Veille juridique immobilière n° 3

Janvier-février 2023

Gaëlle Audrain-Demey, Sébastien Avallone, Stanislas Barry, Fernanda Chatelard, Carine Guémar, Florian Laussucq, Jennyfer Pilotin et Marcos Povoa

Citer cet article

Référence électronique

Audrain-Demey, G., Avallone, S., Barry, S., Chatelard, F., Guémar, C., Laussucq, F., Pilotin, J., & Povoa, M. (2023). Veille juridique immobilière n° 3. Veille juridique immobilière. Mis en ligne le 24 mars 2023, Cahiers ESPI2R, consulté le 29 mars 2024. URL : https://www.cahiers-espi2r.fr/1120

L’immobilier est un secteur en perpétuelle évolution. La présente Veille juridique immobilière, publiée par le département Droit du laboratoire ESPI2R, est un outil incontournable pour comprendre les mutations de l’immobilier contemporain et bâtir une pensée constructive sur les besoins de demain.
La Veille juridique immobilière s’adresse à tout lecteur intéressé par l’immobilier au sens large, juriste ou non. Elle a pour objectif de recenser les actualités juridiques majeures sur un intervalle bimestriel, classées par grande thématique puis en fonction du type de texte concerné.
Ce numéro est réalisé avec la contribution d’apprenants de l’ESPI : Olivia Braghini, Assia Chater, Raphaël Chimot, Mathilde Garrigue, Cyrielle Haulon, Marie Julien, Maxime Meunier, Guichelle Ngassaki, Océane Zarate-Zimnol.

Droit de la construction

Jurisprudences

Conseil d’État, 1re - 4e chambres réunies, 1er février 2023, n° 459243

Par cet arrêt, le Conseil d’État précise qu’un permis de construire modificatif (PCM) intervenu au cours de l’instance portant sur la légalité d’un permis de construire initial (PMI) peut être contesté par les parties tant que le juge n’a pas statué au fond, sans condition de forme ou de délai.

Cette décision apporte ainsi des précisions sur l’article 600-5-2 du Code de l’urbanisme qui dispose que « lorsqu’un permis modificatif, une décision modificative ou une mesure de régularisation intervient au cours d’une instance portant sur un recours dirigé contre le permis de construire, de démolir ou d’aménager initialement délivré ou contre la décision de non-opposition à déclaration préalable initialement obtenue et que ce permis modificatif, cette décision modificative ou cette mesure de régularisation ont été communiqués aux parties à cette instance, la légalité de cet acte ne peut être contestée par les parties que dans le cadre de cette même instance ».

Cour de cassation, 3e chambre civile, 8 février 2023, n° 21-20.535

Un empiètement peut être invoqué au titre de la défense du droit de propriété, comme au titre du non-respect d’une obligation contractuelle. Tandis que l’action réelle se prescrit par un délai de 30 ans (article 2227 du Code civil), l’action personnelle fondée sur la violation du contrat se prescrit par un délai de cinq ans (article 2224 du Code civil).

La Haute juridiction a eu l’occasion de réaffirmer ce principe alors qu’une partie a utilisé l’empiètement comme fondement d’une demande de dommages et intérêts. En effet, l’action en responsabilité contractuelle du bailleur qui invoque un empiétement commis par le preneur possède un caractère personnel et non réel et est ainsi soumise à l’application du délai quinquennal de l’article 2224 du Code civil. Le point de départ du délai, qu’il s’agisse d’une action réelle ou personnelle, reste inchangé : il commence à courir à compter de la date de la connaissance de l’empiétement et non pas de celle de la cessation de celui-ci.

Droit de l’urbanisme et de l’environnement

Rapport

L’état du mal-logement en France 2023, 28e rapport de la Fondation Abbé Pierre

Selon la Fondation Abbé Pierre, plus de quatre millions de personnes sont mal logées en France. La grande majorité concerne principalement les femmes (avec ou sans enfant) ainsi que les minorités de genre. Ce chiffre comprend : 1 098 000 personnes privées de logement personnel, dont 330 000 sans domicile (en hébergement généraliste, en centre d’accueil pour les demandeurs d’asile, à l’hôtel, en abri de fortune ou dans la rue) ; 2 819 000 personnes qui vivent dans des conditions difficiles et sans confort, dont 934 000 personnes vivent en « surpeuplement » ; et 31 000 personnes qui résident en foyer de travailleurs vétuste. En outre, le rapport dénonce une dégradation et un manque de logements sociaux, une pénurie dans les hébergements d’urgence (été comme hiver), l’augmentation du nombre des expulsions, des aides en diminution depuis dix ans et dont la répartition laisse à désirer.

Pour faire face à l’ensemble de ces constats, la Fondation Abbé Pierre recommande six grands axes à suivre pour faire reculer le « mal-logement » :

  • généraliser le logement pour viser l’objectif « zéro personne sans domicile » ;

  • produire 150 000 logements sociaux par an ;

  • encadrer les marchés immobiliers afin de faire baisser les prix ;

  • éradiquer les passoires énergétiques en dix ans ;

  • résorber l’habitat indigne ;

  • déclencher un « choc de redistribution ».

Loi

Proposition de loi visant à rétablir l’équilibre entre locations d’habitation et locations saisonnières en matière de rénovation énergétique des logements enregistrée à la Présidence du Sénat le 10 février 2023

Par cette proposition de loi, deux modifications seraient prévues au Code du tourisme. La première concerne les communes où le changement d’usage des locaux d’habitation est soumis à autorisation préalable. Dans ce cas, l’enregistrement de la déclaration serait conditionné à la performance énergétique mentionnée dans le diagnostic de performance énergétique (DPE). Une seconde modification consiste en l’obligation d’inclure le DPE dans tout contrat de location saisonnière. Le logement devrait aussi « répondre à un critère de performance énergétique minimale, défini par un seuil maximal de consommation d’énergie finale par mètre carré et par an ». Ce seuil maximal de consommation devra être défini en Conseil d’État. Prévision d’entrée en vigueur : janvier 2024.

Jurisprudences

Cour de cassation, 3e chambre civile, 11 janvier 2023, n° 21-19.778

Selon les dispositions combinées des articles 1240 du Code civil et L. 480-13 du Code de l’urbanisme, il est constant que le propriétaire ayant réalisé une construction en application d’un permis de construire (PC) ne peut être condamné, à la demande d’une autre personne que le représentant de l’État, à démolir sa construction du fait de la méconnaissance des règles d’urbanisme que si : préalablement, le PC a été annulé en excès de pouvoir par la juridiction administrative ; et la construction se situe dans l’une des zones mentionnées audit article L. 480-13 du Code de l’urbanisme (zones Natura 2000, cœur des parcs nationaux, bande des 100 mètres du littoral, parmi d’autres).

La Cour de cassation précise que « toute méconnaissance des règles d’urbanisme ou des servitudes d’utilité publique peut servir de fondement à une action en démolition d’une construction édifiée conformément à un permis de construire ultérieurement annulé, dès lors que le demandeur à l’action démontre avoir subi un préjudice personnel en lien de causalité directe avec cette violation ». Il en va donc ainsi des vices de forme ou de procédure. En l’espèce, « une insuffisance de l’étude d’impact relative à la présence d’un couple d’aigles royaux » entraînant l’annulation du PC suffit à solliciter ultérieurement la démolition quand bien même il ne s’agirait pas de la méconnaissance de règles de fond en matière d’utilisation des espaces.

Conseil d’État, 6e - 5e chambres réunies, 25 janvier 2023, n° 445937

Le Conseil d’État opère une articulation intéressante des dispositions des articles L. 600-1-2 et R.* 600-4 du Code de l’urbanisme. Si l’article L. 600-1-2 permet d’encadrer l’intérêt à agir des requérants contre une autorisation d’urbanisme, l’article R.* 600-4 prévoit seulement une liste de pièces pouvant être fournies pour que la requête soit considérée comme recevable. Dans cette décision, le Conseil d’État précise utilement que la production des pièces visées à l’article R.* 600-4 du Code de l’urbanisme a pour finalité de justifier de l’intérêt à agir. En outre, s’il est possible de produire en guise de justificatif « un contrat préliminaire » tel que mentionné à l’article L. 261-15 du Code de la construction et de l’habitation, la production d’une offre ne permet pas de faire percevoir le requérant « comme pouvant sérieusement revendiquer la propriété de ce terrain ».

Conseil d’État, 2e - 7e chambres réunies, 25 janvier 2023, n° 458930

Par cet arrêt, le Conseil d’État statue que l’autorité administrative n’est pas obligée de rendre un arrêté unique de cessibilité de parcelles, mais qu’au contraire, elle est autorisée à émettre de nouveaux arrêtés de cessibilité pour d’autres parcelles connexes, dans le cadre d’une expropriation qui a lieu à la suite d’un projet d’utilité publique.

En l’espèce, une société civile immobilière et une société anonyme ont saisi le juge administratif afin de demander l’annulation des arrêtés par lequel un préfet avait déclaré cessibles des parcelles au profit d’un établissement public dans le cadre d’un projet d’aménagement d’un quartier. L’annulation des arrêtés de cessibilité ayant été prononcée en première et seconde instance, l’établissement public s’est pourvu en cassation.

Le Conseil d’État statue que ni les dispositions de l’article L. 132-1 du Code de l’expropriation « ni aucune autre disposition législative ou réglementaire n’impose que l’ensemble des immeubles à exproprier pour la réalisation d’un projet déclaré d’utilité publique fasse l’objet d’un unique arrêté de cessibilité ». Décidant ainsi que des arrêtés de cessibilité peuvent être pris successivement si l’expropriation de nouvelles parcelles se révèle nécessaire pour la réalisation du projet d’utilité publique, le Conseil d’État annule la décision de la cour administrative d’appel et renvoie l’affaire pour nouveau jugement.

Tribunal administratif de Rouen, 2e chambre, 26 janvier 2023, n° 2202586

Par cet arrêt, le tribunal administratif de Rouen annule une délibération prise par la commune de Bois-Guillaume visant à approuver « une charte de l’urbanisme et du cadre de vie » qui comportait des règles en matière d’urbanisme, notamment sur les caractéristiques des constructions ou les matériaux à utiliser.

Le tribunal a jugé sur la base de l’article L. 5217-2 du Code général des collectivités territoriales que ces prescriptions relevaient de la compétence de la Métropole Rouen Normandie par le biais du plan local d’urbanisme intercommunal applicable à l’ensemble du territoire métropolitain. De plus, la commune n’ayant aucune compétence en matière de règles impératives dans la conception et la réalisation des projets de construction, qui relèvent de la loi et des règlements, la charte de l’urbanisme et du cadre de vie visée par l’action a été jugée illégale par le tribunal.

Droit bancaire et financier

Règlement

Avis du 25 février 2023 relatif à l’application des articles L. 314-6 du Code de la consommation et L. 313-5 du Code monétaire et financier concernant l’usure et de l’arrêté du 27 janvier 2023 portant adoption de mesures transitoires sur le calcul de l’usure en application de l’article L. 314-8 du Code de la consommation et de l’article L. 313-5 du Code monétaire et financier

Entre le 1er février et le 1er juillet 2023, le taux d’usure limitant les crédits immobiliers sera révisé tous les mois.

Ainsi, l’avis du ministère de l’Économie du 25 février 2023 relatif à l’arrêté du 27 janvier 2023 portant adoption de mesures transitoires sur le calcul de l’usure a fixé le taux d’usure pour le mois de mars 2023 à 4 % pour un crédit (immobilier notamment) de 20 ans et plus, dans le cadre de prêts à taux fixe. Voici la partie du tableau relative aux crédits immobiliers :

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Droit patrimonial

Règlement

Décret n° 2023-94 du 14 février 2023 relatif à la procédure applicable à certaines actions relatives au droit de propriété immobilière à Mayotte

Les règles relatives à l’acquisition, à la transmission et à la protection des droits de propriété à Mayotte sont les mêmes que celles applicables en France métropolitaine. Le transfert de propriété est réglementé par le Code civil et doit être formalisé par un acte notarié. Néanmoins, quelques particularités locales doivent être respectées.

Ce décret permet de rendre applicable la procédure accélérée au fond aux actions afin de favoriser la reconnaissance du droit de propriété immobilière qui pourra être acquis par l’effet d’un contrat formé par acte sous seing privé ou par un acte enregistré chez le cadi (juge). Si cet acte n’a pas été inscrit au livre foncier de Mayotte avant le 1er janvier 2008, ou acquis par l’effet de la prescription acquisitive, alors la demande en justice ainsi que le jugement qui fait droit à la demande font l’objet d’un affichage public. Ce décret entrera ainsi en vigueur le 1er mai 2023.

Jurisprudence

Cour de cassation, 3e chambre civile, 7 décembre 2022, n° 21-19.793

Par cet arrêt, la Cour de cassation confirme une jurisprudence désormais constante sur le droit de passage sur la parcelle d’un voisin. En l’espèce, les propriétaires du terrain enclavé avaient accès à leur parcelle uniquement à pied. Les propriétaires du fonds servant soutenaient à leur faveur que l’accès au fonds dominant a toujours été fait ainsi et que la proximité de la rue et la possibilité de s’y garer permettaient un accès en voiture très proche de la maison enclavée.

La Cour de cassation a cassé et annulé l’arrêt d’appel (cour d’appel de Colmar, 23 avril 2021, n° 18/05615) afin de rappeler que « l’accès en véhicule automobile correspond à l’usage normal d’un fonds destiné à l’habitation », confortant ainsi une lignée de plusieurs arrêts dans le même sens et garantissant aux propriétaires du fonds dominant le droit d’y accéder par voiture.

Droit des contrats

Jurisprudences

Cour de cassation, 3e chambre civile, 14 décembre 2022, n° 21-24.539

La Cour de cassation statue par cet arrêt que l’acquéreur qui obtient un crédit inférieur au « montant maximum » prévu par la condition suspensive de la promesse de vente n’est pas tenu d’acheter.

En l’espèce, la condition suspensive imposait aux acquéreurs de trouver un prêt d’un « montant maximum » de 414 000 €, mais leur banque n’a consenti qu’un prêt à la hauteur de 407 000 €. Estimant que la condition suspensive n’était pas réalisée, les acquéreurs ont renoncé à l’opération.

La Haute juridiction approuve la cour d’appel (cour d’appel de Paris, pôle 4 – chambre 1, 22 octobre 2021, n° 20/04351) qui a jugé que « l’indication, dans la promesse, d’un montant maximal du prêt n’était pas de nature à contraindre les acquéreurs à accepter toute offre d’un montant inférieur ».

Cour d’appel de Paris, pôle 4 - chambre 4, 3 janvier 2023, n° 20/08067

Par cet arrêt, la cour d’appel de Paris a condamné Airbnb in solidum avec le locataire d’un appartement au paiement en faveur du propriétaire d’une somme correspondant à la totalité des sommes perçues pour la sous-location illégale du bien immeuble en question, annoncée sur la plateforme.

En savoir plus
Errard, G. (2023, 5 janvier). Sous-location illégale : Airbnb peut aussi être condamnée. Figaro Immobilier.

Cour de cassation, 3e chambre civile, 8 février 2023, n° 22-10.743

Par l’arrêt du 8 février 2023, la Cour de cassation rappelle que la réparation par un tiers du vice caché affectant la chose vendue, qui n’a pas d’incidence sur les rapports contractuels entre vendeur et acquéreur, ne supprime pas l’action estimatoire de l’acquéreur. Lorsque l’acheteur actionne la garantie des vices cachés qui incombe au vendeur, il dispose à son choix discrétionnaire de deux actions, l’une rédhibitoire (résolution du contrat) et l’autre estimatoire (réduction du prix).

En l’espèce, lors de la prise en possession du bien, l’acquéreur prévoyait de le rénover, et c’est à cette occasion qu’il a pu constater la présence d’insectes xylophages dont la voracité aurait considérablement fragilisé certains planchers de l’appartement. Ces conditions ont amené l’acquéreur, s’estimant lésé de ne pouvoir jouir pleinement de la chose qu’il considérait impropre à l’usage prévu, à saisir le tribunal compétent d’une demande de restitution partielle du prix de vente sur le fondement de la garantie des vices cachés de l’article 1641 du Code civil (action estimatoire). Le vendeur a appelé en garantie le syndic de copropriété qu’il tenait pour responsable desdits désordres. Ce dernier a procédé à la rénovation du bien et a, par conséquent, résorbé le vice. Pour autant, l’auteur des réparations étant tiers au contrat de vente, les magistrats du quai de l’Horloge ont rappelé que cela ne supprimait pas la possibilité pour l’acheteur de solliciter l’action estimatoire et ainsi obtenir la réduction du prix demandée.

Cour de cassation, 3e chambre civile, 15 février 2023, n° 21-16.475

Par l’arrêt du 15 février 2023, la Cour de cassation confirme que le droit de préemption du locataire commercial, issu de l’article L. 145-46-1 du Code de commerce institué par la loi dite « Pinel » du 18 juin 2014 et qui concerne le cas où le propriétaire d’un local commercial ou artisanal envisage de le vendre, n’est pas applicable à une vente faite par autorité de justice.

En l’espèce, une société civile immobilière (SCI) propriétaire-bailleresse avait été placée en liquidation judiciaire en 2005, et une ordonnance du juge-commissaire de 2016 avait autorisé le liquidateur à vendre les locaux loués à une communauté de communes. L’acte notarié avait été dressé en 2018. C’est dans ce contexte que, se prévalant d’un bail commercial de 2007 et d’une offre d’achat qu’il avait adressée au liquidateur de la SCI en 2009 (pour un prix supérieur à celui de la vente), le locataire demandait à être substitué à l’acquéreur.

La troisième chambre civile répond à cette demande au motif qu’il résulte de l’article L. 642-18 du Code de commerce que la vente de gré à gré d’un actif immobilier dépendant d’une liquidation judiciaire constitue une vente faite par autorité de justice et, partant, que le jeu de l’article L. 145-46-1 du même code n’a nullement vocation à s’appliquer puisqu’il n’est effectif que dans le cas précis où le propriétaire d’un local commercial ou artisanal envisage de le vendre.

Droit fiscal

Loi

Entrée en vigueur du dispositif dit « Pinel+ »

Le dispositif Pinel a fait l’objet de modifications importantes dans le cadre de la nouvelle loi de finances pour 2021, avec entrée en vigueur en 2023. Tout d’abord, le dispositif a subi un rabotage des avantages en matière de réduction d’impôt puisqu’ils vont été revus à la baisse de manière progressive en 2023 et 2024. Toutefois, il est possible de bénéficier du maintien des taux antérieurs, via deux possibilités ; on parle alors de « Pinel+ ». Dans le premier cas, le logement doit se trouver dans un quartier prioritaire de la politique de la ville. Ces périmètres sont fixés par le décret n° 2014-1750 du 30 décembre 2014. Dans le second cas, le logement doit respecter des conditions en termes de performance énergétique, d’usage et de confort définis à l’article 2 du décret n° 2022-384 du 17 mars 2022 relatif au niveau de qualité des logements résultant de l’application en France métropolitaine de l’article 168 de la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021, avec notamment le respect de la réglementation environnementale 2020 et de seuils minimums de diagnostic de performance énergétique.

Jurisprudence

Cour administrative d’appel de Lyon, 5e chambre, 9 février 2023, n° 21LY01699

La cour administrative d’appel de Lyon illustre une nouvelle fois la notion d’abus de droit dans un schéma d’interposition. En l’espèce, une société holding avait reçu, dans le cadre d’un apport, l’usufruit temporaire des titres d’une société civile immobilière (SCI). Ce schéma fiscal permettait d’éviter l’application des revenus fonciers sur les revenus générés par la SCI et l’application du barème progressif de l’impôt sur le revenu.

Le montage fiscal a eu pour effet l’absence de tenue d’assemblées générales, l’inexistence de comptabilité et de compte bancaire pour la société holding. La holding ne détenait aucun autre titre que ceux démembrés de la SCI.

La cour administrative d’appel de Lyon a sanctionné ce schéma, reconnaissant l’existence d’un abus de droit du fait d’un montage fiscal artificiel.

Fiscalité immobilière

Communiqué

« Du nouveau dans votre espace « Gérer mes biens immobiliers » sur impots.gouv.fr » : communiqué du ministère de l’Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique, 23 janvier 2023, n° 533

La loi de finances pour 2020 a supprimé la taxe d’habitation sur les résidences principales à compter du 1er janvier 2023. Les propriétaires de locaux d’habitation sont toutefois soumis à une nouvelle obligation déclarative depuis cette année via le service « Gérer mes biens immobiliers » : en vertu de l’article 1418 du Code général des impôts, ils doivent désormais communiquer auprès de l’administration fiscale, avant le 1er juillet de chaque année, toutes informations relatives à la nature de l’occupation de ces locaux lorsqu’ils en ont la jouissance ou, si ces locaux sont occupés par des tiers, tous renseignements concernant l’identité de ces derniers. C’est la situation d’occupation au 1er janvier qui doit être déclarée.

En savoir plus : Foire aux questions du 19 janvier 2023

Jurisprudence

Conseil d’État, 10e - 9e chambres réunies, 9 décembre 2022, n° 461887

Est considérée comme ayant pris personnellement part à un manquement à une obligation déclarative une société à responsabilité limitée (SARL) associée majoritaire d’une société civile immobilière (SCI) dont le gérant est aussi celui de cette société de personnes. Dans cette affaire, le juge administratif a relevé que le gérant de la SARL était aussi celui de la SCI, détenue dans sa quasi-intégralité (99 %) par la société de capitaux et pour le reste par ce gérant. Celui-ci a déposé la déclaration de résultats de la SCI après le délai légal fixé. Du fait de sa qualité de gérant de la SARL, il ne pouvait ignorer cette déclaration tardive. Par conséquent, la SARL associée de la SCI ne pouvait pas méconnaître cette même obligation.

À l’international

Jurisprudence

Tribunal administratif du logement, Montréal (Québec, Canada), le 17 février 2023, n° dossier 606314 31 20220112 X, n° demande 3759912, St-Laurent c. Société en commandite 2083-2085/2101-2117 St-Timothée, 2022 QCTAL 34771

La rénoviction – l’éviction du locataire d’un immeuble pour le rénover – est un sujet médiatiquement connu au Québec. Il est beaucoup moins fréquent devant les tribunaux canadiens.

En l’espèce, une locataire vivait dans un logement depuis 2014. Un important dégât des eaux dans l’immeuble la force, ainsi que d’autres habitants, à déménager temporairement en mars 2021 dans un autre immeuble trouvé par le bailleur. L’entente entre bailleur et preneur prévoit que le déménagement temporaire devrait durer trois mois. Alors que d’autres locataires sont revenus très rapidement dans l’immeuble d’origine, la locataire se voit refuser l’accès à son appartement pendant plus de 17 mois. De ce fait, elle affirme être privée de sa vie sociale et ne pas pouvoir pratiquer ses activités artistiques, en plus d’être obligée de vivre séparée de son chat, les animaux étant interdits dans son logement temporaire. En juillet 2022, la locataire est informée qu’elle devrait trouver un autre logement puisque le délai pour renouveler son bail est expiré.

Au vu des faits, la locataire saisit le tribunal afin de demander : l’accès au logement et le droit de le réintégrer, des dommages matériels, des dommages moraux et des dommages punitifs. Pour contester la demande, le bailleur informe que le logement est déjà loué et qu’il ne serait pas possible d’y réintégrer la locataire.

Le tribunal décide pour la réintégration de la locataire à son logement notamment parce que le bailleur n’a pas pu prouver que l’appartement avait été reloué (en plus, pendant l’audience, un voisin de la locataire a montré au juge, par une vidéo en direct, que le logement en question était vacant). La cour a également condamné le bailleur à des dommages matériels d’environ 2 500 €, des dommages moraux d’environ 3 500 € et des dommages punitifs de plus de 10 000 €, « afin de dissuader un locateur [bailleur] qui souhaiterait éventuellement procéder à une telle manœuvre. La sanction doit être assez importante pour que cela constitue un frein, et non que ce soit perçu comme une simple “amende” à payer ».

Les commentateurs de cette décision saluent l’aspect dissuasif du jugement et soulignent sa rareté, dans la mesure où les locataires demandent très rarement leur réintégration à leur logement originel puisqu’ils ont souvent déjà trouvé une autre habitation.

Gaëlle Audrain-Demey

Responsable du département Droit, laboratoire ESPI2R

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Avocat à la Cour, enseignant permanent, ESPI

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Enseignant-chercheur, département Droit, laboratoire ESPI2R

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Enseignante-chercheuse, département Droit, laboratoire ESPI2R

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Enseignant-chercheur, département Droit, laboratoire ESPI2R

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