Alain Trannoy a présenté une réflexion approfondie sur l’avenir des dispositifs de défiscalisation, en s’appuyant sur une analyse théorique et empirique. Il a d’abord rappelé que ces dispositifs, bien qu’ayant permis la construction de plus d’un million de logements, sont souvent critiqués pour leur inefficacité au niveau microéconomique, notamment en raison d’un manque de causalité claire entre le zonage et les effets sur l’offre locative. Ce n’est donc pas la défiscalisation qui pose un problème, mais plutôt le dispositif en lui-même, qui peut être défaillant. Il a également souligné l’impact inflationniste de ces dispositifs sur les prix du foncier, en particulier en zone tendue, tout en questionnant leur alignement avec les objectifs initiaux de mixité sociale et d’aménagement du territoire.
Sur le plan théorique, Alain Trannoy a proposé d’appliquer la règle d’Abel, qui consiste à compenser la taxation des revenus locatifs par une subvention équivalente pour encourager l’investissement locatif. Selon lui, il faudrait ainsi en rester à une subvention à la construction neuve et revoir la défiscalisation pour ne l’appliquer qu’au capital déjà installé (la terre, le bâti existant). En somme, « taxer le passé ». « Pour financer les dépenses publiques, la règle d’or est de taxer des biens dont la quantité à l’équilibre ne va pas varier avec le taux de taxe. » Si le capital est taxé, l’investisseur, pour garder le même rendement, augmentera le rendement brut du capital du montant de la taxe ; il retiendra ainsi moins de projets d’investissement. Il s’agit donc de taxer le « vieux capital » mais en compensant par une subvention à l’investissement du même taux (principe de péréquation). Ainsi, si on taxe les revenus locatifs mais que l’on soutient d’autant l’investissement, la dynamique est tout de même alimentée.
Alain Trannoy a insisté sur la nécessité de distinguer clairement la fiscalité du bâti de celle du foncier, ce dernier n’étant pas un facteur de production à proprement parler. Cette distinction permettrait d’éviter les effets inflationnistes liés à la subvention de l’acquisition foncière.
Alain Trannoy a également identifié deux distorsions majeures des dispositifs actuels : un sous-investissement dans le logement locatif et un surinvestissement dans les résidences principales par les multipropriétaires. Pour y remédier, il a proposé un dispositif combinant une subvention pour le bâti et une taxe sur le foncier dédié aux résidences principales. Bien qu’idéalement complémentaire, il a conclu qu’une seule de ces mesures – la subvention sur le bâti – pourrait suffire à corriger les principales inefficacités.
Enfin, Alain Trannoy a plaidé pour une réforme des dispositifs existants, afin d’éviter des mécanismes trop paternalistes et d’encourager les investisseurs à évaluer eux-mêmes les opportunités de localisation et de rendement. Faudrait-il privilégier le crédit d’impôt ou une subvention d’équipement ? Il appelle plutôt à subventionner l’investissement dans l’habitat, mais l’habitat rénové (le « déjà-là ») afin de parer à l’effet d’aubaine ou issu de la régénération urbaine (la ville sur la ville). Cependant, il serait à envisager de ne pas mettre de conditions sur les loyers, simplement une réduction d’impôt sur présentation de leur encaissement. Avec une vacance locative qui atteint trois mois, les loyers ne pourront s’envoler. Ce taux de subvention doit être au moins égal à celui de l’impôt sur les revenus locatifs. Si l’aide fiscale est supprimée, alors les transferts de charge entre contribuables sont nécessaires sinon la situation sociale serait peu acceptable.
Alain Trannoy a conclu sur la nécessité d’une approche plus ciblée et plus transparente pour garantir une meilleure efficacité économique et sociale des politiques fiscales dans le domaine immobilier. Il plaide par ailleurs pour une réflexion à long terme sur les bénéfices ; les bénéfices à court terme sont souvent surestimés alors qu’il faudrait davantage avoir une vision à l’échelle du temps prévu de l’investissement.