La transmission hors du cadre familial

Résumés des interventions de la session 2

Fernanda Sabrinni-Chatelard

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Référence électronique

Sabrinni-Chatelard, F. (2025). La transmission hors du cadre familial. Actes des 5ᵉ et 6ᵉ journées d’étude. La transmission des biens immobiliers / La défiscalisation immobilière. Mis en ligne le 30 avril 2025, Cahiers ESPI2R, consulté le 01 mai 2025. URL : https://www.cahiers-espi2r.fr/1688

Cette 5e journée d’étude a été structurée autour de deux grandes thématiques  : la transmission au sein du cercle familial et la transmission hors du cercle familial.

L’après-midi a permis d’élargir la réflexion sur la transmission immobilière, hors du cercle familial, en abordant des perspectives comparatistes et des enjeux émergents. La discussion a débuté avec une analyse du transfert de propriété dans une dimension internationale, mettant en lumière les spécificités juridiques et les défis transnationaux qui influencent les stratégies de transmission immobilière. À cette réflexion s’est ajoutée une présentation des techniques utilisées pour la transmission hors du cadre familial, qui a souligné des solutions innovantes visant à optimiser la gestion patrimoniale dans des contextes divers, tout en assurant une transmission fluide et efficace.

La thématique de la performance énergétique a ensuite été abordée, avec un focus sur les nouvelles exigences environnementales qui façonnent désormais les transactions immobilières. L’intervention a permis de mettre en évidence l’impact croissant des normes écologiques sur la valorisation des biens, l’évolution du marché et les attentes des investisseurs. Enfin, la dernière communication s’est centrée sur les obstacles à la transmission, avec une attention particulière portée sur le plan local d’urbanisme bioclimatique de Paris. Les défis liés à la révision des normes urbaines et environnementales ont été soulignés, notamment en ce qui concerne leur influence sur les projets immobiliers et les stratégies des propriétaires et investisseurs dans un contexte de transition vers un urbanisme durable.

Le transfert de propriété dans une perspective comparatiste – le cas suisse

Maître Alessandro Brenci, avocat au barreau suisse, docteur en droit et négociateur chez ADN Group, a apporté un éclairage sur le transfert de propriété à l’international. En effet, le transfert de propriété, en tant qu’acte juridique, varie considérablement d’un pays à l’autre, et même à l’intérieur d’un même pays, en fonction des systèmes juridiques et des spécificités régionales.

Une procédure qui varie d’un canton à l’autre

Dans une perspective comparatiste, le cas suisse offre un exemple intéressant, notamment en raison de son fédéralisme juridique qui accorde une certaine autonomie aux cantons. En Suisse, le droit civil régissant le transfert de propriété est principalement codifié dans le Code civil suisse, mais chaque canton peut avoir ses propres règles ou pratiques spécifiques. Par exemple, le transfert de propriété d’un bien immobilier nécessite, dans toute la Suisse, un acte notarié pour garantir la sécurité juridique de la transaction. Cependant, les modalités de cette procédure peuvent légèrement varier d’un canton à l’autre, selon les traditions locales et les exigences administratives.

L’achat de biens immobiliers par des non-résidents

D’un canton à l’autre, les conditions liées à l’acquisition de biens immobiliers par des étrangers peuvent également diverger. En Suisse, certains cantons, comme Genève, appliquent des restrictions plus strictes concernant l’achat immobilier des non-résidents, notamment en raison de la pression sur le marché immobilier. D’autres cantons, comme ceux des régions rurales ou moins densément peuplées, ont tendance à être plus ouverts à l’acquisition de propriétés par des étrangers. Cette diversité crée une situation où le transfert de propriété d’un bien immobilier dépend non seulement des règles fédérales mais aussi des réglementations cantonales, offrant ainsi une flexibilité mais aussi une complexité qui nécessitent une vigilance accrue lors des transactions intercantonales.

Une structure décentralisée

En comparaison avec d’autres systèmes juridiques, comme celui de la France, où le transfert de propriété est principalement régi par le Code civil1, le système suisse offre une structure décentralisée, ce qui entraîne parfois une variété de pratiques dans la gestion des transactions.

Par exemple, alors que le principe de la « tradition » (remise physique du bien) reste une notion centrale en France, la Suisse se distingue par un processus formel et notarié pour les transferts immobiliers, ce qui renforce la sécurité des transactions. Cela pourrait être perçu comme une garantie de transparence et de prévoyance face aux risques associés aux conflits de propriété. Ainsi, bien que le cadre juridique suisse soit globalement harmonisé, la diversité cantonale reflète les particularités du fédéralisme suisse et son adaptation aux besoins locaux tout en conservant un cadre juridique national commun. L’analyse comparative du transfert de propriété entre différentes juridictions met en lumière des aspects fondamentaux de la sécurité juridique et de la liberté contractuelle, tout en révélant les différences législatives et les valeurs sociétales propres à chaque système2.

Un registre foncier « ouvert »

Dans cette perspective, le registre foncier suisse illustre bien la manière dont ces enjeux se concrétisent dans un système juridique transparent. En offrant un accès public aux informations juridiques sur les propriétés, la publicité foncière suisse renforce la sécurité juridique et facilite la fluidité des transactions immobilières, à travers des plateformes dédiées permettant la consultation en ligne des données relatives aux biens, servitudes et propriétaires3.

À l’inverse, en France, la publicité foncière repose sur un système centralisé géré par les conservateurs des hypothèques. Bien que sur le point de réformer son système avec l’ordonnance de 2024, le système français fait face à un retard en raison de la dissolution de l’Assemblée nationale, rendant caduque cette réforme pourtant attendue. Cette absence de réforme a maintenu des règles obsolètes, retardant l’amélioration de la transparence du marché immobilier français (Capitaine, 2025).

Les techniques au service de la transmission hors du cercle familial

Nadège Jullian, professeur de droit privé, a abordé les différentes techniques qui permettent la transmission du patrimoine en dehors du cadre familial, notamment à travers de récents dispositifs juridiques facilitant ces opérations. Son intervention a mis en lumière les avancées apportées par la loi du 14 février 20224, qui a profondément modifié le régime de l’entrepreneur individuel en instaurant un patrimoine professionnel distinct et en facilitant sa transmission (Jullian, 2022).

La création d’un patrimoine professionnel distinct

La principale innovation de cette réforme réside dans la transmission universelle du patrimoine professionnel (TUPP). Avant cette loi, les entrepreneurs individuels étaient confrontés à des difficultés pour transmettre leur activité en dehors du cadre familial. Les solutions classiques, comme la cession de fonds de commerce ou l’apport en société, impliquaient des démarches lourdes et coûteuses. La création d’un patrimoine professionnel distinct vise à simplifier cette transmission en permettant un transfert global des biens, droits et obligations de l’entreprise en un seul acte (Le Normand-Caillère, Mortier & Jullian, 2022).

Désormais, l’entrepreneur individuel dispose de plusieurs options : une transmission à titre onéreux (vente de l’ensemble du patrimoine professionnel à un repreneur) ; une transmission à titre gratuit (donation du patrimoine, par exemple à un tiers de confiance ou à un collaborateur) ou un apport en société (transformation de l’entreprise individuelle en société en y apportant son patrimoine professionnel).

Contrairement au régime de l’entreprise individuelle à responsabilité limitée (EIRL), qui nécessitait une démarche volontaire pour isoler le patrimoine professionnel, la TUPP s’applique automatiquement à tous les entrepreneurs individuels depuis le 15 mai 2022. Ce changement est d’autant plus significatif que le dispositif précédent, bien que pertinent en théorie, n’avait pas rencontré le succès escompté, notamment en raison de sa complexité et de son manque de reconnaissance par les banques (Jullian, 2022).

L’ambiguïté juridique autour de la nature exacte du transfert

Si la réforme représente une avancée, elle soulève plusieurs difficultés d’application. L’une des principales critiques concerne l’ambiguïté juridique autour de la nature exacte du transfert. L’article L. 526-27 du Code de commerce affirme que la transmission du patrimoine professionnel est universelle, mais le texte introduit en même temps des références aux règles de la vente, de la donation et de l’apport en société. Cette confusion laisse planer un doute : faut-il appliquer les règles de transmission universelle, qui supposent un transfert automatique de tous les éléments du patrimoine ? Ou bien faut-il respecter les formalités propres à chaque bien transmis (par exemple, pour un immeuble, nécessitant une publication foncière) ? Cette incertitude pourrait entraîner des complications pour les praticiens, notamment les notaires et les avocats, qui devront arbitrer entre différentes interprétations du texte (Le Normand-Caillère, Mortier & Jullian, 2022).

Les créanciers et leur protection

Un autre problème concerne la protection des créanciers. L’article L. 526-28 du Code de commerce prévoit un droit d’opposition des créanciers qui s’exerce après la transmission. Cependant, cette disposition pose plusieurs difficultés pratiques. En effet, dans le cas d’une cession d’entreprise, les créanciers devraient logiquement être informés en amont pour éviter d’éventuelles contestations ultérieures. De plus, le texte actuel ne distingue pas clairement les créanciers du patrimoine professionnel de ceux du patrimoine personnel, ce qui risque d’ouvrir la voie à des litiges.

Un traitement fiscal encore flou

L’un des enjeux majeurs de la transmission hors du cadre familial est son traitement fiscal, qui demeure encore flou dans le cadre de la TUPP. Contrairement aux transmissions d’entreprises via des donations ou des pactes Dutreil (permettant des exonérations de droits de mutation sous certaines conditions), aucun régime fiscal spécifique n’a été prévu pour les transferts universels du patrimoine professionnel.

Plusieurs questions restent donc en suspens : la transmission sera-t-elle soumise aux droits d’enregistrement comme une cession de fonds de commerce (article 719 du Code général des impôts, CGI) ou comme un apport de titres sociaux (article 726 du CGI) ? Quid des plus-values latentes en cas de transmission à titre gratuit ? L’administration fiscale n’a pas encore clarifié si la TUPP entraînera un report ou une exonération de plus-values en cas de donation. Le transfert d’universalité pourra-t-il bénéficier de l’exonération de TVA prévue par l’article 257 bis du CGI, applicable en cas de transmission d’une entreprise en tant qu’ensemble économique autonome ?

Ces incertitudes fiscales freinent aujourd’hui l’adhésion des professionnels à ce dispositif, car l’absence de garanties fiscales peut rendre certaines opérations moins avantageuses que les solutions classiques (exemple : pacte Dutreil pour les transmissions familiales, apport-cession pour les transmissions à une holding).

Quelles solutions face à ces difficultés d’application ?

Face à ces défis, plusieurs pistes d’amélioration ont été évoquées :

  • clarifier la portée juridique du transfert universel : réécrire l’article L. 526-27 du Code de commerce pour bien distinguer les transmissions universelles des autres formes de cession et éviter les chevauchements avec les règles applicables aux cessions d’entreprises individuelles ;

  • sécuriser la protection des créanciers : exiger une publicité préalable de la transmission pour éviter les oppositions tardives ; limiter le droit d’opposition aux seuls créanciers du patrimoine professionnel et non à l’ensemble des créanciers de l’entrepreneur ;

  • instaurer un régime fiscal adapté : permettre une neutralité fiscale en cas d’apport en société, sur le modèle des opérations d’apport partiel d’actif ; clarifier l’application des droits d’enregistrement et des plus-values pour éviter des requalifications coûteuses ; intégrer la transmission universelle dans le périmètre du pacte Dutreil afin de favoriser la transmission aux salariés ou à des tiers de confiance.

La transmission hors du cadre familial bénéficie désormais d’un cadre juridique modernisé mais encore imparfait. Si la TUPP représente une avancée en permettant un transfert global et simplifié des patrimoines professionnels, elle demeure fragile, en raison d’un manque de clarté sur les règles applicables et d’incertitudes fiscales importantes. En l’absence de corrections législatives, les praticiens pourraient continuer à privilégier des solutions plus sécurisées, comme l’apport en société via une holding ou la transmission par donation sous pacte Dutreil. Nadège Jullian a ainsi souligné la nécessité d’adapter rapidement ces règles pour garantir une transmission efficace du patrimoine hors du cercle familial et éviter un retour aux pratiques antérieures.

Les enjeux de la performance énergétique dans les transactions immobilières

Maître Tamara Anstett a montré l’importance croissante des normes environnementales, notamment à travers le diagnostic de performance énergétique (DPE), qui renseigne sur la consommation énergétique d’un bien immobilier et les émissions de gaz à effet de serre induites.

Le DPE, un diagnostic désormais obligatoire

Le DPE, issu d’une directive du 16 décembre 2002, est devenu obligatoire par la loi de programme fixant les orientations de la politique énergétique (POPE)5 de 2005 pour toute vente conclue depuis le 1er octobre 2006 et pour certaines locations conclues à compter du 1er juillet 2007. Il présente une visée uniquement informative jusqu’à l’adoption de la loi portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique (ELAN)6 en 2018 qui a rendu les informations7 (et non les recommandations) qu’il contient opposables8. La loi relative à l’énergie et au climat9 en 2019, puis la loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets (dite Climat et résilience)10 en 2021 ont ensuite introduit une obligation pour tous les logements d’atteindre un niveau de performance énergétique compris entre la classe A et la classe E au 1er janvier 2028. Elle ont par ailleurs érigé l’étiquette du DPE en critère de décence du logement loué dans le cadre d’un bail d’habitation (outre d’autres apports tels que le « gel des loyers » et les mesures propres aux biens en copropriété).

Performance énergétique et décence du logement : les impacts sur le marché immobilier

Les deux lois précitées, Énergie climat et Climat et résilience, ont prévu – pour les logements les plus énergivores – d’ériger la non-performance énergétique en indécence du logement, ce qui a pour conséquence d’entraîner :

  • des dissuasions importantes de mise en location des « passoires thermiques » (à compter du 1er janvier 2023 pour les logements dont la consommation d’énergie finale est supérieure à 450 kWh/m²/an ; à compter du 1er janvier 2025 pour les logements classés G ; à compter du 1er janvier 2028 pour les logements classés F et à compter du 1er janvier 2034 pour les logements classés E) ;

  • des interdictions d’augmentation, d’indexation du loyer et de formulation d’un complément de loyer dans les zones tendues dès 2022 pour les logements classés F ou G ;

  • un renforcement de l’information du locataire.

Outre les conséquences juridiques (mise en conformité du bien, réduction ou suspension du loyer, etc.), ces mesures ont impacté directement le marché immobilier en renforçant la notion de « valeur verte » par la hausse des prix de vente des biens immobiliers performants énergétiquement11 et via le développement de la notion de « dévaluation verte » par la baisse des prix de vente des biens immobiliers les moins performants énergétiquement12.

Ainsi, le DPE joue désormais un rôle crucial dans les transactions immobilières car il influe non seulement sur la valeur d’un bien, mais aussi sur son attractivité sur le marché. Les investisseurs et les propriétaires doivent désormais prendre en compte les nouvelles exigences environnementales sous peine de voir la valeur de leur bien diminuer. Le DPE, en lien avec la loi Climat et résilience, transforme le marché immobilier en un terrain de jeu où la performance énergétique devient un critère clé de sélection et de valorisation des biens ainsi qu’un critère de financement pour certains établissements bancaires.

Une jurisprudence non consolidée

Malgré un contentieux émergeant sur les questions liées à la performance énergétique dans les transactions immobilières, il convient de souligner l’absence de jurisprudence consolidée à ce sujet. En effet, bien que les litiges sur la validité et l’exactitude du DPE soient en hausse, il faudra probablement encore un certain temps avant que la Cour de cassation ne fournisse des réponses claires et précises sur ces questions. Ce vide jurisprudentiel laisse les praticiens et les acteurs du marché dans une certaine incertitude, notamment concernant la manière dont les tribunaux apprécieront les erreurs ou les omissions éventuelles dans les diagnostics (garantie des vices cachés, clauses d’exclusion de garantie des vices cachés avec un vendeur non professionnel, etc.).

La question de la responsabilité des diagnostiqueurs

Une autre question qui se pose, et qui pourrait rapidement devenir centrale, a trait à la responsabilité des diagnostiqueurs. En effet, ces professionnels sont les garants de la qualité et de la précision des informations figurant dans les DPE (lesquelles présentent désormais un caractère opposable), et leur responsabilité peut être engagée en cas d’erreur ou de mauvaise évaluation. Cependant, la portée de cette responsabilité reste en débat. Jusqu’à présent, la jurisprudence n’a pas encore tranché de manière définitive sur les conséquences pour un diagnostiqueur si une erreur dans le DPE conduit à une dépréciation du bien ou à une mauvaise évaluation de la performance énergétique par l’acheteur ou le locataire. L’absence de réponse précise de la part des juridictions sur cette question laisse les diagnostiqueurs dans une situation où les risques de contentieux sont réels, mais les règles de responsabilité ne sont pas encore pleinement clarifiées13.

Ainsi, tant que la jurisprudence ne viendra pas éclairer ces points, les acteurs du marché immobilier devront continuer à naviguer dans un environnement juridique incertain, où les implications des erreurs dans les DPE ainsi que la responsabilité des diagnostiqueurs restent des questions ouvertes.

Les obstacles à la transmission et la mise en œuvre du PLU bioclimatique à Paris

Jean-François Bidault, juriste d’entreprise, a exploré les impacts des nouvelles législations, notamment l’avant-projet du plan local d’urbanisme (PLU) bioclimatique de Paris, sur la transmission immobilière et les projets de construction. Son intervention a permis d’apporter un point de vue très opérationnel sur les implications concrètes de cette réforme pour les propriétaires et les investisseurs.

La transmission des actifs immobiliers se complexifie avec la multiplication des normes, telles que l’évolution des diagnostics immobiliers et la réforme du DPE introduite par la loi Climat et résilience. Dans ce contexte, la révision du PLU de Paris, lancée en décembre 2020, vise à créer un cadre urbanistique bioclimatique intégrant sobriété énergétique, justice sociale et préservation du patrimoine. L’avant-projet des orientations d’aménagement et de programmation (OAP) offre un aperçu des mesures envisagées.

Hausse des surfaces perméables et végétalisées et dévalorisation des biens

Cette révision s’articule autour de trois axes principaux. Le premier vise à faire de Paris une ville plus résiliente face au changement climatique, en augmentant les surfaces perméables et végétalisées, avec un objectif d’amélioration de l’indice de canopée de +2 % et l’instauration d’une exigence de 10 m² de verdure par habitant (contre 8,6 m² actuellement). Pour répondre à ces ambitions, la Municipalité a introduit des « pastilles » de prescriptions localisées, couvrant divers aspects tels que le patrimoine, les espaces verts, les logements, les équipements publics et les commerces, afin d’adapter la programmation selon les besoins spécifiques de chaque zone. De plus, les zones D, initialement destinées aux espaces verts protégés, deviennent des « emplacements réservés » pour des usages variés, incluant les équipements, le logement et les aménagements de voirie. Le droit de délaissement permet désormais aux propriétaires de contraindre la collectivité à acquérir leur bien si celui-ci est inclus dans ces zones.

L’impact économique de ces nouvelles contraintes est significatif ; elles peuvent entraîner une dévalorisation des biens de 50 à 70 % en raison des obligations de conversion d’usage, des coûts de travaux ou de l’obligation de créer des logements sociaux pour tout immeuble de plus de 500 m² de surface habitable.

Les restrictions sur l’exploitation des biens immobiliers

Par ailleurs, le règlement d’usage du PLU impose des restrictions strictes sur l’exploitation des biens immobiliers, notamment avec l’interdiction de sous-destination pour un usage de meublé touristique dans certains secteurs et sur des terrains classés en zone urbaine générale (UG). Toutefois, cette contrainte ne concerne que les meublés de tourisme hors résidence principale, définis comme des logements occupés au moins huit mois par an, conformément à la réglementation limitant la location saisonnière à 120 jours par an.

Les sanctions pour les transformations non autorisées sont sévères et incluent des amendes civiles pouvant atteindre 50 000 € par local, des astreintes financières, et des obligations de retour à l’usage initial. Les contrevenants s’exposent également à des sanctions pénales, allant jusqu’à un an d’emprisonnement et une amende de 80 000 €.

Le renforcement de la protection patrimoniale

L’avant-projet du PLU bioclimatique reflète une ambition forte : concilier urbanisme durable, enjeux sociaux et protection patrimoniale. Toutefois, la superposition des réglementations et la complexité des dispositifs soulèvent des défis majeurs pour la transmission et la valorisation des biens immobiliers.

Jean-François Bidault a souligné l’importance de réunir théorie et pratique dans l’analyse des enjeux de transmission immobilière. Le droit ne peut être pleinement appréhendé qu’à travers un dialogue constant entre ses différentes branches – immobilier, famille et urbanisme – bien que leur articulation demeure un défi complexe à relever.

Novembre 2024 : adoption du PLU bioclimatique

Dans le contexte des actualités récentes, il convient de souligner que le 20 novembre 2024 le Conseil de Paris a validé l’adoption du PLU bioclimatique finalisé14, ce qui marque une étape importante dans l’urbanisme parisien. Ce nouveau plan va au-delà des premières ambitions en renforçant la végétalisation de la ville et en introduisant des objectifs de performance énergétique. L’extension de l’exigence des 10 m² de verdure par habitant vise à rendre la ville plus verte et plus résiliente face aux vagues de chaleur, un enjeu clé pour la capitale, surtout à l’heure où les températures extrêmes deviennent plus fréquentes.

Le PLU bioclimatique a également un impact direct sur les projets immobiliers, avec un accent mis sur la surélévation des bâtiments pour répondre à la demande croissante de logements dans un environnement urbain dense. Cette mesure vise à augmenter le nombre de logements disponibles tout en limitant l’étalement urbain, une solution particulièrement pertinente dans le contexte de la crise du logement. Les investisseurs et les promoteurs devront désormais considérer ces nouvelles règles dans leurs stratégies de développement, en tenant compte des coûts d’adaptation des bâtiments existants aux normes environnementales et en évaluant l’impact sur la rentabilité des projets.

En matière de logement, le PLU fixe un objectif ambitieux de 40 % de logements publics d’ici 2035, dont 30 % de logements sociaux et 10 % de logements intermédiaires. Cet objectif met en évidence l’engagement de la Ville à lutter contre la crise du logement et à rendre l’habitat plus accessible à toutes les catégories de population. Toutefois, pour les propriétaires privés, ces évolutions réglementaires imposent de repenser la gestion de leurs biens immobiliers, car ces normes peuvent avoir des conséquences sur la valorisation des actifs et la rentabilité des investissements. Par exemple, les propriétaires d’immeubles de plus de 500 m² devront désormais répondre à des exigences strictes en matière de création de logements sociaux, ce qui pourrait entraîner des coûts supplémentaires ou des remises en cause de projets.

Retour en images : extrait vidéo des interventions

Journée d'étude n° 5 du laboratoire ESPI2R - la transmission hors du cadre familial : extrait vidéo (après-midi)

Crédits: © Franck Lam

Permalien: https://youtu.be/zLuy-WMjFic?feature=shared

1 Article 1196 et suivants.

2 Pour aller plus loin sur le droit comparé : David, R., Jauffret-Spinosi, C., & Goré, M. (2016). Les grands systèmes de droit contemporains (12e édi

3 Pour plus d’informations voir : https://www.cadastre.ch/fr/registre-foncier-suisse

4 Loi n° 2022-172 du 14 février 2022 en faveur de l’activité professionnelle indépendante (1).

5 Loi n° 2005-781 du 13 juillet 2005 de programme fixant les orientations de la politique énergétique.

6 Loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique.

7 En modifiant la rédaction de l’article L. 271-4 du Code de la construction et de l’habitation qui prévoit, dans sa dernière version, que « l’

8 Dès lors que le DPE a été réalisé après le 1er juillet 2021.

9 Loi n° 2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à l’énergie et au climat.

10 Loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets.

11 Dans une note sur la valeur verte des logements publiée en novembre 2022, le Conseil supérieur du notariat établissait le constat suivant : pour l’

12 Dans la même note précitée, le Conseil supérieur du notariat établissait un constat inverse en observant, pour l’année 2021, une baisse du prix de

13 Cour de cassation, chambre mixte, 8 juillet 2015, n° 13-26.686, publié au bulletin, à propos d’un diagnostic erroné en matière de présence de

14 Ville de Paris. (2024, 20 novembre). Plan local d’urbanisme bioclimatique : vers un Paris plus vert et plus solidaire. Paris.fr

Capitaine, J. (2025). Publicité foncière : l’avortement d’une réforme ô combien attendue, La faute de la dissolution de l’Assemblée nationale ! Cahiers ESPI2R, dossier Zoom recherche.

Conseil supérieur du notariat. (2022). La valeur verte des logements en 2021. Études statistiques immobilières.

Jullian, N. (2022). La transmission du patrimoine de l’entrepreneur, de nouvelles opérations au service des entrepreneurs individuels. La Semaine juridique Entreprise et affaires, 13, , étude 1137.

Le Normand-Caillère, S., Mortier, R., & Jullian, N. (2022). Le transfert du patrimoine de l’EIPP. La Semaine juridique notariale et immobilière, 43, étude 1246.

1 Article 1196 et suivants.

2 Pour aller plus loin sur le droit comparé : David, R., Jauffret-Spinosi, C., & Goré, M. (2016). Les grands systèmes de droit contemporains (12e édition). Dalloz.

3 Pour plus d’informations voir : https://www.cadastre.ch/fr/registre-foncier-suisse

4 Loi n° 2022-172 du 14 février 2022 en faveur de l’activité professionnelle indépendante (1).

5 Loi n° 2005-781 du 13 juillet 2005 de programme fixant les orientations de la politique énergétique.

6 Loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique.

7 En modifiant la rédaction de l’article L. 271-4 du Code de la construction et de l’habitation qui prévoit, dans sa dernière version, que « l’acquéreur ne peut se prévaloir à l’encontre du propriétaire des recommandations accompagnant le diagnostic de performance énergétique ..., qui n’ont qu’une valeur indicative ».

8 Dès lors que le DPE a été réalisé après le 1er juillet 2021.

9 Loi n° 2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à l’énergie et au climat.

10 Loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets.

11 Dans une note sur la valeur verte des logements publiée en novembre 2022, le Conseil supérieur du notariat établissait le constat suivant : pour l’année 2021, une hausse du prix de vente jusqu’à 16 % (en fonction du type d’actif et de la région) par rapport à ceux observés en 2020 sur les transactions de biens immobiliers dont les classes énergétiques étaient comprises entre A et B (Conseil supérieur du notariat, 2022).

12 Dans la même note précitée, le Conseil supérieur du notariat établissait un constat inverse en observant, pour l’année 2021, une baisse du prix de vente jusqu’à 19 % (en fonction du type d’actif et de la région) par rapport à ceux observés en 2020 sur les transactions de biens immobiliers dont les classes énergétiques étaient comprises entre F et G (Conseil supérieur du notariat, 2022).

13 Cour de cassation, chambre mixte, 8 juillet 2015, n° 13-26.686, publié au bulletin, à propos d’un diagnostic erroné en matière de présence de termites (réparation intégrale du préjudice subi par l’acquéreur) vs Cour de cassation, chambre civile 3, 21 novembre 2019, n° 18-23.251, publié au bulletin, à propos d’un DPE présentant un caractère seulement informatif (perte de chance d’obtenir une réduction du prix de vente ou de renoncer à la vente). Commentaires : Dalloz Actu Étudiant, 11 déc. 2019, note M. Hervieu ; Revue Dalloz, 2019, 2386 ; Dalloz, 2384, avis P. Brun ; Dalloz, 2387, note P. Jourdain ; Dalloz, 2020, 1012, obs. V. Monteillet et G. Leray ; Actualité juridique droit immobilier, 2020, 532, obs. G. Maire ; Actualité Jurisprudentielle contrat, 2020, 41, obs. C.-E. Bucher ; Revue trimestrielle de droit civil, 2020, 85, obs. H. Barbier.

14 Ville de Paris. (2024, 20 novembre). Plan local d’urbanisme bioclimatique : vers un Paris plus vert et plus solidaire. Paris.fr

Fernanda Sabrinni-Chatelard

Responsable du département Droit, laboratoire ESPI2R

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