Veille juridique immobilière n° 7

Novembre-décembre 2023

Gaëlle Audrain-Demey, Fernanda Chatelard, Carine Guémar, Florian Laussucq, Jennyfer Pilotin, Marcos Povoa et Aubéri Salecroix

Citer cet article

Référence électronique

Audrain-Demey, G., Chatelard, F., Guémar, C., Laussucq, F., Pilotin, J., Povoa, M., & Salecroix, A. (2024). Veille juridique immobilière n° 7. Veille juridique immobilière. Mis en ligne le 31 janvier 2024, Cahiers ESPI2R, consulté le 27 avril 2024. URL : https://www.cahiers-espi2r.fr/1368

L’immobilier est un secteur en perpétuelle évolution. La présente Veille juridique immobilière, publiée par le département Droit du laboratoire ESPI2R, est un outil incontournable pour comprendre les mutations de l’immobilier contemporain et bâtir une pensée constructive sur les besoins de demain.
La Veille juridique immobilière s’adresse à tout lecteur intéressé par l’immobilier au sens large, juriste ou non. Elle a pour objectif de recenser les actualités juridiques majeures sur un intervalle bimestriel, classées par grande thématique puis en fonction du type de texte concerné.

Ce numéro est réalisé avec la contribution d’apprenants de l’ESPI : Assia Chater, Mathilde Garrigue, Cyrielle Haulon, Marie Julien, Elena Laurent, Guichelle Ngassaki, Ségolène Patient, Julie Snoeck, Claire Theunissen, Océane Zarate-Zimnol.

Droit de la copropriété

Lois et règlements

Projet de loi n° 1984 du 12 décembre 2023 relatif à l'accélération et à la simplification de la rénovation de l'habitat dégradé (projet de loi pour l’habitat dégradé)

Le Gouvernement a déposé un projet de loi « relatif à l’accélération et à la simplification de la rénovation de l'habitat dégradé et des grandes opérations d'aménagement ». Selon les pouvoirs publics, le projet de loi poursuit trois objectifs fondamentaux : moderniser les outils à la disposition des collectivités et des opérateurs pour permettre une intervention le plus en amont possible ; simplifier les procédures judiciaires et administratives ; faciliter les opérations stratégiques et d’ampleur pour la réalisation ou la rénovation de logements.

Droit des affaires

Jurisprudence

Cour de cassation, chambre commerciale, 11 octobre 2023, n° 21-24 776

La chambre commerciale de la Cour de cassation statue par cet arrêt que la société de gestion d’un fonds d’investissement dispose du pouvoir d’agir au nom des associés (porteurs de parts des fonds d’investissement) afin de défendre leurs intérêts et l’intérêt de la société dans les fonds d’investissement qu’elle gère. Il en découle que les sociétés de gestion sont recevables à exercer l’action ut singuli normalement ouverte aux associés. Cette solution de la haute cour peut en principe s’appliquer aux fonds d’investissement immobilier (les SCPI, par exemple).

Cour de cassation, chambre commerciale, 14 novembre 2023, n° 21-19 146

Par cet arrêt, la Cour de cassation rappelle que la responsabilité du gérant d’une société civile immobilière (SCI) peut être engagée pour dol dans le cas d’une faute détachable de ses fonctions, et que l’action en responsabilité prescrit par cinq ans.

En l’espèce, le liquidateur judiciaire d’une société par actions simplifiée (SAS) conteste l’évaluation d’un immeuble qui a été vendu à cette société par une SCI et invoque des manœuvres dolosives commises par le dirigeant de la SCI, également dirigeant de la SAS. Il a assigné le notaire évaluateur de l’immeuble ainsi que le gérant de la SCI en paiement de dommages et intérêts.

La haute cour statue que, en vendant à la société acheteuse un immeuble à un prix dont il savait qu'il excédait largement le prix du marché alors que les consentements de la société acheteuse et de la société vendeuse ne pouvaient s'exprimer que par son intermédiaire, le dirigeant social des deux sociétés a commis une faute dolosive et l’action en réparation prescrit par un délai de cinq ans.

Droit de l’urbanisme et de l’environnement

Lois et règlements

Trois décrets du 27 novembre 2023 autour de l’objectif zéro artificialisation nette (ZAN)

Trois décrets ont été publiés le 27 novembre 2023 pour mettre en application la loi n° 2023-630 du 20 juillet 2023. Ces décrets visent à clarifier les objectifs pour les collectivités territoriales en termes de sobriété foncière, faciliter la mise en œuvre des objectifs de lutte contre l’artificialisation des sols et accompagner les élus locaux. Les décrets confirment également l’absence d’effet contraignant sur les objectifs de lutte contre l’artificialisation des sols.

En pratique, le décret n° 2023-1096 du 27 novembre 2023 relatif à l’évaluation et au suivi de l’artificialisation des sols prévoit une nouvelle nomenclature pour classer les surfaces selon leur qualification d’artificialisées ou de non artificialisées.

Le décret n° 2023-1097 relatif à la territorialisation des objectifs de gestion économe de l’espace et de lutte contre l’artificialisation des sols n’impose pas un objectif chiffré d’artificialisation dans les règles générales du SRADDET. L'article 3 du décret prévoit notamment que les objectifs chiffrés de lutte contre l'artificialisation des sols définis par un document d'urbanisme ne sont pas opposables à une demande d'autorisation d'urbanisme : « Une autorisation d'urbanisme conforme aux prescriptions d'un document d'urbanisme en vigueur et ayant fixé des objectifs chiffrés de lutte contre l'artificialisation des sols en application du IV de l'article 194 de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets ne peut être refusée au motif qu'elle serait de nature à compromettre le respect de ces objectifs. En particulier, afin de préserver les espaces affectés aux activités agricoles, une autorisation d'urbanisme relative à une construction ou installation nécessaire à une exploitation agricole ne saurait être refusée au seul motif que sa délivrance serait de nature à compromettre de tels objectifs. »

Le décret n° 2023-1098 relatif à la composition et aux modalités de fonctionnement de la commission régionale de conciliation sur l’artificialisation des sols : en principe les projets d’ordre national ou européen doivent être établis par arrêté du ministre chargé de l’urbanisme après avis du président du Conseil régional et consultation de la conférence régionale de gouvernance du ZAN. En cas de mésentente entre l’État et la régionale concernant la liste nationale de ces projets, c’est la commission de consultation qui pourra être saisie et qui est composée de trois représentations pour la région et trois pour l’État.

Le PLU bioclimatique de la ville de Paris : ouverture de l’enquête publique

L'enquête publique sur le projet de plan local d'urbanisme bioclimatique (PLU-B) de Paris, arrêté en juin 2023, s’ouvre le 8 janvier et se terminera le 29 février 2024 à 17h00. Cette évolution importante de la procédure de révision du document doit permettre à tous les acteurs de se concerter sur le projet : les habitants, associations, acteurs de l’immobilier, des promoteurs aux propriétaires fonciers, pourront s'exprimer à travers l’enquête publique pour faire évoluer le projet et accroître la sécurité juridique des opérations.

Avis de la Cour de cassation du 16 novembre 2023 sur le droit au relogement d’un propriétaire occupant un bien exproprié

En réponse à une demande d’avis formulée par le juge de l'expropriation de la Seine-Saint-Denis, la Cour de cassation a émis l’avis selon lequel « le propriétaire-occupant, qui accepte d'être relogé, bénéficie d'une réparation en nature d'une partie du préjudice résultant de l'expropriation, devant être prise en compte lors de la fixation des indemnités, en application de l'article R.  423-9 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ». Selon la Cour, les modalités de prise en compte du relogement lors de la fixation des indemnités relèvent du pouvoir souverain d'appréciation des juges du fond.

Jurisprudence

Conseil d’État, 5e-6e chambres réunies, 1er décembre 2023, n° 448905

Concernant le permis de construire, le pétitionnaire peut modifier son projet pendant l’instruction. La juridiction administrative a considéré qu’en « l'absence de dispositions expresses du code de l'urbanisme y faisant obstacle, il est loisible à l'auteur d'une demande de permis de construire d'apporter à son projet, pendant la phase d'instruction de sa demande et avant l'intervention d'une décision expresse ou tacite, des modifications qui n'en changent pas la nature, en adressant une demande en ce sens accompagnée de pièces nouvelles qui sont intégrées au dossier afin que la décision finale porte sur le projet ainsi modifié. Cette demande est en principe sans incidence sur la date de naissance d'un permis tacite déterminée en application des dispositions mentionnées ci-dessus. » L’ampleur et la nature des modifications apportées détermineront la procédure et le délai d’instruction.

Conseil d’Etat, 1ère-4e chambres réunies, 9 novembre 2023, n° 469300

Par cet arrêt, le Conseil d’État précise la notion d’extension d’une construction principale en l’absence de précision par un texte d’urbanisme. La Cour retient qu’en l’absence de dispositions du plan local d'urbanisme limitant la surface des extensions susceptibles d'être autorisées dans une commune, la qualité d'extension devait seulement s'apprécier au regard d'un critère de continuité physique et fonctionnelle et de sa complémentarité avec la construction existante, indépendamment de la superficie des travaux projetés par rapport à cette dernière.

Droit des contrats

Jurisprudence

Cour de cassation, 3e chambre civile, 28 septembre 2023, n° 22-18.237

La Cour retient que selon l’article L. 231-2, i), du CCH, le contrat de construction de maison individuelle (CCMI) avec fourniture de plan doit mentionner la date d’ouverture du chantier, le délai d’exécution des travaux et les pénalités prévues en cas de retard de livraison, ces dernières ne pouvant pas être inférieures à 1/3000e du prix convenu par jour de retard. Elle précise que les pénalités de retard ont pour terme la livraison de l’ouvrage et non sa réception, ou la levée des réserves consignées à la réception.

Cour de cassation, 3e chambre civile, 26 octobre 2023, n° 22-16.216

Il résulte de l’article L. 145-41 du Code de commerce que le non-respect des délais de paiement d’un arriéré de loyer commercial accordés par une ordonnance de référé passée en force de chose jugée rend la clause définitivement acquise, nonobstant le solde minime restant dû et la mauvaise foi de la bailleresse à s’en prévaloir.

Cour de cassation, 3e chambre civile, 19 octobre 2023, n° 22-15.536

Par cet arrêt, la Cour de cassation rappelle qu’un propriétaire qui réalise des travaux avant la vente d’un bien immobilier – qu'il soit ou non un professionnel du bâtiment - s’engage dans les responsabilités du professionnel si des défauts venaient à apparaître après la vente. La haute juridiction a refusé l’argument d’amateurisme du vendeur auteur des travaux et l’a condamné à indemniser l’acheteur pour les vices cachés du bien immobilier.

Cour de cassation, 3e chambre civile, 16 novembre 2023, n° 2214.091

La Cour sanctionne la clause du bail visant à faire échec au droit au renouvellement du preneur et la qualifie de non-écrite alors même que cette sanction a été substituée à la nullité par la Loi Pinel du 18 juin 2014 intervenue en cours d’exécution du bail et donc en principe inapplicable. Il en résulte que le preneur peut agir là où l’action en nullité aurait été prescrite.

Cour de cassation, 3e chambre civile, 12 octobre 2023, n° 22-18.580

La Cour précise en matière de congé pour reprise d'un bail d’habitation que : outre « le motif allégué », les noms et adresse du bénéficiaire de la reprise et son lien avec le bailleur, le congé doit justifier du caractère réel et sérieux de la reprise, bien que ce ne soit pas requis, à peine de nullité.

Le juge peut se fonder sur des éléments extérieurs au congé pour s’assurer du sérieux, au jour du congé, de l’intention du bailleur de reprendre les lieux pour en faire sa résidence principale.

Cour de cassation, 3e chambre civile, 30 novembre 2023, n° 2122.539

Par revirement de jurisprudence, la Cour décide qu’en matière de baux ruraux, l’envoi par un copreneur d’un courrier recommandé au bailleur pour lui demander la poursuite du bail à son nom en cas de cessation de l’activité de son copreneur est une simple faculté et que son défaut ne justifie plus la résiliation du bail.

Droit fiscal

Lois et règlements

Amendements du Sénat au Projet de Loi de Finances 2024 (PLF) du 27 novembre 2024 visant la location saisonnière

Le PLF 2024 témoignait d’une volonté du gouvernement de s’en prendre aux locations saisonnières dans un contexte de tension du logement en France. Les discussions du Sénat sur le PLF en date du 27 novembre 2024 ont apporté des éléments concrets concernant les objectifs du gouvernement. En effet, les amendements du Sénat ont suggéré un abaissement des seuils d’imposition pour le régime micro-BIC et une diminution du taux d’abattement pour les loueurs de meublés de tourisme. Les amendements ont également suggéré l’assujettissement à la TVA pour tous les loueurs de meublés touristiques.

Loi n° 2023-1322 du 29 décembre 2023 de finances pour 2024, mesures liées au logement

La loi de finances pour 2024 contient une série de mesures liées au logement et aux particuliers, notamment : 1) le maintien du bouclier tarifaire pour limiter la hausse de l’électricité à au plus 10 % ; 2) le prêt à taux zéro (PTZ), destiné à financer la première accession à la propriété, qui devait se terminer fin 2023, est prorogé jusqu'au 31 décembre 2027 et est recentré sur les achats d'appartements neufs en zone tendue ou de logements anciens avec travaux en zone détendue ; 3) l'éco-PTZ, permettant d'effectuer des travaux de rénovation, est prolongé jusqu'en 2028 ; 4) la réduction d'impôt dans le cadre du dispositif « Denormandie dans l'ancien » est reconduite jusqu'en 2026 ; et 5) pour libérer plus rapidement des terrains pour construire des logements collectifs, les plus-values immobilières foncières dans les zones tendues vont bénéficier d'un abattement temporaire.

Aide à l’accessibilité et à l’adaptation du logement

MaPrimeAdapt’ entre en vigueur en 2024 pour les personnes aux revenus modestes ; le crédit d’impôt en faveur de l’adaptation des logements, prorogé, est recentré sur les ménages intermédiaires, avec un montant calqué sur MaPrimeAdapt’.

Proposition de loi n° 1748 du 17 octobre 2023 visant à défiscaliser le changement de destination des bâtiments inscrits au titre des monuments historiques

Cette proposition de loi vise à encourager la transformation de biens immobiliers classés afin de les rendre accessibles au public, et stimuler ainsi l'activité économique et faciliter la transmission d'entreprises familiales situées dans des biens classés, en relevant à 500 000 € la valeur appliquée à l'abattement lors de la transmission de ces entreprises familiales.

Gaëlle Audrain-Demey

Responsable du programme Diplôme supérieur de l’immobilier
Enseignante-chercheuse, département Droit, laboratoire ESPI2R

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Responsable du département Droit, laboratoire ESPI2R

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Enseignante-chercheuse, département Droit, laboratoire ESPI2R

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Enseignant-chercheur, département Droit, laboratoire ESPI2R

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Enseignante-chercheuse, département Droit, laboratoire ESPI2R

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Enseignant-chercheur, département Droit, laboratoire ESPI2R

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Aubéri Salecroix

Chargée d’enseignement et de suivi pédagogique, ESPI
Avocate
Conseillère en immobilier

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