La pandémie de Covid-19 et le contexte sanitaire global qui lui est associé ont mis en lumière de nombreux enjeux sociaux, culturels, économiques et environnementaux auxquels les villes sont confrontées. Le développement urbain se voit ainsi questionné par ces enjeux et par les problématiques soulevées par la crise sanitaire : notre façon de vivre la ville a été bouleversée dans notre manière de travailler, de nous déplacer, de nous loger, de consommer et de nous divertir. Et cela s’est constaté à travers le monde entier. Le 11 mars 2020, le directeur général de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) déclarait que l’épidémie de Covid-19, qui avait pris naissance en Chine, était devenue une pandémie (Directeur général de l’OMS, 2020). L’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) a qualifié la pandémie de Covid-19 comme « troisième choc économique, financier et social du xxie siècle… après les attentats du 11 septembre 2001 et la crise financière de mondiale de 2008 » (OCDE, 2020, p. 4).
Les villes se sont historiquement construites en faisant face à des adversités, et parmi celles-ci, les épidémies ont largement contribué aux améliorations et réflexions urbaines. Les populations urbaines ont en effet dû faire face aux épidémies de choléra, de peste, de tuberculose ou encore de grippe espagnole à partir du milieu du xixe siècle. Les interventions hygiénistes ont ainsi largement marqué le développement de l’urbanisme progressiste en proposant de repenser l’organisation des villes et de faire évoluer leur forme pour faire pénétrer l’air et la lumière par l’élargissement des rues, la création d’espaces publics et d’espaces verts, par l’organisation de la circulation, par la création d’équipements publics.
Cette crise sanitaire, comme d’autres crises et comme d’autres épidémies dans l’histoire, va donc marquer notre société et va certainement laisser son empreinte dans la manière de construire les villes. Elle nous offre donc de nombreux sujets et pistes de réflexions, de recherches et d’actions. Elle nous oblige à nous interroger sur le fonctionnement de la ville à différentes échelles, jusqu’à la place du citoyen et son implication dans la transformation urbaine. Certains chercheurs voient ainsi cette crise sanitaire comme un catalyseur qui permet d’accélérer et de questionner des changements déjà engagés dans notre façon de faire la ville avant la crise (Nieuwenhuijsen, 2020). Des changements qui doivent bien sûr dans un premier temps répondre aux enjeux de la gestion de la crise sanitaire mais aussi développer de manière plus globale la capacité de résilience des espaces urbains dans un contexte de développement durable et de problématiques environnementales, et de leurs conséquences sanitaires plus larges. Ces réflexions vont tendre à renforcer les dimensions inclusive, verte et intelligente de la ville (OCDE, 2020).
Cette troisième journée d’étude du laboratoire ESPI2R a permis d’interroger les manières d’habiter et d’adapter la ville en période de crise sanitaire épidémique, les transformations des rapports à la ville, ainsi que les dynamiques qui naissent en réponse à cette situation de crise et leurs pérennités. Elle visait ainsi spécifiquement à donner la parole aux chercheurs et aux acteurs du territoire afin de partager des réflexions et des travaux pour mieux comprendre cette pandémie et ses impacts spécifiques sur les territoires et sur la construction de la ville. Les différentes interventions ont permis d’explorer ces questionnements dans une approche interdisciplinaire, avec l’intervention notamment d’économistes, de géographes, d’aménageurs, d’épidémiologistes, d’architectes, d’urbanistes, de juristes. Quatre sessions thématiques ont permis d’échanger et de partager des travaux, dont la présente publication rend compte à travers un ensemble de synthèses et d’articles.
La première session porte sur la gestion des territoires face à la Covid-19, en mettant en avant la construction d’outils et d’indicateurs d’aide à la décision pour évaluer la circulation du virus, sa distribution spatiale et la vulnérabilité des populations exposées. Sont ainsi intervenus, notamment, Giuseppe Arcuri (université Paris 1 Panthéon Sorbonne, PRISM Economix), Myriam Ben Saad et Brice Barois (Groupe ESPI, laboratoire ESPI2R).
La deuxième interroge les modalités d’aménagement et de construction du territoire questionnées par la Covid-19. Elle mobilise ainsi certains concepts tandis qu’elle s’enquiert également de l’appropriation et de la gouvernance des territoires. Dans ce cadre, nous accueillons les contributions d’Anthony Tchékémian (université de la Polynésie française), de Jeffrey Blain, Carmen Cantuarias-Villessuzanne et Romain Wegel (Groupe ESPI, laboratoire ESPI2R) et de Raphaël Languillon-Aussel (université de Genève).
Quant à la troisième session, elle s’intéresse à la manière d’habiter la ville en période d’épidémie et aux principaux territoires qui la composent – le logement, le bureau, l’espace public, les lieux touristiques – en se focalisant sur les relations entre société et territoires. Nous avons recueilli ainsi les travaux de Leïly Hassaine-Bau1 (Aix-Marseille Université, laboratoire TELEMMe), de Najet Mouaziz-Bouchentouf (université des sciences et de la technologie d’Oran), et de María Soledad Oviedo et Víctor Llugsha (Equator Technological University).
Enfin, la dernière session permet de mettre en perspective les dynamiques urbaines modifiées par la crise sanitaire, avec une dimension historique, des réponses urbaines immédiates et des réflexions globales sur la manière de construire la ville face à l’épidémie. Ont participé Fadila Kettaf (université des sciences et de la technologie d’Oran), Cintia Ariana Barenboim (Universidad Nacional de Rosario, CONICET), Emmanuelle Gangloff et Hélène Morteau (laboratoire PACTE).