Impact des aides à l’investissement locatif sur les prix de l’immobilier et l’offre de logements

Résumés des interventions de la session 1

Imen Daly, Sylvain Guerrini, Lolita Gillet et Marie-Noëlle Lefebvre

Citer cet article

Référence électronique

Daly, I., Guerrini, S., Gillet, L., & Lefebvre, M.-N. (2025). Impact des aides à l’investissement locatif sur les prix de l’immobilier et l’offre de logements . Actes des 5ᵉ et 6ᵉ journées d’étude. La transmission des biens immobiliers / La défiscalisation immobilière. Mis en ligne le 30 avril 2025, Cahiers ESPI2R, consulté le 01 mai 2025. URL : https://www.cahiers-espi2r.fr/1714

Cibler les incitations fiscales en faveur du logement abordable : une évaluation de la loi Pinel dans la métropole de Paris – Imen Daly1

Pour rappel, le dispositif Pinel est applicable à un bien neuf ou rénové situé dans les zones éligibles. Les investissements sont limités au nombre de deux par an pour un montant total qui ne doit pas excéder 300 000 € par an ; le prix au m2 de surface habitable est plafonné à 5 500 €. La réduction fiscale, répartie sur la durée de location, est fonction de la durée initiale de cet engagement – de six à 12 ans –, de ses éventuelles prolongations, ainsi que de l’année d’achat du bien. Les zones éligibles se sont resserrées en 2018 sur celles considérées comme les plus tendues : zones A, A bis et B1.

Imen Daly s’est intéressée à la mesure de l’efficacité de la loi Pinel dans la région métropolitaine d’Île-de-France, région qui reçoit d’ailleurs d’autres incitations fiscales pour encourager l’investissement dans la construction de logements locatifs neufs. Pour cela ont été étudiés le prix au m2, les quantités vendues ainsi que le nombre de transactions. Mais il faut pouvoir comparer avec une zone qui ne bénéficie pas de la politique évaluée.

Le test est effectué sur des zones proches d’une discontinuité de zonage ; Imen Daly opte ainsi pour une approche spatiale par doubles différences appliquée à des données géolocalisées issues de la base DV3F. Pour être sûr que les zones restent comparables sont ajoutées quelques variables de contrôle : nombre de pièces, type de logement ; cela permet d’éviter aussi les événements qui introduisent une asymétrie (exemple : création d’une grosse infrastructure urbaine). Il s’agit aussi de tester s’il existe un risque de transfert des investisseurs au profit de la zone encore soutenue (effet spillover) – les transactions récentes très proches de la frontière sont enlevées.

L’étude a mis en lumière l’effet contrasté du Pinel selon les zones concernées : dans les zones ciblées par la politique, le dispositif a conduit à une augmentation significative des prix des logements neufs – surtout ceux des résidences situées à une certaine distance de la frontière la plus proche, sans produire une hausse proportionnelle de l’offre en raison de la rareté foncière et d’une faible élasticité de l’offre. Cet effet de saturation révèle les limites du dispositif dans des marchés tendus où il renforce davantage la demande que l’offre. Ces résultats suggèrent une inadéquation du dispositif dans ces zones, où les besoins en logements locatifs sont moindres.

Imen Daly a également souligné l’effet inflationniste du dispositif sur les marchés, attirant investisseurs et locataires vers des biens éligibles. Elle a conclu que le zonage actuel, bien qu’amélioré par rapport aux dispositifs antérieurs, demeure imparfait. Pour maximiser leur efficacité, les incitations fiscales doivent être mieux articulées avec les réalités locales, notamment dans les zones où la demande locative est réellement forte et où des terrains constructibles sont disponibles, ou en ciblant davantage la rénovation du parc existant. Cela souligne l’importance de prendre en compte la géographie et la localisation dans l’évaluation de l’impact des politiques urbaines sur le marché immobilier.

L’occupation des logements issus de la mise en œuvre des dispositifs d’investissement locatif – Sylvain Guerrini2

Les logements produits grâce aux dispositifs d’aides fiscales à l’investissement locatif (IL) des ménages ont fait l’objet, de 2010 à 2021, d’une étude nationale (en plusieurs phases) du Cerema Hauts-de-France, à la demande de la direction générale de l’aménagement, du logement et de la nature (DGALN).

Sources des données

Les logements potentiellement issus de ces dispositifs ont été identifiés grâce à Filocom – fichier des logements à la commune –, une base de données issues de différents fichiers fiscaux de la direction générale des finances publiques (DGFiP) : taxe d’habitation, impôt sur le revenu des personnes physiques, propriétés bâties, propriétaires. La plus petite unité géographique de base est la section cadastrale. Ont ainsi été retenus les logements – neufs ou considérés fiscalement comme tels au vu de l’importance des travaux – qui remplissent les conditions d’octroi des aides de l’État (au regard de l’occupation des logements et de leur maintien dans le patrimoine des ménages investisseurs pendant une durée qui correspond à celle de l’engagement), en France métropolitaine.

Le nombre de logements ayant potentiellement bénéficié des dispositions de défiscalisation, identifiés selon la méthode du Cerema, est proche de celui avancé par les promoteurs immobiliers pour la commercialisation de logements collectifs (Fédération des promoteurs immobiliers de France, FPI). D’ailleurs, il est à noter qu’en 2014 environ 90 % des logements en investissement locatif commercialisés relèvent du collectif.

L’investissement locatif et le parc locatif privé

La production de logements en IL représente 4 % du parc de logements au 1er janvier 2017. Environ 16 % du parc locatif privé est représenté par de l’IL en 2017, qui constitue la moitié du parc locatif récent, c’est-à-dire construit depuis 1995. 8 % du parc locatif privé est de l’IL « sous contrainte réglementaire de location » (Filocom 2017).

Au-delà de la durée minimale d’engagement de location (fin de l’incitation fiscale), les biens achetés restent en grande majorité – 69 % (Filocom 2017) – dans le parc locatif privé, donc nous pouvons affirmer que ces produits de défiscalisation contribuent assez bien à son maintien. Cela est d’autant plus remarquable que la moitié des logements en IL privé demeurent dans ce parc une fois revendus, en particulier pour les appartements. Ce constat soulève la question de la création d’un parc spécifiquement adapté à la location, au moins dans certaines villes ou dans certains quartiers.

L’occupation des logements issus de la défiscalisation

L’étude a révélé que les occupants des logements issus des dispositifs fiscaux sont majoritairement jeunes et forment principalement des ménages d’un ou deux individus dans les appartements (ménages de taille plus réduite que celle observée concernant le reste des appartements locatifs privés). Le parc d’appartements locatifs défiscalisés accueille d’ailleurs davantage de célibataires (et de divorcés) que les autres appartements locatifs privés, alors que les studios y sont pourtant moins nombreux.

Si les aides fiscales à l’IL des ménages représentent bien un levier pour accroître le nombre de logements à destination de populations jeunes, leur rôle social demeure limité car les occupants présentent des revenus comparables aux moyennes françaises ; les logements issus de ces dispositifs n’accueillent donc pas les ménages les plus modestes. Leurs occupants font rarement partie des ménages pauvres (par comparaison avec les ménages du reste du parc locatif privé).

Un parc marqué par un fort turn over

La vacance des logements issus des dispositifs de défiscalisation est estimée à 10,3 % (Filocom 2017) alors qu’elle est de 9,4 % pour le reste du parc de logements et de 6,2 % pour le reste du parc récent. Sylvain Guerrini montre qu’il s’agit surtout d’une vacance de court terme (moins d’un an), en lien avec un fort turn over. Le taux de rotation des logements défiscalisés privés est ainsi plus élevé que celui du reste du parc de logements locatifs privés (33,3 % en collectif vs 28,6 %).

La vacance de longue durée est légèrement plus importante dans ces logements, indiquant parfois des inadéquations entre l’offre et la demande.

Enfin, cette intervention a mis en évidence des corrélations négatives, dans les zones tendues, entre la production de logements et les taux de vacance (en particulier longue), ce qui suggère que ces dispositifs ont globalement été implantés dans des territoires relativement tendus, considérant que la vacance est un indicateur de la tension du marché.

Un effet d’aubaine

Sylvain Guerrini conclut en apportant quelques réponses aux questionnements finaux de sa première communication (conférence d’ouverture). Un quart de la production de logements neufs a été affectée par la baisse de l’éligibilité du dispositif Scellier (exclusion de la zone C), par exemple. Cependant, la question de l’effet d’aubaine demeure. Selon lui, rien ne prouve qu’une partie des programmes de logements produits en défiscalisation n’auraient pas vu le jour tout de même sans les aides fiscales, mais en différé ou de manière plus lissée, avec une adaptation du prix de la charge foncière (car la demande ne change pas).

En effet, il ne faut sans doute pas négliger l’effet d’aubaine lié à ces dispositifs ou, pour le dire autrement, l’effet plus ou moins déclencheur de ces aides vis-à-vis de la décision d’investissement. Ces dernières peuvent susciter finalement les achats d’une part des investisseurs, ce qui crée des à-coups dans le rythme de la production, avec un risque sur le placement locatif (trop d’offre dans un lieu). Étant donné le profil des investisseurs, pour qui il s’agit souvent de leur premier investissement, la thèse de l’effet d’aubaine ne peut être écartée. Mais cette question – qui devrait être prise en compte dans toute tentative d’évaluation de cette politique – mériterait bien des recherches complémentaires3.

Table ronde « Les programmes dédiés à l’investissement locatif défiscalisé : production et rentabilité d’un actif immobilier »

Avec :

  • Pierre-Alexandre Pernot, directeur général, Segeprim & président, Observatoire Immobilier de Provence ;

  • Patrick Filaferro, directeur, Compagnie de gestion privée du patrimoine ;

  • Marc Rochedy, avocat, Fidal.

Et avec la participation de nos apprenants des campus de Marseille et de Nantes.

Cette table ronde, animée par des professionnels de l’immobilier et des apprenants de l’ESPI, a examiné les défis et les opportunités liés au dispositif Pinel et à ses évolutions. Elle s’est concentrée sur deux aspects principaux : la production de logements et la rentabilité pour les investisseurs.

Du côté de la production, les intervenants ont mis en avant l’effet positif du dispositif Pinel sur l’augmentation de l’offre en logements neufs, notamment dans les zones tendues. En 2024, la Cour des comptes estime le nombre de logements neufs ayant bénéficié du dispositif Pinel depuis 2014 entre 243 931 et 550 0004. Les nombreuses évolutions du dispositif, si elles présentent des écueils, montrent tout de même la volonté de mieux cibler la politique : équilibrer l’offre et la demande, plafonner les revenus des bénéficiaires. Et ce d’autant plus que la durée de détention, de 17 ans, excède largement celle de l’engagement dans le dispositif. L’incitation à investir dans du neuf permet en outre d’intégrer au marché des logements faiblement consommateurs en énergie.

Cependant, des limites ont été identifiées, comme la répartition inégale des constructions et une pression importante sur les coûts de construction en raison des normes environnementales (RE 2020) et des attentes accrues des investisseurs sur la qualité des biens. Le type de logement construit a également fait l’objet de débats.

C’est dans la rentabilité que s’ancre la question de recherche. Bien que le Pinel puisse offrir des avantages fiscaux attractifs, et la possibilité de basculer en meublé en sortie de dispositif, les investisseurs peuvent rencontrer des difficultés pour atteindre une rentabilité satisfaisante : vacance locative, coûts d’entretien, fort turn over, évolution des plafonds et des critères de défiscalisation. Ces contraintes incluent également des plafonds de loyers parfois éloignés des réalités du marché, l’évolution des prix immobiliers, et le coût élevé des biens neufs. Les présentations ont comparé plusieurs cas concrets montrant que si les investisseurs ayant acheté au début du dispositif Pinel bénéficient souvent d’une plus-value à la revente, ceux ayant investi récemment pourraient rencontrer davantage de défis. Les investisseurs font ainsi montre de davantage de prudence et vérifient beaucoup la qualité du bien avant l’acquisition.

Un point important du débat a porté sur la transition vers le Pinel+, plus avantageux (maintien du taux, alors que pour le Pinel est régressif), mais pour lequel de nouvelles exigences sont imposées : double exposition pour les appartements de trois pièces et plus, espace extérieur, surface habitable minimale selon le nombre de pièces, normes de la RE2020. Cela entraîne des coûts supplémentaires pour les promoteurs (matériaux, temps d’étude des projets rallongé…) et risque d’affecter la rentabilité finale. Pour sécuriser l’investissement, les promoteurs proposent souvent des garanties contre les impayés et la vacance locative. Parfois, ils aident également les nouveaux propriétaires à chercher des locataires et à gérer les contrats de location. La commercialisation des biens éligibles au Pinel+, de qualité supérieure, est généralement plus attractive (des stores immersifs remplacent les bulles en Algeco).

Enfin, des pistes d’amélioration ont été proposées, comme une révision des plafonds de loyers ou un ciblage géographique encore plus précis, notamment via des expérimentations régionales comme le « Pinel breton ».

En conclusion, la table ronde a mis en lumière la complexité du dispositif Pinel, qui doit équilibrer des objectifs de production, de rentabilité et de durabilité dans un contexte économique et réglementaire en évolution.

1 Imen Daly est aujourd’hui docteure en sciences économiques, assistante d’enseignement et de recherche (ATER) à l’université Panthéon-Assas.

2 Sylvain Guerrini a rejoint la préfecture de région Hauts-de-France en 2025 en tant que chargé de mission Infrastructures de transport et logement.

3 Pierre Vergriete, dans sa thèse (2013) La ville fiscalisée. Politiques d’aide à l’investissement locatif, nouvelle filière de production du logement

4 Source : Cour des comptes. (2024). L’aide fiscale à l’investissement locatif Pinel (p. 45-50).

1 Imen Daly est aujourd’hui docteure en sciences économiques, assistante d’enseignement et de recherche (ATER) à l’université Panthéon-Assas.

2 Sylvain Guerrini a rejoint la préfecture de région Hauts-de-France en 2025 en tant que chargé de mission Infrastructures de transport et logement.

3 Pierre Vergriete, dans sa thèse (2013) La ville fiscalisée. Politiques d’aide à l’investissement locatif, nouvelle filière de production du logement et recomposition de l’action publique locale en France (1985-2012), a évalué l’effet d’aubaine de 33 et 43 % ; cette analyse a été réalisée à partir d’une enquête de l’Institut français d’opinion publique (Ifop) en 2011, mais en se fondant sur un échantillon réduit et sur une courte période.

4 Source : Cour des comptes. (2024). L’aide fiscale à l’investissement locatif Pinel (p. 45-50).

Imen Daly

Doctorante en sciences économiques, université Paris-Saclay

Sylvain Guerrini

Directeur de projet Urbanisme habitat, Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (Cerema) Hauts-de-France

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Lolita Gillet

Éditrice scientifique, laboratoire ESPI2R

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Marie-Noëlle Lefebvre

Enseignante-chercheuse, laboratoire ESPI2R, département Économie

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