Analyser le rôle des promoteurs immobiliers dans les marchés urbains permet de mieux comprendre comment la ville se construit à la croisée d’intérêts économiques, de logiques d’acteurs privés et de politiques publiques. La production urbaine ne se limite pas à la construction physique mais s’inscrit dans un processus complexe de coproduction et de négociation entre acteurs aux intérêts parfois divergents. Ainsi, des travaux comme ceux d’Arab (2001) et d’Ascher (1991) soulignent l’émergence de modèles collaboratifs dans la conception des opérations urbaines, tandis que les études d’Avril et Roth (1997) mettent en exergue le rôle entrepreneurial des promoteurs, à la fois catalyseurs et moteurs de l’aménagement urbain.
Par ailleurs, l’analyse des rapports public/privé, abordée par des auteurs tels que Fleury (2010) et Bousquet (2010), révèle comment la production des espaces urbains est redéfinie par la (re)distribution des rôles et des responsabilités entre acteurs institutionnels et privés. À ce propos, les réflexions sur les logiques financières et la structuration des marchés urbains (Lorrain, 2011, 2013 ; David & Halbert, 2010) permettent d’appréhender les mutations des financements et les nouvelles dynamiques qui redessinent la fabrique de la ville contemporaine. Ensemble, ces ouvrages offrent une lecture plurielle et nuancée des enjeux actuels, interrogeant aussi bien la transformation des modèles d’urbanisation que l’évolution des politiques du logement à l’heure d’un capitalisme urbain en constante mutation.
Rôles et stratégies des promoteurs immobiliers
Avril, B., & Roth, B. (1997). La promotion immobilière : construire pour autrui. Presses des Ponts et chaussées.
Boanada-Fuchs, A., & Boanada Fuchs, V. (2022). The role of real estate developers in urban development. GeoForum, 134, 173-177.
Coulondre, A. (2017). La création de profit par les promoteurs immobiliers. Étude sur le travail entrepreneurial de qualification des biens. Revue française de sociologie, 58(1), 41-69.
Gimat, M., & Pollard, J. (2016). Un tournant discret : la production de logements sociaux par les promoteurs immobiliers. Géographie, économie, société, 18, 257-282.
Neagu, A. (2015). Les opérations de promotion immobilière. Entre économie immobilière et projet architectural. Lieux communs, 17, 49-64.
Pollard, J. (2011). Les groupes d’intérêt vus du local : les promoteurs immobiliers dans le secteur du logement en France. Revue française de science politique, 61(4), 681-705.
Topalov, C. (1974). Les promoteurs immobiliers : contribution à l’analyse de la production capitaliste du logement en France. École pratique des hautes études.
Christian Topalov propose une analyse sociologique et économique du rôle des promoteurs immobiliers dans la production capitaliste du logement en France. L’ouvrage s’inscrit dans une perspective marxiste et cherche à comprendre comment le logement, bien social par excellence, est façonné par les logiques du capital. À travers une étude détaillée du secteur immobilier des années 1950-1970, Topalov montre que les promoteurs agissent comme des médiateurs entre les marchés foncier, financier et de la construction, ce qui contribue à la structuration d’un véritable champ professionnel. Il met en lumière la montée en puissance des promoteurs immobiliers dans un contexte de croissance urbaine et de soutien étatique à la propriété privée. Topalov analyse également les rapports de pouvoir entre promoteurs, État et grandes entreprises du BTP. L’ouvrage marque une étape importante dans la sociologie urbaine critique en France. Il reste une référence incontournable pour comprendre les dynamiques sociales à l’œuvre dans la fabrique de la ville capitaliste.
Relations public/privé et coproduction de la ville
Arab, N. (2001). La coproduction des opérations urbaines : coopération et conception. Espaces et sociétés, 105-106, 57-82.
Ascher, F. (1991). Projet public et réalisations privées. Le renouveau de la planification des villes. Annales de la recherche urbaine, 51, 4-15.
Ball, S. (2010). L’aménagement à l’épreuve des marchés. Études foncières, 148, 12-19.
Bousquet, P. (2010). L’aménagement public/privé. Chimère, opportunité ou vision à long terme ? Études foncières, 144, 32-34.
Callen, D. (2011). La « fabrique péri-urbaine », système d’acteurs et production des ensembles pavillonnaires dans la Grande Couronne francilienne. [Thèse de doctorat, université Paris I Panthéon-Sorbonne]. Theses.hal.science
Pollard, J. (2018). L’État, le promoteur et le maire : la fabrication des politiques du logement. Presses de Sciences Po.
Dans cet ouvrage, Julie Pollard analyse les dynamiques de production des politiques du logement en France en mettant en lumière les relations entre l’État, les promoteurs immobiliers et les maires. À travers une approche sociologique et politique, elle décrypte comment ces acteurs interagissent, négocient et parfois s’opposent pour façonner les projets immobiliers et l’aménagement du territoire. À partir d’études de cas concrets, Julie Pollard met en évidence les jeux d’acteurs, les tensions et les compromis qui façonnent la production du logement en France. Elle souligne également les paradoxes des politiques publiques, souvent tiraillées entre objectifs de construction et résistances locales. Ce livre est une lecture essentielle pour comprendre les enjeux contemporains du logement et de l’urbanisme, notamment pour les chercheurs, les professionnels de l’immobilier et les décideurs publics.
Pollard, J. (2024). Real Estate Developers: coordinating actors in the production of the City. Dans N. Aveline-Dubach (coord.), Globalization and Dynamics of Urban Production (p. 27-45). ISTE & Wiley.
Financement et logiques économiques de la production urbaine
David, L., & Halbert, L. (2010). Logiques financières globales et fabrique de la ville. Dans P. Jacquet, R. K. Pachauri & L. Tubiana (dir.), Regards sur la Terre 2010 : villes, changer de trajectoires (p. 90-108). Presses de Sciences Po.
Halbert, L. (2018). Infrastructures financières et production urbaine : quatre circuits de financement de l’immobilier locatif en France métropolitaine. Espaces et sociétés, 174, 71-86.
Cet article propose une analyse des circuits de financement de la production urbaine, en les appréhendant comme de véritables infrastructures financières. Celles-ci assurent la collecte et la redistribution de capitaux, tout en générant des rendements issus de l’extraction de la rente foncière. En adoptant une perspective sociotechnique, l’article met en lumière la manière dont ces infrastructures façonnent la nature des capitaux mobilisés, influençant ainsi les marges de manœuvre des acteurs traditionnels de la fabrique urbaine. À partir de ce cadre analytique, l’étude compare quatre circuits de financement de l’immobilier locatif en France métropolitaine. Elle met en évidence les particularités des circuits dits financiarisés, marqués par une forte sélectivité spatiale et sociale dans leurs choix d’investissement – tant du point de vue des formes bâties que de leur localisation –, mais aussi par des dynamiques de sélection et d’éviction des usages et des usagers.
Hassaine-Baun, L. (2022). La financiarisation de la production urbaine. Cahiers ESPI2R, dossier Repère biblio.
Lorrain, D. (2002). Capitalismes urbains : la montée des firmes d’infrastructures. Entreprises et histoire, 30, 7-31.
Lorrain, D. (2013). La ville et les marchés : ce qui change au début du 21e siècle. Espaces Temps.
Transformations des modèles urbains et politiques du logement
Béal, V., & Rousseau, M. (2008). Néolibéraliser la ville fordiste. Métropoles, 4.
Biau, V., & Tapie, G. (dir.). (2009). La fabrication de la ville. Métiers et organisations. Parenthèses.
Blais, J.-P. (2014). L’aménageur, roi du copier-coller ? Réflexions d’un urbaniste à partir de ses dérives professionnelles. Métropolitiques.
Bourdin, A. (2001). Comment on fait la ville, aujourd’hui, en France ? Espaces et sociétés, 105-106, 147-166.
Ferguson, Y. (2008). Réflexion autour des nouveaux instruments de la production urbaine : vers la fin du modèle keynésien ? Métropoles, 4.
Pollard, J. (2010). Soutenir le marché : les nouveaux instruments de la politique du logement. Sociologie du travail, 52(3), 323-339.
Quelques exemples internationaux de la production urbaine
Appendino, F., Brown, L., Gillet, L., Gomes, P., Laussucq, F., Lefebvre, M.-N., Mille, A., Trojette, I., & Weigel ,R. (2023). L’« international promoteur », un métier aux pratiques territorialisées dans un monde globalisé ? Dans Mutations des professions immobilières. La promotion et l’aménagement. Cahiers ESPI2R.
Fleury, A. (2010). Public/privé : la (re)distribution des rôles dans la production des espaces publics à Paris et à Berlin. Métropoles, 8.
Guézéré, A., Moutoré, Y., & Ouro Bitasse, E. (2023). De la coproduction des services urbains dans les villes togolaises. Suds, 287, 311-339.
Lorrain, D. (2011). Introduction : les Institutions de la fabrique urbaine. Dans D. Lorrain (dir.), Métropoles XXL en pays émergents (p. 13-52). Presses de Sciences Po.
Pollard, J. (2013). De la toute-puissance à l’effondrement : les promoteurs espagnols et la crise immobilière. Dans L. Coudroy de Lille, C. Vaz & C. Vorms (dir.), L’urbanisme espagnol depuis les années 1970. La ville, la démocratie et le marché (p. 55-67). Presses universitaires de Rennes.
Rouanet, H. (2016). Quand les grands promoteurs immobiliers fabriquent la ville en Inde : regards croisés sur Bangalore et Chennai. [Thèse de doctorat, Université Paris-Est]. Hal.science
Theurillat, T., Rérat, P., & Crevoisier, O. (2014). Les marchés immobiliers : acteurs, institutions et territoires. Géographie, économie, société, 16, 233-254.