Le lotisseur, un métier en voie de disparition ?

L’aménagement et les opérations complexes

Federica Appendino, Laura Brown, Lolita Gillet, Pedro Gomes, Florian Laussucq, Marie-Noëlle Lefebvre, Amandine Mille, Inès Trojette et Romain Weigel

Citer cet article

Référence électronique

Appendino, F., Brown, L., Gillet, L., Gomes, P., Laussucq, F., Lefebvre, M.-N., Mille, A., Trojette, I., & Weigel, R. (2023). Le lotisseur, un métier en voie de disparition ? Mutations des professions immobilières. La promotion et l’aménagement. Mis en ligne le 06 février 2023, Cahiers ESPI2R, consulté le 27 avril 2024. URL : https://www.cahiers-espi2r.fr/1080

Mon métier, dans dix ans, il est mort. L’avenir est aux opérations complexes.
Aménageur privé, région nantaise

Cette formulation, volontairement polémique, exprime une inquiétude sans doute partagée par de nombreux acteurs autrefois appelés « lotisseurs », en particulier à l’heure de l’objectif de zéro artificialisation nette (ZAN) des sols. Ces mots donnent à voir également l’affirmation progressive et certaine d’un nouveau marché pour l’aménagement privé, là où historiquement le secteur+ public détenait un monopole. Les opérations « complexes », catégorie qui gomme l’ampleur et la diversité des changements à l’œuvre, renvoient à de nouvelles injonctions à la mixité fonctionnelle, à la performance environnementale, mais aussi à des coûts du foncier et des opérations qui ne cessent de grimper.

Cette complexité peut mener, si surprenant que cela puisse sembler, à une dématérialisation du métier : « Je suis un promoteur de solutions », nous explique un autre interviewé basé en région parisienne, dont les activités relèvent du marketing, de la prestation de services et de l’entrepreneuriat.

Les intervenants

Docteur en économie, Nicolas Thouvenin est délégué général de l’Union nationale des aménageurs (UNAM) depuis 2016.

Xavier Fromage est directeur du développement du Groupe SLCI et vice-président de l’UNAM en charge de la formation.

Les pistes de réflexion

La transformation radicale du métier du « lotisseur » et l’avenir du lotissement au regard, notamment, de l’impératif ZAN

Les mutations du métier d’aménageur privé

Le rôle des acteurs publics dans l’avenir des opérateurs de l’aménagement

L’articulation des activités des acteurs publics et privés

Les changements dans l’implication des promoteurs immobiliers dans l’aménagement

Les compétences requises pour exercer les nouveaux métiers

La dématérialisation

Du lotisseur à l’aménageur

Pourquoi ce changement sémantique ? Nous sommes sortis du modèle de la maison individuelle, associée au lotissement, pour aller vers une logique plus diversifiée, notamment en termes de typologie de logements, de formes urbaines, avec une intégration plus poussée des opérations dans leur contexte urbain. L’acte de lotir a donc bien évolué.

Qu’est-ce qu’aménager le territoire ?

Originellement, aménager renvoie à la manière de penser l’espace quotidien de façon à accueillir l’évolution des modes de vie, d’habiter, de travailler, de se divertir, de se former, etc., et ainsi favoriser la qualité de vie des citoyens. L’aménagement est aussi une activité économique, qui consiste à transformer la matière première qu’est le foncier de sorte que ce dernier devienne constructible grâce aux équipements réalisés (travaux de voirie, réseaux...). Le terrain, ainsi viabilisé, est vendu à un particulier, à un constructeur, à un promoteur ou à un bailleur. En réponse à une volonté politique renaissante de rééquilibrer l’action publique en faveur des petites villes en particulier (ex. : programmes Action cœur de ville, Petites villes de demain), aménager c’est également accompagner les territoires dans la revitalisation des centres-bourgs, notamment.

Le métier d’aménageur aujourd’hui

L’aménageur tend à devenir « un ensemblier urbain ». Doté de compétences d’administrateur de quartier, il travaille ainsi sur des opérations globales et se positionne de plus en plus sur la maîtrise d’usage.
Nicolas Thouvenin et Xavier Fromage

L’aménageur est un « manager » de projets. Dans son équipe, il intègre des profils pluridisciplinaires liés à l’aménagement, l’urbanisme et à la construction pour diagnostiquer le potentiel d’un terrain, mettre en place une stratégie au regard des projets des élus et définir un programme par rapport aux besoins identifiés par la collectivité. Il sert ainsi de lien entre les collectivités, les architectes, les entreprises et organise ses actions en concertation avec les usagers du territoire. L’aménageur intervient sur des opérations diverses, multifonctions et multisites : réalisation de quartiers d’habitat ; implantation de nouveaux commerces de proximité ; financement et réalisation de services d’équipements publics ; création de zones logistiques ou d’activité, reconversion de friches ; réaménagement de l’existant (dents creuses, entrées de ville...). On attend de l’aménageur qu’il contribue à des enjeux plus globaux et à des dimensions plus immatérielles du projet, qui dépassent l’échelle de la parcelle : renforcement de la densité, ZAN, réponse au marché face à la hausse des prix et en restant dans la zone de solvabilité des ménages, mais aussi vivre-ensemble, processus d’identification d’appartenance à un nouveau quartier...

Aménageur, promoteur : vers une fusion des professions ?

Selon Marc Pigeon, le métier d’aménageur fusionnera à court terme avec celui de promoteur. Xavier Fromage répond qu’il existe en effet une convergence sous l’impulsion de grands groupes qui ont tendance à agréger les deux métiers. Mais ce sont des politiques opportunistes de promoteurs qui développent la filière de l’aménagement ou de constructeurs qui se dotent d’une foncière pour cela. Il s’agit là de trouver des relais de croissance pour contrer des secteurs d’activité parfois en déclin. À l’inverse, des sociétés d’aménagement peuvent aussi se tourner vers la promotion : or, l’expérience prouve que ce ne sont tout de même pas les mêmes métiers… Les aménageurs ont une certaine sensibilité géographique et comprennent les problématiques des élus liées au développement territorial, élus locaux avec qui ils ont une relation de proximité. Certes, il existe des zones de rencontre entre promotion et aménagement, notamment sur les opérations mixtes et sur des villes petites ou moyennes, où les métiers se côtoient, mais il subsiste de grandes différences. L’aménageur produit des droits à construire, du foncier équipé, mais ne construit pas.

Federica Appendino

Enseignante-chercheuse, département Urbanisme, ESPI

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Enseignante-chercheuse, département Urbanisme, ESPI

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Éditrice, ESPI

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  • Abstract

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Pedro Gomes

Enseignant-chercheur, département Urbanisme, ESPI

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Enseignant-chercheur, département Gestion, ESPI (jusqu’en 2022)

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