Les services écosystémiques (SE) représentent les avantages que les hommes tirent des écosystèmes. Il s’agit notamment des services d’approvisionnement, tels que la nourriture et l’eau ; des services de régulation, tels que le contrôle des inondations et des maladies ; des services culturels, tels que les avantages spirituels, récréatifs et culturels ; et des services de soutien, tels que le cycle des nutriments, qui maintiennent les conditions nécessaires à la vie sur Terre (Daily, 1997 ; MEA, 2005). Ces bénéfices des écosystèmes naturels dont les sociétés humaines profitent ont été évalués à 1,8 fois le PIB mondial annuel (Costanza et al., 1997).
En France métropolitaine, les milieux urbanisés continuent de s’étaler ; environ 80 % de la population y vivent (EFESE, 2018). Le milieu urbain concentre donc la demande de nombreux SE (régulation du climat local, gestion des eaux pluviales, services culturels, biodiversité, support de cultures alimentaires) tout en ayant une offre limitée, liée notamment au taux élevé d’artificialisation des sols (voir, en fin d’article, le focus sur le projet SEMEUR).
L’évaluation des SE urbains permet de sensibiliser les acteurs de l’immobilier à la valeur de la biodiversité et des services rendus par les écosystèmes.
Les essentiels
L’approche par les SE sert à sensibiliser, à animer le débat, à faire des choix (analyses coûts-bénéfices, évaluer des scénarios) et à financer des actions (paiements par services environnementaux). En 2012, un groupe permanent (du même type que le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, GIEC) pour le suivi scientifique des écosystèmes est créé, il s’agit de The Intergovernmental Science-Policy Platform on Biodiversity and Ecosystem Services, IPBES (https://ipbes.net).
Naissance de l’approche par les services écosystémiques
Daily, G. C. (1997). Introduction: What Are Ecosystem Services? In G. C. Daily (ed.), Natures Services: Societal Dependence on Natural Ecosystems (p. 1-10), Island Press.
Costanza, R., d’Arge, R., de Groot, R., Farber, S., Grosso, M., Hannon, B., Limburg, K., Naeem, S., O’Neill, R. V., Paruelo, J., Raskin, R. G., Sutton, P., & Van den Belt, M. (1997). The value of the world’s ecosystem services and natural capital. Nature, 387, 253-260.
Millennium Ecosystem Assessment – MEA. (2005). Ecosystems and Human Well-being: Biodiversity Synthesis. World Resources Institute.
Aspects critiques
Arnauld de Sartre, X., Oszwald, J., Castro, M., & Dufour, S. (dir.). (2014). Political ecology des services écosystémiques. P. I. E. Peter Lang.
Gómez-Baggethun, E., de Groot, R., Lomas, P. L., Montes, C. (2010). The history of ecosystem services in economic theory and practice: From early notions to markets and payment schemes. Ecological Economics, 69(6), 1209-1218.
Méral, P. (2012). Le concept de service écosystémique en économie : origine et tendances récentes. Natures Sciences Sociétés, 20(1) 3-15.
Évaluation française
EFESE. (2018). Les écosystèmes urbains français. Commissariat général au développement durable.
EFESE. (2020). Rapport de première phase de l’évaluation française des écosystèmes et des services écosystémiques. Du constat à l’action. La documentation Française.
Tardieu, L., Viguié, V., Hamel, P., Lemonsu, A., De Munck, C., Kervinio, Y., Coste, L., Claron, C., Faure, E., Geoffroy, E., Liotta, C., Mikou, M., Ta, M-T., & Levrel, H. (2020). Prise en compte des services écosystémiques dans les décisions d’aménagement urbain. Méthodologie et retour d’expérience du projet IDEFESE mené en Île-de-France. Efese. La documentation Française.
Ce rapport fournit une méthode pour intégrer les SE dans les politiques d’aménagement urbain, avec une application à la région Île-de-France (IdF). Il met l’accent sur l’intégration des valeurs patrimoniales associées aux écosystèmes dans les plans et schémas régionaux d’aménagement urbain (schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires, SRADDET ; schéma directeur de la région Île-de-France, SDRIF) ainsi que dans les documents d’aménagement plus locaux (schéma de cohérence territoriale, SCoT ; plan local d’urbanisme, PLU).
Les SE de fort intérêt dans les contextes urbains et périurbains franciliens sont la régulation du climat local, le service culturel de récréation en plein air et le service de régulation des crues. Le diagnostic montre que la région IdF a globalement diminué, dans la période 1982 à 2017, la capacité des écosystèmes à fournir les SE analysés. Cela est dû à l’artificialisation des sols et à certaines pratiques agricoles. Les enjeux d’équité et de justice sociale sont rarement pris en compte dans les politiques de renaturation et d’urbanisation des espaces naturels et semi-naturels.
Un indicateur de bien-être multidimensionnel a été développé dans le projet IDEFESE afin de localiser les zones où la renaturation permettrait une réduction des inégalités sur le territoire.
Enfin, les scénarios prospectifs d’aménagement dans la région révèlent la diversité des impacts potentiels sur les SE et la force éventuelle des politiques en faveur de leur préservation.
Synthèse
Roche, P., Geijzendorffer, I., Levrel, H., & Maris, V. (coord.). (2016). Valeurs de la biodiversité et services écosystémiques. Perspectives interdisciplinaires. Éditions Quae.
Méthodes d’évaluation
Les méthodes d’évaluation des biens environnementaux, dont font partie les SE, se divisent en deux classes : les méthodes des préférences révélées et les méthodes des préférences déclarées.
Les méthodes des préférences révélées reposent sur l’observation des choix, de sorte à déduire immédiatement la valeur accordée aux ressources. Par exemple, si l’on veut mesurer la valeur des espaces verts, la méthode des préférences révélées permet de calculer à quel point les ménages préfèrent des maisons ou des appartements à proximité d’un espace vert. Dans ce cas, on peut utiliser les prix ou les montants des transactions immobilières constatées. On décompose ainsi la valeur moyenne des actifs immobiliers proches des espaces verts pour isoler la contribution de ces derniers à la formation du prix des biens.
Les méthodes des préférences déclarées sont utilisées lorsque la valeur n’est pas perçue de manière directe. Par exemple, la valeur d’usage d’une espèce en voie de disparition n’est pas directement observable. Dans ce cas, on peut recourir à une enquête pour déduire la valeur une fois que l’on a obtenu le montant que les personnes interrogées seraient prêtes à payer pour la préservation des espèces.
La méthode des prix hédoniques, qui fait partie des méthodes des préférences révélées, ainsi que la méthode d’évaluation contingente – une des méthodes des préférences déclarées – sont celles qui sont le plus utilisées dans l’évaluation des actifs immobiliers.
Évaluation des prix hédoniques
Il existe deux types d’évaluation des prix hédoniques : une première qui dérive des prix des biens immobiliers et une seconde qui analyse les salaires des ménages. Dans les deux cas on effectue une analyse de régression multiple pour isoler et identifier la composante environnementale de la valeur sur le marché concerné.
Baranzini, A., Ramirez, J., Schaerer, C., & Thalmann, P. (eds.). (2008). Hedonic Methods in Housing Markets. Pricing Environmental Amenities and Segregation. Springer.
L’ouvrage présente un état des lieux et des avancées récentes des méthodes hédoniques illustrées par des applications empiriques sur le marché du logement (partie 1). Il traite en particulier de l’intégration de la qualité environnementale (partie 2) et de la ségrégation urbaines (partie 3) dans l’évaluation de l’occupation des sols. Jean Cavailhès, directeur de recherche à l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (INRAE), et six chercheurs du laboratoire Théoriser & Modéliser pour aménager (ThéMA) s’intéressent à la question de l’estimation du prix d’une vue sur la campagne par l’acheteur d’un logement.
Chakir, R., De Cara, S., & Vermont, B. (2011). Émissions de gaz à effet de serre dues à l’agriculture et aux usages des sols en France : une analyse spatiale. Économie et Statistique, 444-445, 201-221.
Chakir, R., & Le Gallo, J. (2013). Predicting land use allocation in France : A spatial panel data analysis. Ecological Economics, 92, 114-125.
Paniagua-Molina, J., Solórzano-Thompson, J., González-Blanco, C., & Barboza-Navarro, D. (2021). Hedonic price for amenities in rural and urban residential condominiums in Costa Rica. Real Estate Management and Valuation, 29(3), 52-64.
Powe, N. A., Garrod, G. D., & Willis, K. G. (1995). Valuation of urban amenities using an hedonic price model. Journal of Property Research, 12(2), 137-147.
Vermont, B. (2016). Prix des terrains à bâtir. Une analyse spatiale. Commissariat général au développement durable.
Évaluation contingente
Dans la version la plus simple de cette méthode, l’évaluateur demande aux personnes interrogées quelle est la valeur qu’elles accorderaient à un changement environnemental (perte d’une zone humide ou exposition importante à la pollution...) ou à la préservation de l’état actuel des ressources. Dans une autre version, on leur demande si elles seraient prêtes à payer X euros pour empêcher un changement ou pour protéger une espèce, par exemple. Les réponses révèlent la faiblesse du lien avec l’environnement (en cas de réponse négative) ou bien sa force (en cas de réponse positive). Il est à noter que l’on pose une question auxquelles les personnes interrogées sont à même de répondre de par leur proximité avec les biens environnementaux, et donc d’estimer la valeur d’une aménité du SE.
Bernath, K., & Roschewitz, A. (2008). Recreational benefits of urban forests: Explaining visitors’ willingness to pay in the context of the theory of planned behavior. Journal of environmental management, 89(3), 155-166.
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Évaluation des services écosystémiques et de la valeur des espaces urbains
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Cet article estime l’effet de la proximité et de la taille des espaces verts urbains sur les prix des logements dans la ville de San José (Costa Rica). Le modèle de prix hédonique est testé sur trois types des espaces vert : les zones naturelles non développées, les parcs métropolitains et les parcs de quartier ou squares. Les résultats montrent que les individus accordent une valeur substantielle à la restauration d’espaces verts non développés, à la proximité de grands espaces verts urbains et à l’utilisation d’espaces de loisirs.
Il est également constaté que les valeurs de ces espaces verts urbains ont une corrélation avec les valeurs déclarées par les propriétaires de maison uniquement, et non par les locataires de maison.
Ce document fait partie de la littérature car il montre la pertinence de mener des études spécifiques à un site et propose une approche méthodologique pour combler le manque d’informations disponibles dans les pays en développement. Ce travail contribue aux politiques de planification urbaine, en donnant un aperçu de l’effet des espaces verts urbains sur la valeur des biens d’équipement et du bien-être humain.
Le projet SEMEUR : services écosystémiques et infrastructures de transport
Le projet de recherche SEMEUR, dont le Groupe ESPI et le laboratoire ESPI2R sont partenaires, s’intéresse à la capacité des infrastructures de transport (réseaux routiers, ferroviaires, trams, souterrains et aériens [eau, électricité, gaz] et fluviaux) à répondre à la demande en services écosystémiques du milieu urbain. Il propose un cadre méthodologique et un site d’expérimentation au sud de la commune de Saint-Fons (Grand Lyon), territoire particulièrement enclavé par les infrastructures de transport et leurs emprises (ILTe). Le projet SEMEUR vise également à analyser la capacité de ces ITLe à contribuer à la végétalisation d’un tel espace urbain. Carmen Cantuarias-Villessuzanne (Groupe ESPI) et Basak Bayramoglu (INRAE) en sont les responsables scientifiques.
En savoir plus avec le carnet de recherche du projet : https://semeur.hypotheses.org
Déjà publié par le laboratoire ESPI2R
Pineau, R. (2021). Préférences des ménages dans un contexte de hausse des prix immobiliers. Cahiers ESPI2R, dossier Zoom recherche.
Radmila Pineau, enseignante-chercheuse au sein du Groupe ESPI, détaille la méthode des prix hédoniques. Elle l’utilise pour tenter de déceler les mutations des préférences des acquéreurs de biens immobiliers entre 2000 et 2008, période marquée par une hausse des prix. Depuis la crise sanitaire, il est souvent relayé le fait que le jardin ou le terrasse sont davantage convoités par les Français ; ainsi, « cette méthodologie permettrait de confirmer ou non le changement éventuel des préférences depuis la pandémie [en particulier] l’importance accordée à la présence d’un extérieur, voire au nombre de pièces pour faire du télétravail ».