Veille juridique immobilière n° 8

Janvier-février 2024

Gaëlle Audrain-Demey, Fernanda Chatelard, Carine Guémar, Florian Laussucq, Jennyfer Pilotin, Marcos Povoa et Aubéri Salecroix

Citer cet article

Référence électronique

Audrain-Demey, G., Chatelard, F., Guémar, C., Laussucq, F., Pilotin, J., Povoa, M., & Salecroix, A. (2024). Veille juridique immobilière n° 8. Veille juridique immobilière. Mis en ligne le 01 avril 2024, Cahiers ESPI2R, consulté le 30 avril 2024. URL : https://www.cahiers-espi2r.fr/1420

L’immobilier est un secteur en perpétuelle évolution. La présente Veille juridique immobilière, publiée par le département Droit du laboratoire ESPI2R, est un outil incontournable pour comprendre les mutations de l’immobilier contemporain et bâtir une pensée constructive sur les besoins de demain.
La Veille juridique immobilière s’adresse à tout lecteur intéressé par l’immobilier au sens large, juriste ou non. Elle a pour objectif de recenser les actualités juridiques majeures sur un intervalle bimestriel, classées par grande thématique puis en fonction du type de texte concerné.

Ce numéro est réalisé avec la contribution d’apprenants de l’ESPI : Assia Chater, Mathilde Garrigue, Cyrielle Haulon, Marie Julien, Elena Laurent, Guichelle Ngassaki, Ségolène Patient, Julie Snoeck, Claire Theunissen.

Droit de la construction

Jurisprudence

Cour de cassation, 3e chambre civile, 7 décembre 2023, n° 22-19.463

Par un arrêt en date du 7 Décembre 2023, la 3e Chambre civile de la Cour de cassation a jugé que l’assuré ne peut pas saisir une juridiction aux fins de désignation d’un expert avant l’expiration du délai de soixante jours prévu à l’article L. 242-1 du Code des assurances. Cette décision vient rappeler l’importance de la compréhension de l’assurance dommage-ouvrage, y compris au stade du référé expertise.

Droit de la copropriété

Jurisprudence

Cour de cassation, 3e chambre civile, 29 février 2024, n° 22-24.558

Responsabilité du syndic : le quitus, ce rempart relatif

Le copropriétaire qui vote en faveur d’une résolution de l’assemblée générale du syndicat des copropriétaires donnant quitus au syndic, s’il n’est pas recevable à demander l’annulation de cette résolution, peut rechercher la responsabilité délictuelle du syndic pour obtenir réparation d’un préjudice personnel né de sa faute.

Cour de cassation, 3e chambre civile, 25 janvier 2024, n° 22-22036

Sanction et office du juge à propos d’une clause illicite du règlement de copropriété

La clause illicite de répartition des charges du règlement de copropriété doit être réputée non écrite (et non pas annulée), et il appartient au juge de procéder à une nouvelle répartition des charges conforme aux dispositions d’ordre public.

Droit des affaires

Jurisprudence

Cour de cassation, 3e chambre civile, 14 décembre 2023, n° 22-13.661

La Cour juge qu’un propriétaire ne peut refuser de renouveler un bail aux motifs d’une faute, dès lors que les faits essentiellement imputables au cédant pour une période étaient antérieures à la cession de son fonds de commerce, et que le cessionnaire n’a pas commis des manquements graves justifiant un refus de renouvellement sans indemnité d'éviction.

Autrement dit, la faute qui justifie le refus de renouvellement du bail sans indemnité d’éviction doit avoir été commise par le locataire, à qui le refus est opposé et elle est inopposable à son successeur dès lors qu’aucun manquement ne peut être reproché à ce dernier.

Cour de cassation, 3e chambre civile, 1er février 2024, n° 22-13.446

Par cet arrêt, la Cour de cassation a dû préciser le point de départ du délai de prescription d’une action en responsabilité dans une opération d’investissement immobilier locatif avec défiscalisation comportant un emprunt dont le remboursement du capital était différé à 10 ans.

Visant l’article 2224 du Code civil, la Haute Cour a statué que le point de départ de l’action en responsabilité engagée par un acquéreur contre une société de conseil en gestion de patrimoine et un banquier dispensateur de crédit, pour manquement à leurs obligations d’information, de conseil et de mise en garde, est le jour où le risque s’est réalisé, soit celui où l’acquéreur a appris qu’il serait dans l’impossibilité de revendre le bien à un prix lui permettant de rembourser le capital emprunté.

Droit de l’urbanisme et de l’environnement

Jurisprudence

Conseil d’Etat, 29 janvier 2024, Ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires c/ Commune de Thyez, n° 470379

Pour l’application des dispositions du code rural qui prévoient les hypothèses dans lesquelles un projet de PLU doit être soumis pour avis conforme à la commission de préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers (CDPENAF), doivent être regardées comme des surfaces affectées à des productions bénéficiant d’une appellation d’origine protégée (AOP) les surfaces recensées comme étant effectivement exploitées à ce titre.

Conseil d’Etat, 5e et 6e chambres réunies, 21 décembre 2023, n° 488900

Par cet arrêt, le Conseil d'Etat a écarté une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) portant sur le critère de performance énergétique à respecter en matière de location de logement (résidence principale).

L’UNIS et l’UNPI ont engagé un recours en annulation, pour excès de pouvoir, contre le décret n° 2023-796 du 18 août 2023 qui précise le niveau de performance énergétique minimal à atteindre pour le 1er janvier 2025. Les organisations professionnelles y soutenaient que le critère légal de performance énergétique méconnaissait le droit de propriété protégé par la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.

Le Conseil d'État a écarté la QPC estimant qu’elle n’avait pas un caractère sérieux. Selon le Conseil, le critère supplémentaire de décence d'un logement tenant à la performance énergétique de celui-ci répond « à l'objectif de valeur constitutionnelle que constitue la possibilité pour toute personne de disposer d'un logement décent, en ce qu'il favorise l'amélioration du confort thermique des logements et la réduction de la part, dans le budget des ménages, des dépenses consacrées au chauffage ou, outre-mer, à la climatisation de ceux-ci ».

Droit des contrats  

Jurisprudence

Cour de cassation, 3e chambre civile, 1er février 2024, n° 22-13.446

Report du point de départ du délai de prescription de l’action en responsabilité pour manquement à l’obligation de conseil

Dans une opération d’investissement immobilier locatif avec défiscalisation comportant un emprunt dont le remboursement du capital est différé à dix ans, le point de départ de l’action en responsabilité engagée par l’acquéreur contre des professionnels pour manquement à leurs obligations d’information, de conseil ou de mise en garde est le jour où le risque s’est réalisé, soit celui où l’acquéreur a appris qu’il serait dans l’impossibilité de revendre le bien à un prix lui permettant de rembourser le capital emprunté.

Droit fiscal

Lois et règlements

Annonces ministérielles en faveur de l’agriculture du 1er février 2024

- Modification du seuil de l'article 238 quindecies du CGI pour les transmissions d'entreprises agricoles, passant à 700 000€ pour une exonération totale et 1,2 million d'euros pour une exonération partielle, avec une condition potentielle de reprise par un jeune agriculteur.

- Révision du seuil de l'article 793 bis du CGI pour les transmissions de parts de GFA ou de biens soumis à bail rural de longue durée, avec une augmentation à 600 000€ pour une conservation de 10 ans, tandis que le seuil de 300 000€ pour une conservation de 5 ans reste inchangé.

Ces ajustements visent à soutenir les transmissions agricoles et l'installation des jeunes agriculteurs.

Décret 2024-212 du 11 mars 2024

Arrêté ECOE2335246A du 11 mars 2024

Prévu par la loi de finances pour 2024 et désormais codifié à l’article 244 quater I du CGI, le crédit d’impôt pour investissements dans les filières de production de batteries, de panneaux solaires, d’éoliennes ou de pompes à chaleur entre en vigueur le 14 mars 2024. L’arrêté du 11 mars 2024 précise la liste des équipements, des matières premières critiques (c’est-à-dire les matières premières revêtant une importance économique forte pour les pays demandeurs et pour lesquelles il existe un risque dans la chaîne d’approvisionnement) ainsi que des composants utilisés dans le cadre des activités éligibles au crédit d’impôt.

Jurisprudence

Conseil d’Etat, n° 472284 du 5 février 2024

Le Conseil d’Etat admet le cumul de la majoration fiscale pour défaut de déclaration prévue à l’article 1728 et de la peine de confiscation prévue à l'article 131-21 du code pénal. Il considère que cette majoration ayant une nature différente de la peine de confiscation prononcée par le juge pénal, le cumul de ces deux sanctions n’est pas contraire à l’encadrement constitutionnel résultant de la décision n° 2018-745 QPC du 23 novembre 2018.

Fiscalité immobilière

Lois et règlements

Loi n° 2023-1322 du 29 décembre 2023 de finances pour 2024

Le texte introduit plusieurs modifications concernant les meublés de tourisme :

  • Les mairies peuvent désormais limiter la location touristique des résidences principales à 90 jours au lieu de 120 jours.

  • Les amortissements sont repris dans la plus-value immobilière pour les seuls meublés de tourisme.

  • Les activités de location directe ou indirecte de meublés de tourisme non classés relèvent désormais du régime micro BIC à la condition que le chiffre d’affaires correspondant réalisé en N-1 et N-2 n’excède pas 15 000 €. Le résultat imposable des loueurs de meublés de tourisme non classés relevant du régime micro BIC est égal à leur chiffre d’affaires diminué d’un abattement. Cet abattement, qui était égal à 50 %, est abaissé à 30 %.

  • Enfin, les activités de location de meublés de tourisme classés relevant du régime micro BIC, qui bénéficiaient déjà d’un abattement de 71 %, bénéficient désormais d’un abattement supplémentaire de 21 %, lorsque lesdits meublés ne sont pas situés dans des zones tendues et que les recettes n'excèdent pas au cours de l'année civile précédente 15 000 €.

Ces différentes règles sont applicables à compter de l’imposition des revenus de 2023.

Réponse du Ministère auprès du ministre de l’Économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics, 4 janvier 2024

Saisi par une question visant le point de savoir si dans le cadre de la comparaison entre le revenu foncier et les autres revenus pour un non-résident, ses revenus professionnels encaissés à l'étranger pouvaient être pris en compte, le Ministre répond que L'article 155 IV-2 du CGI dispose que la location de locaux meublés est considérée comme une activité professionnelle si les recettes annuelles excèdent 23 000 euros et surpassent les autres revenus imposables du foyer fiscal. De plus, l'article 4A impose l'impôt sur le revenu aux non-résidents uniquement sur leurs revenus de source française. Ainsi, si un non-résident perçoit plus de 23 000 euros de revenus de location meublée en France et que ses seuls revenus français sont inférieurs, l'activité est qualifiée de professionnelle. Les revenus étrangers non imposés ne sont pas pris en compte dans cette comparaison selon la législation.

Jurisprudence

Tribunal administratif de Nîmes, 2 février 2024, n° 2104408

Le tribunal se prononce en matière de plus-value immobilière, sur le point de savoir si des dépenses relatives à la réfection complète de l’étanchéité d’une terrasse devaient être considérée comme des dépenses de construction, de reconstruction, d'agrandissement ou d'amélioration, seules à même de pouvoir majorer le prix d’acquisition (CGI, art. 150 VB II 4°).

Les juges ont estimé en l’espèce que les travaux ne visaient qu’à réparer les seules défectuosités d’étanchéité de la toiture, et constituaient donc des travaux de réparations, qui ne peuvent venir augmenter le prix d’acquisition.

Cour de cassation, 3e chambre civile, 1er février 2024, n° 22-21.025 FS-B

Une SCI qui a fait appel à une société pour la construction d’un bâtiment à usage commercial à destination de grandes surfaces a demandé lors d’une action contentieuse, une indemnisation en raison de désordres constatés sur le carrelage.

Si la Cour d’appel fait droit à sa demande, la Cour de cassation juge toutefois qu’il ne peut être alloué à la SCI, sans modifier les termes du litige, une indemnité augmentée de la TVA puisqu’elle n’a pas réclamé le montant de son préjudice indiquant la TVA.

Droit pénal

Jurisprudence

Cour de cassation, 3e chambre civile, 6 février 2024, n° 23-81748

Dans cette décision, les juges de la Cour de cassation ont confirmé la possibilité pour le juge pénal d’ordonner la mise en conformité des lieux ou ouvrages non conformes au PLU à la suite d’une condamnation pénale, y compris sous astreinte. Ainsi, conformément aux articles L. 610-1 et L. 480-5 du code de l'urbanisme, les violations des règles établies dans le plan local d'urbanisme (PLU) peuvent entraîner la nécessité d'adapter les lieux ou les constructions. La cour précise à ce titre que, même si une infraction concerne l'utilisation des bâtiments d'une manière non conforme à ce qui est autorisé par le PLU, cela n'empêche pas la mise en place de mesures concrètes afin d’en assurer la conformité.

Gaëlle Audrain-Demey

Responsable du programme Diplôme supérieur de l’immobilier
Enseignante-chercheuse, département Droit, laboratoire ESPI2R

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Responsable du département Droit, laboratoire ESPI2R

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Enseignante-chercheuse, département Droit, laboratoire ESPI2R

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Florian Laussucq

Enseignant-chercheur, département Droit, laboratoire ESPI2R

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Enseignante-chercheuse, département Droit, laboratoire ESPI2R

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Marcos Povoa

Enseignant-chercheur, département Droit, laboratoire ESPI2R

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Aubéri Salecroix

Chargée d’enseignement et de suivi pédagogique, ESPI
Avocate
Conseillère en immobilier

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