La propagation récente de la Covid-19 a soulevé de nombreuses interrogations au cours de ces derniers mois. Les questionnements sont divers, notamment sur les raisons pour lesquelles certains pays étaient soumis à une plus grande et rapide contamination du virus, couplée ou non à une mortalité plus élevée (Andrée, 2020 ; Conticini, Frediani & Caro, 2020 ; Ogen, 2020 ; Travaglio, Popovic, Selley, Leal et al, 2020 ; Wu, Nethery, Sabath et al., 2020). Différentes hypothèses ont été avancées. Parmi les explications possibles de la diffusion du virus en Europe, des observations récentes ont montré que les hauts niveaux de pollution atmosphérique et, surtout, des particules fines pourraient contribuer à véhiculer le virus sur l’ensemble du territoire (Peng, Zhao, Tao, Mi, Huang & Zhang, 2020 ; Setti, Passarini, De Gennaro et al., 2020). Ainsi, vivre dans un territoire avec des niveaux élevés de pollution pourrait augmenter la vulnérabilité d’un individu aux agents infectieux et aux problèmes respiratoires. Une mauvaise qualité de l’air, et plus particulièrement sa pollution, pourrait donc être considérée comme responsable du ciblage des voies respiratoires et de l’affaiblissement de la population à risque, tout en augmentant la probabilité d’être affecté par des maladies respiratoires comme la Covid-19 (Buffoli, Rebecchi, Gola et al, 2018 ; D’Alessandro, Gola, Appolinni et al., 2020).
La France a été l’un des États européens le plus touché par la Covid-19 quelques semaines après l’apparition du virus à Wuhan, en Chine. La maladie a pris des proportions dramatiques dans tout le pays, avec plus de 4,2 millions de cas confirmés et 91 437 décès enregistrés à ce jour (18 mars 2021, Santé Publique France). Sur la base d’études récentes qui montrent un taux de mortalité plus élevé dans les régions les plus polluées (De Natale, Riccardi, De Luca et al., 2020 ; Giangreco, 2020), l’objectif de cet article singulier et original1, dont nous présentons ici une synthèse, est d’entreprendre une analyse détaillée de la relation entre les concentrations de pollution et la Covid-19 au sein des 96 départements français. Et ce en mobilisant plus précisément des données très fines sur la pollution atmosphérique, les liens entre l’exposition à long terme aux concentrations de particules PM2,52 et le rôle des variables économiques, démographiques et structurelles (densité de population, nombre moyen de personnes par ménage, part des cadres et professions intellectuelles supérieures [CPIS], nombre de médecins, etc.) par rapport au taux de mortalité et au taux d’incidence liés à l’épidémie.
Par l’emploi des méthodes économétriques, notamment des modèles d’économétrie spatiale, nous contrôlons l’endogénéité et l’hétérogénéité relatives aux variables explicatives, à la proximité spatiale et sociale des facteurs de risque potentiellement aggravants. Notre analyse a recours aux données les plus récentes portant sur la Covid-19 (février 2021, Santé Publique France), ce qui nous permet de prendre en compte, contrairement aux autres travaux actuels, les différents pics de l’épidémie. Enfin, nous réalisons un certain nombre de tests de robustesse, traditionnellement utilisés en économétrie spatiale, afin de renforcer la fiabilité des résultats obtenus.
Nos résultats révèlent une relation significative et positive entre les concentrations de pollution de particules fines (2,5) et le taux de mortalité ou le taux d’incidence, d’ailleurs bien plus marquée pour ce dernier. Plus concrètement, une augmentation de la pollution atmosphérique entraînerait une hausse du taux d’incidence de l’épidémie, et ce quels que soient les modèles spatiaux et les matrices de voisinage utilisés (contiguïté, k plus proche voisin, distance). Ces modèles permettent de prendre en compte et de mesurer les interactions spatiales entre les différents territoires. Il ressort également de notre étude une relation importante entre le taux d’incidence et la taille du logement. Cette dernière jouerait un rôle de catalyseur de la transmission du virus dans le sens où plus la part des résidences principales de trois pièces ou moins dans le département est importante, plus le taux d’incidence le serait également.