Zoom sur l’Europe : réglementation et projets phares

Valentin Blanc, Fernanda Chatelard, Erika Dewald, Marc Durand, Benjamin Fragny, Youness Garah, Lolita Gillet, Benoît Lopez, Isabelle Maleyre, Baptiste Saint-Martin, Éric Seulliet, Michael Sigda, Jérôme Tixier, Inès Trojette, Yannick Vincent et Cathy Zadra-Veil

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Blanc, V., Chatelard, F., Dewald, E., Durand, M., Fragny, B., Garah, Y., Gillet, L., Lopez, B., Maleyre, I., Saint-Martin, B., Seulliet, É., Sigda, M., Tixier, J., Trojette, I., Vincent, Y., & Zadra-Veil, C. (2021). Zoom sur l’Europe : réglementation et projets phares. Dans C. Zadra-Veil (dir.), Blockchain & immobilier. Le smart bail. Mis en ligne le 06 février 2023, Cahiers ESPI2R, consulté le 24 avril 2024. URL : https://www.cahiers-espi2r.fr/1056

La cryptomonnaie est en développement au niveau mondial, impulsée par les acteurs, les citoyens, les structures financières institutionnelles, mais aussi par certaines grandes entreprises, qui la considèrent comme une valeur refuge. Des estimations de la taille du marché des cryptomonnaies montrent que le marché européen va représenter 30 % du marché mondial (Plutoneo, 2020).

À l’instar d’autres continents, nous constatons une utilisation progressive de la blockchain dans divers secteurs en Europe. La Géorgie a été le premier pays, dès 2016, à enregistrer les titres de propriété sur une blockchain (Fievet, 2018). Dans le secteur financier, nous pouvons citer l’emploi de la monnaie virtuelle (tels les bitcoins) ; dans le domaine de l’immobilier, la blockchain est utilisée notamment pour la transaction immobilière ou pour la digitalisation des registres de mouvements de titres (grâce à l’ordonnance du 8 décembre 2017) comme le proposent Mipise (Gallo-Triouleyre, 2020) ou Blockpulse. Elle est également marquée par la numérisation des contrats, les visites virtuelles et les états des lieux digitaux ou encore les plateformes d’annonces immobilières.

La réglementation européenne sur la signature électronique

La technologie blockchain, déjà qualifiée de disruptive et évolutive, présente un certain nombre de défis dans le cadre de sa réglementation. En ce qui concerne la règlementation européenne, nous pouvons citer la directive de 1999 relative à la signature électronique1, ou directive dite « Signature ». Ce texte a posé des bases claires sur les modalités techniques et les conséquences juridiques de la signature électronique. Son but était, d’une part, de gouverner des usages non encore adoptés aux prémices de la démocratisation d’internet puis, d’autre part, de permettre à chaque État membre de procéder à la transposition du texte selon les besoins et les accords nécessaires à chaque droit interne2.

La perspective de développement d’un marché communautaire stable et durable proposé par la directive Signature n’a pas eu le succès escompté. Néanmoins, elle a posé un principe fondamental : la non-discrimination de l’écrit électronique face à l’écrit papier, tous les deux ayant la même valeur. En droit interne français, par exemple, la directive Signature a permis de définir légalement une signature3.

En juillet 2014, le règlement sur l’identification électronique et les services de confiance pour les transactions électroniques au sein du marché intérieur dit « eIDAS »4 a remplacé la directive Signature. Le règlement eIDAS, d’application directe aux États membres, est entré en vigueur le 17 septembre 2014 et est applicable depuis le 1er juillet 2016 pour la majeure partie de ses dispositions.

La reconnaissance mutuelle des moyens d’identification électronique est obligatoire depuis le 29 septembre 2018. Le principal objectif de ce règlement est de promouvoir le développement d’un marché de la confiance numérique : pour la première fois, le terme « confiance » apparaît dans le titre d’un règlement.

Le règlement eIDAS avait pour ambition d’accroître la confiance dans les transactions électroniques au sein du marché intérieur. Pour ce faire, ce règlement impose des conditions pour des échanges dématérialisés dans un climat de confiance, à travers un mécanisme de pré­somptions légales. « Ainsi, le procédé d’identification est présumé fiable, ce qui entraîne un renversement de la charge de la preuve. La personne mettant en cause l’identification devra alors prouver que celle-ci est erronée » (Lloan, 2019).

Chacune de ces solutions garantit l’identification du signataire de manière plus ou moins certaine. Il faut par ailleurs souligner que le principe de non-discrimination entre les écrits électronique et papier, antérieurement prévu par la directive Signature, a été réitéré (Armin­gaud, 2016).

La réglementation française portant sur les opérations de titres français

La France est le premier pays d’Europe à légiférer sur la blockchain, en 2016. L’ordonnance du 28 avril 20165 crée en effet le minibon, un nouveau type de bon de caisse dont l’émission peut être inscrite dans un DEEP, soit une blockchain6. De plus, la loi Sapin II du 9 décembre 20167 autorise le Gouvernement à légiférer par voie d’ordonnance pour adapter le droit des titres et des valeurs mobilières à la blockchain (article 34).

En outre, avec l’entrée en vigueur du décret dit « Blockchain » du 24 décembre 2018, de l’ordonnance du même nom du 8 décembre 20178 et l’exemption d’un prospectus9 pour des offres au public d’un montant inférieur à 8 millions d’euros, nous avons un contexte actuel favorable aux opérations de titres financiers. En effet, en juillet 2018, l’article 211-2 du Règlement général de l’Autorité des marchés financiers (RGAMF) a été modifié et « l’offre de titres financiers dont le montant total dans l’Union européenne est inférieur à 8 millions d’euros, ou à la contrevaleur de ce montant en devises, ne constitue pas une offre au public soumise à prospectus visé par l’AMF ». Dans cette hypothèse, selon l’article 212-44 du RGAMF, l’émetteur bénéficie d’une procédure simplifiée et peut se limiter à transmettre aux investisseurs, préalablement à toute souscription, un document d’information synthétique (DIS ; Verbiest & Richebourg, 2019, p. 423).

L’ordonnance Blockchain encadre les technologies permettant l’échange de certains titres financiers telles que la blockchain. Elle est prise en application de l’article 120 de la loi Sapin II selon lequel cette ordonnance est prise en vue d’« adapter le droit applicable aux titres financiers et aux valeurs mobilières afin de permettre la représentation et la transmission, au moyen d’un dispositif d’enregistrement électronique partagé, des titres financiers qui ne sont pas admis aux opérations d’un dépositaire central ni livrés dans un système de règlement et de livraison d’instruments financiers » et d’« aménager et modifier toutes dispositions de nature législative favorisant la mise en œuvre et tirant les conséquences des modifications apportées en application du 1° ».

Avec la loi PACTE du 22 mai 201910 relative à la croissance et la transformation des entreprises, la France possède un régime juridique selon lequel les émetteurs de jetons ou les prestataires de services sur actifs numériques peuvent solliciter un visa ou un agrément auprès de l’AMF qui, de son côté, constituera une « liste blanche » des projets et intermédiaires ayant reçu cet agrément optionnel.

La réglementation sur la blockchain présente un intérêt mondial et stratégique. Afin de pleinement exploiter cette nouvelle technologie, il est indispensable d’instaurer un cadre juridique pertinent et approprié. Bien évidemment, cela suppose de traiter des questions de fond, comme par exemple l’incompatibilité entre le droit à l’oubli – reconnu par la Cour européenne des droits de l’homme – et la technologie blockchain qui est par défini­tion anonyme et où tout est gardé.

Le décret du 3 avril 202011 (Julienne, 2020 ; Brenner, Gaudemet & Bonnet, 2020) autorise la signature électronique pour la régularisation d’un acte authentique électronique (AAE), l’acte notarié à distance, pendant la période d’état d’urgence sanitaire. En effet, selon l’ar­ticle 1 dudit décret : « Jusqu’à l’expiration d’un délai d’un mois à compter de la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire déclaré dans les conditions de l’article 4 de la loi du 23 mars 2020 susvisée, le notaire instrumentaire peut, par dérogation aux dispositions de l’article 20 du décret du 26 novembre 1971 susvisé, établir un acte notarié sur support électronique lorsqu’une ou toutes les parties ou toute autre personne concourant à l’acte ne sont ni présentes ni représentées. (al. 2) L’échange des informations nécessaires à l’établissement de l’acte et le recueil, par le notaire instrumentaire, du consentement ou de la déclaration de chaque partie ou personne concourant à l’acte s’effectuent au moyen d’un système de communication et de transmission de l’information garantissant l’identification des parties, l’intégrité et la confidentialité du contenu et agréé par le Conseil supérieur du notariat. (al. 3) Le notaire instrumentaire recueille, simultanément avec le consentement ou la déclaration mentionnée au deuxième alinéa, la signature électronique de chaque partie ou personne concourant à l’acte au moyen d’un procédé de signature électronique qualifié répondant aux exigences du décret du 28 septembre 2017 susvisé. (al. 4) L’acte est parfait lorsque le notaire instrumentaire y appose sa signature électronique sécurisée. »

Ainsi, pour répondre à une situation d’urgence, en période de crise exceptionnelle, ce décret permet un nouvel acte notarié hors de la présence des parties contractantes et sans que celles-ci soient présentes ni représentées pour la signature des actes. Il s’agit d’une solution pragmatique pour résoudre les effets néfastes sur le marché immobilier de la pandémie de Covid-19. De ce fait, le notaire peut recueillir le consentement des parties par voie dématérialisée. L’identification des parties, l’intégrité et la confidentialité du contenu sont garanties par un système de communication dématérialisé certifié par l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (ANSSI). Cette comparution à distance permet de signer des actes qui ne pouvaient pas l’être jusqu’à présent sans une réunion physique entre le notaire et son client, comme par exemple les ventes sur plan ou ventes en l’état futur d’achèvement (VEFA), les donations et les actes d’hypothèque.

La tokenisation immobilière en Europe : l’exemple de Tokenestate

En ce qui concerne la tokenisation de l’immobilier, il convient de souligner l’importance donnée par ce marché dans le monde. En effet, « le marché des placements immobiliers génère plusieurs trillions de dollars chaque année et plus de la moitié de chaque patrimoine détenu par des particuliers est constitué d’au moins un bien immobilier » (Verbiest & Richebourg, 2019, p. 423).

Dans ce contexte, nombreux sont les acteurs européens qui offrent des services liés à la tokenisation des actifs immobiliers. Nous pouvons citer l’exemple de Tokenestate, qui propose la création de véhicules d’investissement capables d’émettre des « jetons immobiliers ».

Tokenestate est une société franco-suisse, partenaire de la Banque cantonale neuchâteloise (BCN). Elle a mis en place une plateforme grâce à laquelle les parts des gestionnaires d’actifs immobiliers sont émises via les Real Estate Tokens (RETOs). Les RETOs permettent aux investisseurs d’avoir « une exposition à la performance d’un portefeuille d’actifs possédé́ par la société́ émettrice » (CFNEWS.IMMO, 2018) tout en faisant bénéficier aux investisseurs d’une plus haute protection que celle apportée par les cryptomonnaies. Vincent Trouche, le fondateur et CEO de Tokenestate, précise que « grâce aux RETOs, un fond immobilier ou toute société́ détenant des immeubles pourra lever des fonds en direct auprès d’investisseurs en Suisse et à l’international, sans recourir aux banques d’affaires, aux courtiers ou aux organismes de clearing. Pour les investisseurs, les RETOs permettent d’investir facilement dans des portefeuilles d’actifs ou biens immobiliers dans le monde entier, sans montant minimum et à des coûts transactionnels raisonnables » (Swissroc, 2019). C’est en novembre 2018 qu’est exécutée la première transaction sur la plateforme Tokenestate.

La solution développée par Tokenestate rend l’investissement moins cher, plus rapide et plus simple. Elle permet également aux asset managers de gérer efficacement les titres numériques (du fait de l’automatisation de leurs achats et ventes), les exigences règlementaires et les rela­tions avec les investisseurs. En plus des services d’émission de sécurité́ numérique, la plateforme Tokenestate fournit une solution complète pour la gestion des relations investisseurs (numérisation des processus, gestion des droits de vote...). Afin d’y parvenir, Tokenestate a travaillé sur trois éléments : le juridique, la technique (smart contract, développement de logiciels, des bases de données privées) et l’expérience utilisateur (pédagogie).

Le processus développé́ par Tokenestate est le suivant : les investisseurs (institutionnels et privés) acquièrent des RETOs, Tokenestate propose ensuite l’accès à une marketplace regroupant des sociétés à la recherche de fonds afin d’investir dans l’immobilier via des Token Investment Véhicles (TEIVs) grâce auxquels les revenus sont redistribués (Tokenestate, 2018).

Estonie : blockchain KSI, partenariat e-Sidency/Bitnation

Autre pays européen connu pour son adoption avancée des technologies numériques : l’Estonie. En effet, cet État balte souhaite développer sa propre blockchain appelée « Ksi » (PwC, 2019). Une technologie, selon eux, axée sur la sécurité des données privées et sur la protection des réseaux, des systèmes et des données. La solution Ksi est disponible dans 180 pays et est utilisée dans différents secteurs, allant des données de justice à l’identité numé­rique. Dans cette démarche, l’Estonie revendique être le premier pays à utiliser la blockchain au niveau national. « Être une société numérique entraîne une exposition aux cybermenaces », rappelle l’État sur son site e-Estonia. Ce serait donc à la suite de cyberattaques affrontées en 2007 que le pays aurait décidé de développer sa propre technologie blockchain afin de pouvoir garantir l’intégrité des données stockées par ses services administratifs (Magee, 2018). Le gouvernement estonien est même aller plus loin avec un partenariat entre son programme « e-residency » et Bitnation. Le premier offre la possibilité aux non-résidents d’obtenir une nationalité numérique, devenant ainsi des « e-résidents », tandis que le second est une plateforme collaborative qui a pour but de constituer une nation virtuelle grâce à la blockchain. Les e-résidents peuvent utiliser les services de certification (baptisés « Public Notary ») de Bitnation pour signer des contrats commerciaux notamment (Fredouelle, 2016).

La transaction de l’immeuble In & Out à Boulogne-Billancourt

En juin 2019, lors du Marché international des professionnels de l’immobilier (Mipim) PropTech, Primonial REIM et la Société foncière lyonnaise (SFL) se sont associés à la start-up Olarchy pour reproduire sur la blockchain la transaction de l’immeuble In & Out (35 000 m2) à Boulogne-Billancourt (Ouest parisien).

Un travail considérable a consisté à mettre à plat l’ensemble des étapes qui constituent une transaction immobilière complexe comme celle d’In & Out. Schématiquement, ces grandes étapes sont :
• la préparation de la vente, qui comprend principalement l’élaboration de la data room, c’est-à-dire l’ensemble des documents et des données liés à l’immeuble. Ils vont devoir être revus par les potentiels acheteurs pour se faire une opinion de l’état financier, technique et juridique de l’immeuble ;
• la partie commerciale. Elle consiste en particulier en la sélection d’agents immobiliers (le plus souvent deux) qui organisent la cession de l’actif. Les agents sont invités à concourir, à déposer leur proposition commerciale, à échanger et à signer des documents. Les agents retenus ren­contrent ensuite des prospects, leur faire visiter l’actif et échangent avec eux ;
• la partie notariale. Une fois le prospect en négociation, il a accès à la data room notariale, ques­tionne les informations. Bien entendu, le notaire intervient à chaque étape, mais surtout lors de celle-ci.

C’est une fois ces étapes bien identifiées que les différents acteurs – le vendeur et ses conseils (avocats et notaires), les agents mandatés par le vendeur pour exposer l’actif au marché, les acheteurs prospects, les conseils des acheteurs – ont pu procéder au développement d’une application sommaire qui crée un lien entre le mécanisme classique de la transaction et sa traduction sur la blockchain. Toutes les étapes menant à la signature ont été rejouées ainsi :
• l’identification des parties prenantes avec possibilité de dépôt de pièces preuves ;
• la visualisation d’un tableau de bord et de toutes les étapes d’une transaction (identification des brokers, dépôts des pitchs, lettres d’intention, accords de confidentialité, etc.) ;
• l’enregistrement des pièces et des informations sur la blockchain (hachage des documents).

Cette expérimentation a non seulement fait connaître au monde de l’immobilier les termes « blockchain » ou encore « smart contract », mais a aussi ouvert la porte des possibles dans cette industrie. De plus, cela a permis de comprendre qu’il est possible, simplement, de créer une « preuve » autour d’un « acte » (c’est-à-dire un document, un e-mail, un échange de données), et que cette preuve irréfutable peut être enregistrée dans un « dossier » inaltérable, ce qui peut être utile lors de contentieux ultérieurs.

France : le projet Madre et la solution Equisafe

Le projet Madre

En France, nous pouvons relever le projet « Madre », initié par la Banque de France pour le registre des identifiants créanciers SEPA. Madre permet de les délivrer aux banques en quelques secondes, au lieu de 15 jours en moyenne (Armandet, 2018 ; Beaudemoulin, Warzée & Bedoin, 2017). Les identifiants SEPA sont destinés aux entreprises qui souhaitent réaliser un prélèvement direct sur les comptes de leurs clients.

La solution Equisafe

Nous pouvons également mentionner Equisafe, en lien avec la tokenisation des actifs immobiliers. En effet, la solution Equisafe promeut la « digitalisation des registres de mouvements de titres (RMT) des sociétés non cotées, en utilisant un dispositif électronique d’enregistrement partagé (DEEP) à travers la technologie blockchain » (Bertoïa, 2020) et fournit aux sociétés une tenue de registre ayant même valeur probatoire que les RMT papiers. Cela est possible depuis l’entrée en vigueur de la loi Sapin II, complétée par le décret du 24 décembre 2018 définissant la notion de DEEP. L’objectif d’Equisafe, en appliquant cette technologie à l’immobilier, est de rendre liquides des actifs qui jusque-là restaient illiquides. « L’approche pour cela est double : faciliter la mise en place des processus juridiques de souscriptions, de gestion et de cession de titres, et augmenter les rencontres entre actionnaires et investisseurs pour alimenter un marché secondaire » (Bertoïa, 2020).

Frédéric Bertoïa (2020), cofondateur d’Equisafe, présente plusieurs exemples de transactions immobilières récentes réalisées par cette société :

  • l’opération « AnnA » : un hôtel particulier situé rue Anna-Jacquin à Boulogne-Billancourt (Ouest parisien), d’une valeur de 6,5 millions d’euros, a été acheté par un promoteur immobilier grâce à la mise en place d’une société par actions simplifiée (SAS) comme véhicule financier de détention. Il s’agit de la première transaction immobilière française et européenne à avoir utilisé la tokenisation, en juin 2019, en partenariat avec CMS Francis Lefebvre Avocats, Coblence & Associés, Screeb Notaires et SAPEB Immobilier et Valorcim (Equisafe, 2019) ;

  • l’ouverture à la mise en place d’un projet de tokenisation d’un bien immobilier particulier : une annexe du château de Versailles, le pavillon de musique de la comtesse de Provence (Tezos Foundation, 2020). Dans le but de faciliter les levées de fonds sur un marché primaire, Equisafe fournit à son client les briques nécessaires pour gérer automatiquement les différentes phases de souscription de l’investisseur, de la connaissance client (« KYC »), en passant par la vérification de l’origine des fonds (« AML »), à la réception des fonds jusqu’à l’émission des titres en cas de succès de l’opération. Ainsi, l’émetteur peut désormais intégralement automatiser les processus liés à la sélection de nouveaux investisseurs, eu égard à leurs nationalités et à leurs pays de résidence ;

  • en novembre 2019, en partenariat avec la société Masteos, spécialisée dans l’investissement locatif, le projet économique consistait à faciliter pour un actionnaire la cession de ses titres à prépondérance immobilière à un individu ne possédant pas de « capacité d’emprunt » (un freelance). Ce dernier souhaitait bénéficier de l’effet de levier mis en place par l’actionnaire en contrepartie d’un investissement en fonds propres. Dans ce type de montage, la plateforme Equisafe fournit l’ensemble des briques pour assurer la rencontre entre actionnaires et investisseurs, ainsi que toute la phase de delivery vs. paiement.

Autres sociétés européennes

Capelli

Le groupe Capelli, installé en France, en Suisse et au Luxembourg (cinq implantations), regroupe plusieurs activités liées à la promotion immobilière : promotion, investissement locatif, marchand de bien, et ce aussi bien pour de l’immobilier résidentiel que tertiaire (bureaux).

En décembre 2019, Capelli finance en partie (3,1 millions d’euros) le projet de promotion immobilière le Domaine d’Hestia, situé à Saint-André-Lez-Lille (Hauts-de-France) grâce à la tokenisation (Capelli, 2019). C’est une première pour le Groupe. Le Domaine d’Hestia est un vaste programme mixte de constructions neuves et de réhabilitation, sur le site d’un ancien hôpital. Il comprend plus de 450 appartements ainsi qu’une résidence services pour les séniors.

L’opération est réalisée avec l’appui de Wecan Tokenize, plateforme dédiée à l’immobilier, qui est une émanation de Wecan Group (technique), Geneva Management Group (financement) et le groupe Capelli lui-même (Business Immo, 2019). « Les investisseurs qualifiés [une dizaine] qui ont souscrit à cet emprunt obligataire ont reçu en contre partie des “tokens”... portant un rendement fixe de 7,5 % par an » (Capelli, 2019).

Blockimmo

Blockimmo est une société suisse qui a créé une marketplace permettant de simplifier l’acquisition et la vente de biens immobiliers en servant d’intermédiaire entre les vendeurs et les investisseurs. La plateforme a pour rôle d’encadrer le processus règlementaire et juridique de la transaction immobilière tout en vérifiant la qualité de l’actif proposé. De plus, elle accompagne les différentes parties dans le processus de tokenisation.

Au niveau du fonctionnement, un vendeur intègre le bien immobilier sur la plateforme afin que Blockimmo procède à une tokenisation de l’immeuble, ce qui lance l’investissement. « Les vendeurs peuvent imposer un éventail de limites et de conditions à la vente. Une fois le processus de vente terminé, chaque investisseur reçoit des jetons représentatifs dans son portefeuille » (Mittal, 2018). Les droits et les obligations liés au bien immobilier sont représentés via un smart contract basé sur la blockchain Ethereum. Les tokens permettent aux investisseurs de percevoir des revenus issus de l’actif. La valeur des tokens est adossée à celle du bien ; de ce fait, lorsque la valeur vénale de l’im­meuble augmente, celle du token s’accroît également.

La première opération de Blockimmo date de mars 2019 et porte sur un actif sis à Baar (Suisse), qui compte 18 logements et un commerce (restaurant), et à hauteur de 20 % de la valeur de cet immeuble, soit environ 3 millions de francs suisses (Blockimmo, 2019). Cette transaction est le fruit d’une collaboration entre Blockimmo, Elea Labs, une startup blockchain spécialisée dans l’immobilier, et Swiss Crypto Tokens, une société de gestion d’actifs numériques. L’actif est acquis par quatre investisseurs unis dans un club deal. « Elea Labs vise à faire en sorte que chaque immeuble ait sa propre identité ou ‘‘Property ADN’’ » (Blockimmo, 2019), facilitant ainsi une due diligence de qualité. Swiss Crypto Tokens a fourni son stablecoin « CryptoFranc (XCHF) » pour soutenir la transaction, permettant ainsi aux investisseurs d’éviter les risques de volatilité car les jetons sont indexés sur le franc suisse.

Coinhouse

Coinhouse (ex-Maison du bitcoin) est une plateforme française d’échange de cryptomonnaies qui propose ses services depuis l’année 2014. C’est la première en France à avoir obtenu l’enregistrement auprès de l’AMF en tant que prestataire de services sur actifs numériques (PSAN). L’enregistrement auprès de l’AMF permet ainsi à la plateforme de commercialiser de manière règlementée des cryptoactifs en France. La plateforme propose aux particuliers et aux entreprises d’acheter et de vendre des cryptomonnaies avec une offre restreinte de cinq cryptomonnaies (Bitcoin, Ethereum, Litecoin, Bitcoin Cash et Ripple). Près d’une vingtaine de cryptomonnaies sont disponibles, et les membres du site peuvent en conserver, en acheter ou encore en vendre. Depuis son ouverture, ce sont plus de 200 000 utilisateurs qui ont choisi de se fier à Coinhouse. À noter que la clientèle est constituée à 65 % de particuliers. Les clients profitent d’un accompagnement via courrier électronique dans leurs transactions. Ils peuvent également bénéficier du support téléphonique en fonction des besoins.

Brickblock

La société Brickblock a créé une plateforme de crowfunding en utilisant des solutions basées sur la blockchain Ethereum. Via sa filiale ScalingFunds, elle aide les gestionnaires dans leurs levées de fonds en les accompagnant dans le processus de tokenisation des actifs immobiliers et la mise en place de smart contracts. Elle fait ensuite le lien entre les investisseurs. Ce sont des tokens appelés « BBK » qui sont émis, que les investisseurs acquièrent pour devenir propriétaire d’une partie de l’immeuble tokenisé et d’en recevoir les revenus sous forme de dividendes. Toutes les informations liées à l’actif immobilier ainsi que toutes les caractéristiques sont visibles sur leurs plateformes.

La plateforme permet de baisser les coûts « jusqu’à 70 % », selon Brickblock, et de réduire les délais par rapport aux levées de fonds traditionnelles, de faciliter les échanges entre investisseurs et gestionnaires. Elle offre également la possibilité de rendre l’investissement immobilier plus accessible aux investisseurs disposant de faibles capitaux. Cette solution est également intéressante pour les investisseurs en cryptomonnaies, car ils peuvent investir dans l’immobilier sans convertir leurs cryptomonnaies en monnaie-fiat, ce qu’il leur permet ainsi de maîtriser la fiscalité.

Immodvisor

Société nantaise certifiée Afnor, Immodvisor est une plateforme communautaire d’avis clients sur des entreprises de l’immobilier et de l’habitat. Elle s’engage à préserver l’e-réputation des professionnels de l’immobilier via les avis clients tout en assurant aux internautes l’authenticité de ces témoignages, dans la mesure où il faut prouver d’avoir bénéficié des services d’une agence, par exemple, pour pouvoir déposer l’avis (une preuve d’achat est requise). Dans cette recherche de la transparence, de la confiance et de l’infalsifiabilité, Immodvisor s’appuie sur la blockchain, qui offre également la traçabilité des avis clients (Journal de l’Agence, 2019). Dans cette perspective, les professionnels mécontents d’un avis verront leur demande de suppression refusée.

La solution d’Immodvisor permet également de diffuser ces avis sur d’autres plateformes, telles que Meilleurs Agents ou Ouest-France-Immo (Ouest France, 2020).

Les métiers et les activités de l’immobiliers concernés sont variés : agences immobilières, certes, mais aussi promoteurs, syndics, mandataires, courtiers ou encore home staging, diagnostiqueurs ou brokers (commercialisateurs en immobilier d’entreprise).

1 Directive 1999/93/CE du Parlement européen et du Conseil, du 13 décembre 1999, sur un cadre communautaire pour les signatures électroniques, JOCE-L

2 La France a transposé cette directive par le biais de la loi n° 2000-230 du 13 mars 2000 portant adaptation du droit de la preuve aux technologies

3 « La signature nécessaire à la perfection d’un acte juridique identifie celui qui l’appose. Elle manifeste le consentement des parties aux

4 Règlement (UE) n° 910/2014 du Parlement européen et du Conseil du 23 juillet 2014 sur l’identification électronique et les services de confiance

5 Ordonnance n° 2016-520 du 28 avril 2016 relative aux bons de caisse, JORF n° 0101 du 29 avril 2016, texte n° 16.

6 Voir l’article L. 223-12 du Code monétaire et financier.

7 Loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique (1). JORF

8 Décret n° 2018-1226 du 24 décembre 2018 relatif à l’utilisation d’un dispositif d’enregistrement électronique partagé pour la représentation et la

Ordonnance n° 2017-1674 du 8 décembre 2017 relative à l’utilisation d’un dispositif d’enregistrement électronique partagé pour la représentation et la

« L’ordonnance du 8 décembre 2017 est le fruit d’une longue réflexion. Celle-ci a en effet nécessité la tenue d’une consultation préalable à la

9 Un prospectus est un document juridique pour l’émission d’offre au public.

10 Loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises (1), JORF n° 0119 du 23 mai 2019, texte n° 2.

11 Décret n° 2020-395 du 3 avril 2020 autorisant l’acte notarié à distance pendant la période d’urgence sanitaire, JORF n° 0082 du 4 avril 2020, texte

1 Directive 1999/93/CE du Parlement européen et du Conseil, du 13 décembre 1999, sur un cadre communautaire pour les signatures électroniques, JOCE-L 13/12 du 19 janvier 2000.

2 La France a transposé cette directive par le biais de la loi n° 2000-230 du 13 mars 2000 portant adaptation du droit de la preuve aux technologies de l’information et relative à la signature électronique (1), JORF n° 62 du 14 mars 2000, texte n° 1.

3 « La signature nécessaire à la perfection d’un acte juridique identifie celui qui l’appose. Elle manifeste le consentement des parties aux obligations qui découlent de cet acte » (article 1316-1 du Code civil, devenu l’article 1367 du Code civil le 1er octobre 2016, avec l’entrée en vigueur de la réforme du droit des obligations : « La signature nécessaire à la perfection d’un acte juridique identifie son auteur. Elle manifeste son consentement aux obligations qui découlent de cet acte. Quand elle est apposée par un officier public, elle confère l’authenticité à l’acte. Lorsqu’elle est électronique, elle consiste en l’usage d’un procédé fiable d’identification garantissant son lien avec l’acte auquel elle s’attache. La fiabilité de ce procédé est présumée, jusqu’à preuve contraire, lorsque la signature électronique est créée, l’identité du signataire assurée et l’intégrité de l’acte garantie, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État »).

4 Règlement (UE) n° 910/2014 du Parlement européen et du Conseil du 23 juillet 2014 sur l’identification électronique et les services de confiance pour les transactions électroniques au sein du marché intérieur et abrogeant la directive 1999/93/CE.

5 Ordonnance n° 2016-520 du 28 avril 2016 relative aux bons de caisse, JORF n° 0101 du 29 avril 2016, texte n° 16.

6 Voir l’article L. 223-12 du Code monétaire et financier.

7 Loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique (1). JORF n° 0287 du 10 décembre 2016, texte n° 2.

8 Décret n° 2018-1226 du 24 décembre 2018 relatif à l’utilisation d’un dispositif d’enregistrement électronique partagé pour la représentation et la transmission de titres financiers et pour l’émission et la cession de minibons, JORF n° 0298 du 26 décembre 2018, texte n° 33.

Ordonnance n° 2017-1674 du 8 décembre 2017 relative à l’utilisation d’un dispositif d’enregistrement électronique partagé pour la représentation et la transmission de titres financiers, JORF n° 0287 du 9 décembre 2017, texte n° 24.

« L’ordonnance du 8 décembre 2017 est le fruit d’une longue réflexion. Celle-ci a en effet nécessité la tenue d’une consultation préalable à la rédaction du projet de texte qui s’est déroulée de mars à mai 2017 ; puis le projet d’ordonnance blockchain/titres financiers a de nouveau été soumis à consultation de septembre à octobre 2017 » (Maouche, 2018).

9 Un prospectus est un document juridique pour l’émission d’offre au public.

10 Loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises (1), JORF n° 0119 du 23 mai 2019, texte n° 2.

11 Décret n° 2020-395 du 3 avril 2020 autorisant l’acte notarié à distance pendant la période d’urgence sanitaire, JORF n° 0082 du 4 avril 2020, texte n° 1.

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