Préconisations

Valentin Blanc, Fernanda Chatelard, Erika Dewald, Marc Durand, Benjamin Fragny, Youness Garah, Lolita Gillet, Benoît Lopez, Isabelle Maleyre, Baptiste Saint-Martin, Éric Seulliet, Michael Sigda, Jérôme Tixier, Inès Trojette, Yannick Vincent et Cathy Zadra-Veil

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Blanc, V., Chatelard, F., Dewald, E., Durand, M., Fragny, B., Garah, Y., Gillet, L., Lopez, B., Maleyre, I., Saint-Martin, B., Seulliet, É., Sigda, M., Tixier, J., Trojette, I., Vincent, Y., & Zadra-Veil, C. (2021). Préconisations. Dans C. Zadra-Veil (dir.), Blockchain & immobilier. Le smart bail. Mis en ligne le 06 février 2023, Cahiers ESPI2R, consulté le 26 avril 2024. URL : https://www.cahiers-espi2r.fr/1066

Pour les acteurs de l’immobilier mais aussi dans de nombreux autres secteurs, cette première étude nous amène à faire plusieurs préconisations : acculture et former ; communiquer sur l’ensemble des atouts de la blockchain et les assurer ; lever les freins ; démontrer l’opérabilité de la blockchain comme outil permettant de s’affranchir de certaines tâches ; changer de dimension.

Acculturer et former

Il est tout d’abord primordial de renforcer la connaissance que les acteurs ont de la blockchain, notamment sur le triptyque tokenisation/cryptomonnaie/smart contract (voir l’annexe 1). La blockchain est avant tout connue au travers de la cryptomonnaie bitcoin, ce qui a tendance à l’enfermer dans cette acception.

Or, si cela ne pose pas de problème dans la vision anarchiste des concepteurs initiaux de cette technologie, il est important d’élargir la vision de la blockchain qu’en ont les acteurs économiques à la tokenisation et au smart contract dès lors que son usage se normalise. Ainsi, le smart contract est l’élément essentiel sur lequel il sera nécessaire de former.

Communiquer sur les atouts de la blockchain et les assurer

Les atouts de la blockchain sur lesquels insistent les professionnels interrogés portent principalement sur la transparence du système, l’amélioration de la vitesse des transactions et la réduction importante des coûts et, dans une moindre mesure, la non-falsifiabilité et la sécu­risation de la base de données. L’immuabilité du système ainsi que la réduction de la fraude sont peu considérées comme des avantages.

Cependant, si les professionnels insistent sur les atouts qui relèvent avant tout de leur efficacité économique, ces points forts constituent des éléments importants de la confiance en la blockchain et de sa capacité à être utilisée de manière pérenne par le système économique.

Ceci est d’autant plus important que cette technologie a une réputation sulfureuse liée à ses premières utilisations par les acteurs de l’économie souterraine.

Lever les freins

Nous avons pu constater que, mis à part la nécessité d’améliorer sa connaissance, cette technologie jouit de la part des professionnels d’une grande confiance de la part des répondants. Cependant, ces mêmes professionnels restent dubitatifs quant à la capacité opérationnelle de la blockchain du fait de l’existence de nombreux freins.

Il est notamment important, étant donné les craintes exprimées au sein de notre panel, de former et de faire gagner en compétences sur la blockchain. Ceci peut se faire par le biais de la formation professionnelle afin de développer ces compétences nécessaires. L’émergence d’acteurs économiques aux aptitudes particulières, qui permettent l’externalisation lors de l’initialisation des projets blockchain, représente aussi une solution.

Des freins liés au cadre juridique doivent aussi être levés. Ainsi, il faut maintenir une réglementation stable afin d’assurer aux acteurs la pérennité de l’usage de la technologie. Il est aussi nécessaire d’affirmer la cohérence entre la blockchain et le cadre juridique français de protection des données personnelles.

La question environnementale étant d’importance de nos jours, l’adéquation entre la consommation énergétique de la blockchain et le cadre juridique afférent est aussi à consolider.

De plus, la question du monopole étatique d’émission de la monnaie est un frein régulièrement soulevé, qui nécessite l’établissement par le réglementeur d’un cadre stable qui assure la légalité et la pérennité de l’usage d’une cryptomonnaie. Enfin, il sera nécessaire de clarifier le rôle de la blockchain en lien avec les notaires, compte tenu du monopole de ces derniers en matière d’authentification des documents.

Démontrer l’opérabilité de la blockchain pour s’affranchir de certaines tâches

Il convient d’argumenter en faveur de l’utilisation de la blockchain comme un outil qui permet de se libérer de certaines tâches redondantes et chronophages, pour mieux se concentrer sur les segments à forte valeur ajoutée.

Le large champ d’application de la blockchain au secteur de l’immobilier témoigne des potentiels aussi bien dans la transaction que la gestion locative, l’investissement ou la gestion des actifs. Des applications sont possibles à toutes les étapes de la transaction immobilière. En commençant par la collecte des informations jusqu’à la constitution des dossiers sécurisés, que tous les professionnels pourraient utiliser, la sécurisation et l’encadrement de ces actes en seraient facilités. Le cryptage et la transparence des informations seraient les atouts d’une collecte de données fiables.

Ce n’est pas la désintermédiation qui est prônée, mais l’opportunité pour tous les acteurs de se concentrer sur des tâches centrales et à forte valeur ajoutée. « La blockchain permet de s’accorder sur la chronologie des documents, de s’assurer qu’ils n’ont pas été modifiés et que chacun se réfère bien au même contenu. Ce qui permet de gagner de la confiance et du temps. De quoi réaliser en deux mois une transaction qui en prend aujourd’hui six », selon les parte­naires de l’opération In & Out (PwC, 2020).

Pour les transactions, la tokenisation des actifs immobi­liers ouvrirait un accès à des investissements pour une partie de la population qui en est exclue pour l’instant. Cela faciliterait aussi certaines tâches, par exemple le test obligatoire mené par le « conseiller » quant aux risques en cas de placements financiers. Qu’il soit conseiller en investissements financiers, prestataire de services d’investissement, organisme d’assurance ou intermédiaire d’assurance, il doit recueillir un certain nombre de renseignements avant de proposer un placement financier ou un contrat d’assurance-vie.

Pour les property managers, la blockchain servirait de registre sécurisé et de suivi de l’ensemble des informations d’exploitation et de gestion de l’immeuble. Et, pour les pro­moteurs immobiliers, le BIM serait sur la blockchain et représenterait un outil qui permet également un suivi, une validation en temps réel de l’ensemble des informations nécessaires à chaque étape de la construction à l’exploitation.

Changer de dimension

La maturité des acteurs doit être accompagnée d’un plan et d’une stratégie plus globale, c’est-à-dire aux niveaux national et européen. En effet, plusieurs pays s’y consacrent plutôt au niveau national. En Allemagne, le 29 juin 2017, une fédération de la blockchain est fondée à Berlin. Elle compte plus de 20 groupes de travail et publie en octobre de la même année un document de position contenant des recommandations visant à faire de l’Allemagne un acteur mondial dans l’écosystème mondial des blockchains (Glatz, 2017).

Deux ans plus tard, en septembre 2019, le gouvernement fédéral allemand initie une stratégie globale sur les chaînes de solidarité. Elle vise à assurer la souveraineté numérique et la capacité concurrentielle de l’Allemagne et de l’Europe et à soutenir la transformation numérique déjà engagée dans le pays. Une attention particulière est ainsi accordée à la création d’un cadre réglementaire axé sur l’investissement, la croissance pour le développement et sur l’utilisation de la technologie de la blockchain. La stratégie prévoit diverses mesures pour examiner dans un premier temps l’adéquation de la technologie de la blockchain aux projets de la transformation numérique. Des living labs et des tables rondes sur la blockchain sont lancés afin d’accélérer les échanges entre les multiples parties prenantes.

Il est prévu que ces mesures prennent la forme de ces quatre domaines d’action :

  • Assurer la stabilité et stimuler l’innovation par la création de cadres légaux et réglementaires clairs et stables. Le gouvernement fédéral veut encourager les investissements dans les technologies numériques et maintenir la stabilité du système financier. Il publiera un projet de loi visant à réglementer l’offre publique de certains cryptotokens.

  • Amener l’innovation à maturité. À cette fin, des projets et des laboratoires dynamiques issus de domaines d’application spécifiques sont encouragés : à savoir l’énergie, le droit, la logistique, la production, la vérification de la certification de l’enseignement supérieur et la protection des consommateurs. Une mesure concrète dans le secteur de l’énergie est le pilotage par le gouvernement fédéral d’une connexion des systèmes énergétiques basée sur une chaîne de blocs.

  • Favoriser les investissements. Le gouvernement fédéral cherche à offrir aux entreprises et aux organisations une sécurité d’investissement suffisante pour l’utilisation de la technologie de la chaîne complète en mettant en place des conditions cadres claires (développement de normes, possibilité de certification et respect des exigences de sécurité informatique).

  • Appliquer la technologie : dans ce domaine, le gouvernement fédéral se concentre plus particulièrement sur la technologie de la chaîne de blocs (blockchain-ba).

Valentin Blanc

Étudiant, MIFIM, ESPI

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