. Le président du tribunal judiciaire de Paris a estimé que la question soulevée était « nouvelle en ce qu’elle découle d’une loi récente dont la question de l’application dans le temps n’a pas été tranchée par le législateur et n’a pas encore été soumise à la Cour de cassation par la voie contentieuse ». Dès lors, il sursit à statuer dans l’attente de l’avis de la Cour de cassation.
La Cour de cassation précise que la loi Le Meur constitue une nouvelle règle de fond, plus sévère que l’ancienne, car elle élargit les critères permettant de considérer un local comme à usage d’habitation. L’ancienne loi s’applique donc pour déterminer le changement d’usage, à condition que la location ait cessée avant le 21 novembre 2024.
Droit des contrats
Loi
Loi n° 2025-534 du 13 juin 2025 expérimentant l’encadrement des loyers et améliorant l’habitat dans les outre-mer
La loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (ELAN) avait instauré, à titre expérimental et ce jusqu’au 25 novembre 2023, dans les zones dites « tendues » un encadrement au niveau des loyers, qu’il s’agissait d’une mise en location ou du renouvellement du bail.
La loi du 13 juin 2025 a étendu cette expérimentation aux zones tendues des départements et régions d’outre-mer pour une nouvelle durée de cinq ans, c’est-à-dire jusqu’en juin 2030.
Jurisprudence
Cour de cassation, 3e chambre civile, 19 juin 2025, n° 23-19.292 et n° 23-17.604
Par deux arrêts rendus le 19 juin 2025, la Cour de cassation a apporté des précisions concernant le droit de préemption reconnu par la loi à un locataire titulaire d’un bail commercial en cas de vente des locaux. Selon les dispositions de l’article L. 145-46-1 du Code de commerce, le locataire de locaux à usage commercial ou artisanal titulaire d’un bail commercial possède un droit de préemption (dénommé droit de préférence) pour son acquisition. À titre d’exception, ce droit de préemption peut être écarté, comme dans le cas d’une cession globale d’un immeuble comprenant « des locaux commerciaux » (article L. 145-46-1 al. 6 du Code de commerce). La Cour de cassation a ainsi apporté des précisions à cette exception, en statuant que « pour la catégorie générique des locaux commerciaux, [l’exception] s’applique en cas de cession d’un immeuble comprenant un seul local commercial ». Ainsi, le locataire ne bénéficie pas d’un droit de préemption lorsque le local loué ne constitue qu’une partie de l’immeuble vendu, « même si celui-ci ne comprend qu’un seul local commercial ».
Dans le premier arrêt (n° 23-19292), la Cour de cassation relève que les locaux loués ne constituaient qu’une partie des lots d’un immeuble en copropriété objets de la vente concernée, de sorte que le locataire ne bénéficiait pas du droit de préemption légal. Puis, dans le second arrêt (n° 23-17604), la Cour de cassation soulève que le bail portait seulement sur une partie de l’ensemble immobilier vendu, et que par conséquent, le droit de préemption légal ne s’appliquait pas. Ainsi, les juges du droit ont précisé qu’en « l’absence de disposition expresse, l’article 145-46-1 du Code de commerce ne confère pas au locataire un droit d’acquérir en priorité au-delà de l’assiette du bail qui lui a été consenti ».
Fiscalité immobilière
Règlement
Décret n° 2025-502 du 6 juin 2025 relatif à l’accréditation des représentants fiscaux prévue à l’article 244 bis A du code général des impôts
Les redevables non-résidents qui réalisent des plus-values en France lors de la vente d’un bien immeuble ou meuble s’acquittent, en application des articles 244 bis A et 244 bis B du Code général des impôts, de l’impôt dû sous la responsabilité d’un représentant fiscal établi en France et accrédité par l’administration fiscale.
Le décret précise les conditions d’octroi de l’accréditation pour une durée indéterminée et ponctuelle au titre d’une cession donnée ainsi que les modalités de retrait de l’accréditation délivrée pour une durée indéterminée.
Jurisprudence
Conseil constitutionnel, 7 mai 2025, décision QPC n° 2025-1138
Par la décision du 7 mai 2025, le Conseil constitutionnel a jugé que l’article 1518 sexies A du Code général des impôts (CGI), dans sa rédaction issue de la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019, était conforme à la Constitution.
Le mode d’évaluation de la valeur locative d’un bien est défini par l’article 1494 du CGI, base de calcul de la taxe foncière. L’article 1518 sexies A du CGI prévoit un mécanisme de lissage des variations de cette valeur locative pour les locaux industriels et professionnels en cas de changement d’affectation. La taxe foncière est ainsi calculée sur cette valeur lissée. Devant le Conseil constitutionnel, la requérante faisait valoir que, dans le cas d’une baisse de la valeur locative due à la cessation d’une activité industrielle, le lissage de cette variation conduit à une imposition à la taxe foncière fondée sur des critères non objectifs et irrationnels, basés sur une assiette fiscale fictive. La requérante contestait ainsi la conformité de l’article 1518 A sexies du CGI.
Les Sages ont précisé que le lissage de la variation de la valeur locative n’est applicable que si cette variation excède 30 % de la valeur locative antérieure, et que cette réduction est répartie sur une période de six ans. Ils ont ajouté que le lissage cesse de s’appliquer, dès l’année suivante, en cas de changement d’exploitant ou d’affectation du bâtiment pendant la période de réduction.
Pour le Conseil constitutionnel, le législateur s’est fondé sur des critères objectifs et rationnels par rapport à l’objectif poursuivi ; l’article 1518 sexies A du CGI est donc conforme au principe d’égalité devant les charges publiques.
Droit pénal
Jurisprudence
Cour de cassation, 3e chambre civile, 28 mai 2025, n° 24-16.592
Aux termes des articles L. 461-1 et L. 461-3 du Code de l’urbanisme, seuls les agents habilités désignés par l’ordonnance du juge des libertés et de la détention peuvent, sans l’assentiment exprès de l’occupant, pénétrer dans un domicile ou local comprenant des parties à usage d’habitation aux fins de vérifier le respect des règles de l’occupation des sols et du développement urbain. La Cour de cassation rappelle dans cette affaire que les règles de forme prévues par le Code de l’urbanisme en matière de lutte contre les infractions aux règles de l’urbanisme doivent être respectées. En effet, le vice de forme entraîne la nullité de l’acte émis.
À l’international
Jurisprudence
Conselho Nacional de Justiça, 26 juin 2025, n° 0006596-24.2023.2.00.0000
Au Brésil, le Conseil national de la justice (CNJ) écarte l’utilisation de la sentence arbitrale pour la reconnaissance de l’usucapion en notariat. L’usucapion, ou prescription acquisitive, est un mode d’acquisition d’un droit réel (comme la propriété ou l’usufruit) fondé sur une possession continue, paisible, publique et non équivoque pendant un certain temps, en général trente ans. En droit brésilien, l’usucapion existe également mais présente des particularités, notamment une diversité de régimes adaptés à des finalités sociales ou rurales, ce qui la distingue du droit français (pour en savoir plus : Dalloz Actu Étudiant. [2014, 14 février]. Qu’est-ce que l’usucapion ?)
Dans le cadre du jugement de la « demande de mesures » (Pedido de Providências) n° 0009820-49.2023.2.00.0000, le CNJ a établi, dans une décision rendue le 26 juin 2025, qu’il n’est pas possible de procéder à l’enregistrement d’une usucapion sur la seule base d’une sentence arbitrale, en raison de l’absence de disposition légale explicite le permettant.
Selon le rapport du conseiller M. Terto, la sentence arbitrale ne peut être assimilée à une décision judiciaire aux fins d’enregistrement immobilier. Elle requiert donc soit une homologation judiciaire, soit une procédure spécifique devant le pouvoir judiciaire.
Il convient de souligner que l’activité des registres publics est soumise au principe de légalité, dans la mesure où l’article 236, §1er de la Constitution fédérale dispose que les activités déléguées par le pouvoir public aux notaires et aux officiers de l’état civil doivent être régies par la loi. Cette exigence renvoie notamment à la loi n° 8.935/1994 (loi sur les notaires et registres) et à la loi n° 6.015/1973 (loi sur les registres publics, LRP).
Traditionnellement judiciaire, la procédure d’usucapion peut désormais se faire de manière extrajudiciaire, conformément à l’innovation introduite par le Code de procédure civile (CPC). En effet, l’article 1.071 du CPC a ajouté à la LRP l’article 216-A, qui établit les conditions et la procédure à suivre pour introduire une demande d’usucapion auprès du service du registre foncier compétent.
Afin de réglementer cette matière, le règlement n° 149/2023 de la Direction nationale des services judiciaires (Corregedoria Nacional de Justiça) a fixé, entre ses articles 398 et 423, le cadre de la procédure d’usucapion extrajudiciaire.
Ces règles réaffirment que, même lorsqu’elle est initiée par une demande privée, l’usucapion touche à des intérêts dépassant les seules parties concernées, ce qui nécessite une large publicité, la participation de tiers, ainsi que le respect des garanties fondamentales.