La financiarisation de la production urbaine

Leïly Hassaine-Bau

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Référence électronique

Hassaine-Bau, L. (2022). La financiarisation de la production urbaine. Repère biblio. Mis en ligne le 21 janvier 2022, Cahiers ESPI2R, consulté le 26 avril 2024. URL : https://www.cahiers-espi2r.fr/695

Comment la finance modifie-t-elle durablement les logiques de production de la ville ? Ce Repère bibliographique donne des clés de lecture afin de saisir la manière dont l’utilisation de fonds financiers transforme concrètement le tissu urbain (la morphologie, les paysages et, in fine, les modes de vie des habitants).

L’originalité de la situation contemporaine s’observe en partie dans l’accroissement de la demande en financement des entreprises immobilières auprès des investisseurs. L’État se retire de plus en plus des entreprises, et les banques sont mises en concurrence grâce à une déréglementation du secteur. Le premier sous-thème propose donc des références qui expliquent comment les marchés financiers deviennent alors une nouvelle source de financement pour les entreprises immobilières au détriment des banques (1), bien que la finance ne s’impose pas à tous les pays de la même façon (2). Cette multiplication des sources de financement engendre des recompositions aussi bien au sein des acteurs de la production urbaine, avec l’émergence de nouvelles professions dans le secteur immobilier (3), que dans les projets urbains lorsque ces fonds financent la ville durable (4).

Les essentiels

Drozdz, M., Guironnet, A., & Halbert, L. (2020). Les villes à l’ère de la financiarisation (dossier). Métropolitiques.

Résultat d’une collaboration internationale de chercheurs, ce dossier explique précisément ce qu’implique le processus de financiarisation de la production urbaine. À partir d’études réalisées dans six pays (en Europe, Asie et Amérique) à l’échelle métropolitaine ou nationale, les auteurs décrivent l’intervention croissante des acteurs, des instruments et des logiques de la finance dans la fabrique de la ville. Ils viennent nourrir les réflexions sur les façons dont la finance impacte tous les secteurs immobiliers, ainsi que les conséquences socio-spatiales. En effet, « le recours croissant aux marchés financiers pour financer les politiques urbaines place désormais les gestionnaires d’actifs dans une position privilégiée auprès de certaines collectivités ». Le dossier interroge alors « le risque d’un affaiblissement du contrôle public sur les projets urbains ». Une attention particulière est finalement portée aux contestations face à la financiarisation de l’immobilier « à commencer par la question de l’accès au logement, par exemple dans les institutions internationales comme l’ONU », mais aussi davantage locales, à travers les associations de locataires.

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Guironnet, A., & Halbert, L. (2014). The financialization of Urban Development Projects: Concepts, processes, and implications. Document de travail du LATTS – Working paper, 14-04.

Guironnet, A., Attuyer, K., & Halbert, L. (2016). Building cities on financial assets: the financialisation of property markets and its implications for city governments in the Paris city-region. Urban Studies, 53(7), 1442-1464.

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Raimbault, N. (2016). Ancrer le capital dans les flux logistiques : la financiarisation de l’immobilier logistique. Revue d’Économie Régionale & Urbaine, 1, 131-154.

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Finance et fabrique de la ville : illustrations internationales

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Crosby, N., & Henneberry, J. (2016). Financialisation, the valuation of investment property and the urban built environment in the UK. Urban Studies, 53(7), 1424-1441.

Hassaine-Bau, L. (2021). De la ville usine à la ville globale. Quand les chefs d’entreprise deviennent investisseurs (Monterrey, Mexique). Cahiers des Amériques latines, 95, 229-250.

Kaika, M., & Ruggiero, L. (2016). Land Financialization as a “lived” process: The transformation of Milan’s Bicocca by Pirelli. European Urban and Regional Studies, 23(1), 3-22.

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Finance immobilière et nouvelles professions

Baraud-Serfaty, I., & Jacquot, C. (2016). Les recompositions de la chaîne de l’aménagement et de l’immobilier. Réseau national des aménageurs.

L’agence de conseil et d'expertise en économie urbaine Ibicity et la SCET (Services, conseil, expertises et territoires), filiale du Groupe Caisse des Dépôts spécialisée dans l’ingénierie de projets des acteurs de l’économie locale, présentent en 2016 cette étude dans le cadre des rencontres du Réseau national des aménageurs (RNA). L’objectif est de détailler les stratégies d’adaptation des acteurs de l’aval (promoteurs immobiliers, investisseurs ou habitants), qui dorénavant pilotent les projets en amont, ainsi que l’entrée en jeu de nouveaux acteurs, financiers. Cette note analyse les recompositions de la chaîne de valeur de l’aménagement, des projets de bureaux aux logements, en montrant l’impact direct à l’échelle des projets : en raison d’un nombre croissant d’acteurs, on observe un élargissement de la maille à laquelle les projets sont fabriqués. L’intervention des promoteurs repose ainsi de plus en plus sur des fonciers de plusieurs hectares, comme pour le projet des Fabriques à Marseille (dit îlot XXL, 14 hecatres), soutenu par l’établissement public d’aménagement Euroméditerranée et conduite par Bouygues. Les auteurs montrent alors pourquoi il est possible que seule cette taille de projet permette de tenir les promesses de mutualisation.

Caroll, W. K. (2010). The Making of a transnational Capitalist Class: Corporate Power in the 21th Century. Zed Books.

Chambost, I. (2013). De la finance au travail. Sur les traces des dispositifs de financiarisation. La Nouvelle Revue du Travail, 3.

Guironnet, A. (2016). Une financiarisation si discrète ? La circulation des standards de la filière d’investissement en immobilier tertiaire dans les politiques de développement urbain du Grand Lyon. Métropoles, 19.

Kleiner, T. (2003). La consécration des gestionnaires d’actifs sur la place de Paris. Actes de la recherche en sciences sociales, 1-2(146-147), 42-50.

Nappi-Choulet, I. (2013). La financiarisation du marché immobilier français : de la crise des années 1990 à la crise des subprimes de 2008. Revue d’économie financière, 2(110), 189-206.

La finance et la ville durable

Boisinier, C. (2015). Les sociétés foncières, entre finance et ville durable. L’Harmattan.

David, L., & Halbert, L. (2010). Logiques financières globales et fabrique de la ville. Dans P. Jacquet, R. K. Pachauri & L. Tubiana (dir.), Regards sur la terre. Villes : changer de trajectoire (p. 90-108), (éd.), Presses de Sciences Po.

Nappi-Choulet, I. (2009). Les mutations de l’immobilier : de la finance au développement durable. Autrement.

Cet ouvrage permet d’analyser l’une des mutations du secteur immobilier qui accompagne la financiarisation : le développement durable. Depuis l’entrée en vigueur en 2005 du protocole de Kyoto sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre, la préoccupation environnementale est devenue en quelques années un des enjeux majeurs des économies développées. Or, le bâtiment et la filière de construction sont l’une des sources majeures des émissions polluantes définies par ce protocole. Cet ouvrage introduit l’enjeu représenté par la prise de conscience environnementale, que le secteur immobilier doit opérer. En effet, tout au long de leur cycle de vie, les bâtiments représentent dans le monde environ 40 % de la consommation des ressources naturelles utilisées (matières premières et énergie), contre 28 % pour l’industrie et 24 % pour les transports, et produisent 40 % des déchets générés. L’auteure explique alors la nécessité de conjuguer les problématiques du management de l’immobilier, la fonction immobilière des utilisateurs et des grandes entreprises avec les nouveaux enjeux du Grenelle de l’environnement.

Theurillat, T. (2011). La ville négociée : entre financiarisation et durabilité. Géographie, Économie, Société, 13(3), 225-254.

Leïly Hassaine-Bau

Enseignante-chercheuse, laboratoire ESPI2R, Groupe ESPI

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