La potentielle disparition des intermédiaires lors d’une transaction via la blockchain revient régulièrement dans les débats ; elle questionne non seulement le futur du déroulement des échanges commerciaux et administratifs mais aussi l’avenir des professions qui interviennent dans les affaires immobilières.
Lorsque la démocratisation de la blockchain et des smart contracts au grand public sera effective, le rôle de certains acteurs pourrait être réduit, en conséquence de quoi le prix d’un bien immobilier pourrait être plus faible.
Cependant, la fonction de certains intervenants (agents immobiliers, notaires, banquier...) se trouverait davantage transformée que supprimée, car ces derniers se recentreraient sur leurs activités de conseil.
En effet, la désintermédiation totale n’est pas possible à ce jour car :
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le smart contract n’a pas de valeur juridique (voir p. 30), il représente « un support technique... ce qui implique qu’il y ait déjà un contrat conclu auparavant » (Roda, 2020, p. 56). En outre, certains actes et opérations requièrent des critères de fond et de forme qui ne sont pas forcément pris en compte par un algorithme (Mekki, 2020, p. 21) ;
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la totale confiance des utilisateurs envers un programme informatique n’est pas encore répandue. De plus, en cas de problème technique, sur qui repose la responsabilité ? le concepteur du logiciel ? Actuellement, les acteurs de la blockchain développent des solutions pour pallier ce problème. Cela rejoint une autre problématique, celle de la gestion des imprévus, ceux qui ne sont pas nécessairement programmés dans le smart contract.
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le cadre législatif ne nous permet pas de faire une désintermédiation totale en immobilier en raison de certaines professions réglementées et de leur rôle d’authentificateur, de collecteur d’impôts et/ou de conseil en tant que partie tierce à la transaction (notaire, avocat). À ce propos, un amendement du 13 mai 2016 proposant que « les opérations effectuées au sein d’un système organisé selon un registre décentralisé permanent et infalsifiable de chaîne de blocs de transactions constituent des actes authentiques au sens du deuxième aliéna de l’article 1317 du code civil »1 a été rejeté, entérinant ainsi la fonction d’office ministériel du notaire.
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le tiers de confiance ne serait pas supprimé puisqu’intervient l’oracle afin de procéder aux vérifications et donc déclencher les clauses du smart contract.
Mustapha Mekki parle ainsi de « réintermédiation » (2020, p. 17) et non de « désintermédiation », et Jean-Christophe Roda table plutôt sur un « déplacement des coûts » (Roda, 2020, p. 59) et non leur réduction proprement dite.