Le droit à l’erreur du contribuable

Jennyfer Pilotin

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Référence électronique

Pilotin, J. (2023). Le droit à l’erreur du contribuable. Repère biblio. Mis en ligne le 01 décembre 2023, Cahiers ESPI2R, consulté le 27 avril 2024. URL : https://www.cahiers-espi2r.fr/1243

Créé par la loi n° 2018-727 du 10 août 2018 pour un État au service d’une société de confiance (dite loi ESSOC), le droit à l’erreur fait partie des droits fondamentaux du contribuable. Il a été codifié à l’article L. 123-1 du Code des relations entre le public et l’administration (CRPA) et revêt une portée générale. Cet article dispose ainsi que : « Une personne ayant méconnu pour la première fois une règle applicable à sa situation ou ayant commis une erreur matérielle lors du renseignement de sa situation ne peut faire l’objet, de la part de l’administration, d’une sanction, pécuniaire ou consistant en la privation de tout ou partie d’une prestation due, si elle a régularisé sa situation de sa propre initiative ou après avoir été invitée à le faire par l’administration dans le délai que celle-ci lui a indiqué. »

Toutefois, si l’auteur de l’erreur est en situation de fraude ou s’il s’avère de mauvaise foi, une sanction peut être prononcée à son encontre sans qu’il soit invité à se mettre en conformité.

En matière fiscale, la reconnaissance du droit à l’erreur sonne le glas d’une relation entre l’administration et le contribuable longtemps basée sur la méfiance et le contrôle systématique des déclarations de ce dernier. Désormais, la confiance promeut le droit à l’erreur du contribuable et se concrétise par l’instauration de procédures spécifiques lui permettant de régulariser sa situation sans encourir de pénalités, de majorations ou amendes aux droits supplémentaires résultant de ses déclarations rectificatives.

Pour cela, il doit corriger les inexactitudes ou omissions commises de bonne foi dans ses déclarations servant à l’assiette et au calcul de ses impôts.

Les essentiels

Bachelier, G. (2023). Relations entre l’administration fiscale et les contribuables. – Droit à l’erreur du contribuable. JurisClasseur Procédures fiscales, fasc. 216.

Code des relations entre le public et l’administration (8édition). (2024). Dalloz.

Le Code des relations entre le public et l’administration (CRPA) regroupe l’ensemble des règles applicables dans les rapports entre les administrations et les administrés, personnes physiques et personnes morales. Entré en vigueur le 1er janvier 2016, le Code rappelle les droits des administrés tels que le droit d’accès aux documents administratifs et le droit d’information des usagers, le droit de former un recours, le droit d’être entendu et le droit à l’erreur.

Chifflot, N. (2018). Relations entre le public et l’Administration - Droit à l’erreur. Procédures 10, comm. 318, 47.

Délivré, C. (2015). L’erreur, la fraude et la bonne foi en droit fiscal. Dans A. Vidal-Baquet (dir.), L’erreur en droit public (p. 55-68). Presses universitaires de Provence.

Grosclaude, J., Marchessou, P., & Trescher, B. (2022). Procédures fiscales (11édition). Dalloz.

Janicot, L. (2018). Administration / Citoyens - Le droit à l’erreur. La Semaine Juridique Administrations et Collectivités territoriales, 42, étude 2284.

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Les conditions pour bénéficier du droit à l’erreur

La bonne foi du contribuable

Aux termes de l’article L. 123-2 du CRPA « est de mauvaise foi, au sens du présent titre, toute personne ayant délibérément méconnu une règle applicable à sa situation ».

Par conséquent, le droit à l’erreur ne s’applique pas aux fraudeurs et aux récidivistes. Il ne s’applique pas non plus aux erreurs portant atteinte à la santé publique, à l’environnement, à la sécurité des personnes et des biens, ainsi qu’aux erreurs violant les engagements européens et internationaux.

Carpano, E. (2005). Le droit administratif français est-il perméable à la bonne foi ? Droit administratif, 1, étude 2, 10-17.

Jarrosson, C. (2006). La bonne foi, instrument de moralisation des relations économiques internationales. Dans L’éthique dans les relations économiques internationales. En hommage à Philippe Fouchard (p. 185). Pedone.

Ladoux, L. (2020). Le droit à l’erreur du contribuable : vers un lien de confiance réciproque avec l’administration fiscale. Les Nouvelles Fiscales, 1277.

Le Tourneau, P., & Poumarède, M. (2017). Bonne foi. Dans Répertoire de droit civil. Dalloz.

Lombard, M. (1978). Recherches sur le rôle de la bonne et la mauvaise foi en droit administratif français. [Thèse de doctorat, université Robert-Schuman].

Lyon-Cane, V. G. (1946). De l’évolution de la notion de bonne foi. Revue trimestrielle de droit civil, 9, 75-112.

Treppoz, E. (2016). Bonne foi et méthode conflictuelle. Revue de droit d’Assas, 12, 97-103.

Ury, D. (2016). La bonne foi en droit fiscal est une notion opérationnelle. Revue française de finances publiques, 134, 177.

Vier, C.-L. (2013). La bonne foi dans le contrat administratif. Dans Mélanges en l’honneur du professeur Laurent Richer. À propos des contrats des personnes publiques. LGDJ.

La nature de l’erreur

Doivent être prises en compte dans le champ d’application du droit à l’erreur les erreurs commises lors de l’établissement des déclarations fiscales ou les erreurs matérielles sur la situation personnelle du contribuable. Si l’erreur de l’administré ne relève pas de son propre fait mais a été provoquée par l’administration, elle est en principe excusée.

Chevallier, J. (2020). Confiance et droit à l’erreur. Action publique. Recherche et pratiques, 6, 1-4.

DAE – Exercice du droit à l’erreur en matière fiscale. (2019). Bulletin officiel des Finances publiques – Impôts, BOI-DAE-10.

Grabias, F. (2016). La tolérance administrative. Dalloz.

Turot, J. (2020). Droit à l’erreur - Méditation sur un pot de fleurs fiscal. Droit fiscal, 36, act. 266.

L’aperçu rapide de Jérôme Turot sur un point d’actualité du droit fiscal nous éclairait sur les types d’erreurs admises par l’administration fiscale. Sur l’ancien site www.oups.gouv.fr (qui désormais renvoie sur la page « Oups, j’ai fait une erreur en effectuant une démarche administrative. Que faire ? » de Services Publics +), il était recensé les erreurs auxquelles s’appliquait le droit à l’erreur.
Très classiquement sont donc « tolérés » l’oubli de déclarer un compte ou un contrat souscrit à l’étranger quand il s’agit souvent d’un compte inutilisé ou d’un contrat d’assurance-vie inactif ; l’oubli de déclarer des dividendes sur lesquels s’applique la flat tax à l’étranger (souvent les contribuables omettent de les déclarer en France) ; la non-déclaration de l’expiration d’un sursis d’imposition ; l’omission de déclarer un revenu accessoire, un actif immobilier détenu indirectement par une société dont on est actionnaire dormant...

Les modalités permettant le bénéfice du droit à l’erreur

La régularisation de la situation du contribuable

Pour bénéficier du droit à l’erreur, le contribuable doit procéder à une régularisation de sa situation. Cette régularisation peut être faite soit spontanément par le contribuable, soit au cours ou à la suite d’un contrôle de l’administration fiscale.

Dal Vecchio, F. (2023). Procédures d’imposition d’office. JurisClasseur Procédures fiscales, fasc. 355.

Gremau, W. (2021). La régularisation en droit administratif. Dalloz.

Philip, P. (2014). Procédures fiscales et garanties des contribuables (2e édition). Economica.

Ricou, B. (2022). Section 2 Procédures de rectification particulières. Dans Droit des procédures fiscales (p. 244-262). Ellipses.

Le manuel Droit des procédures fiscales de Benjamin Ricou détaille la mise en œuvre de la procédure de régularisation spontanée du contribuable. Évoquant la consécration du droit à l’erreur par la loi ESSOC de 2018, l’auteur nous explique que ce droit peut trouver à s’appliquer lors d’une procédure de régularisation spontanée : le mécanisme est en effet réservé à la correction d’erreurs commises de façon non intentionnelle. En outre, le paiement de l’impôt ou des droits doit être concomitant du dépôt de la déclaration rectificative pour les impôts devant être acquittés de manière spontanée (ou au plus tard s’effectuer à la date limite de paiement renseignée sur l’avis d’imposition). Le droit à l’erreur peut également être exercé au cours d’un contrôle fiscal sous conditions.

L’aménagement des sanctions fiscales après l’application du droit à l’erreur

Si les conditions sont réunies, l’application du droit à l’erreur permet de diminuer voire d’éliminer les sanctions fiscales.

Le contribuable de bonne foi se voit exempter des sanctions fiscales suivantes :

En revanche, il se voit appliquer des intérêts de retard, cependant diminués de 50 % conformément à l’article 1727 du CGI, en cas de dépôt spontané par le contribuable, avant l’expiration du délai prévu pour l’exercice par l’administration de son droit de reprise, d’une déclaration rectificative.

Pour cela, deux conditions cumulatives sont requises :

  • la régularisation ne concerne pas une infraction exclusive de bonne foi ;

  • la déclaration doit être accompagnée du paiement des droits simples ou, s’agissant des impositions recouvrées par voie de rôle1, du paiement effectué au plus tard à la date limite de paiement portée sur l’avis d’imposition.

Il est à noter que si l’erreur est détectée lors d’un contrôle fiscal, l’intérêt de retard est diminué de 30 % (article L. 62 du Livre des procédures fiscales).

Ayrault, L. (2020). Sanction fiscale. JurisClasseur Procédures fiscales, fasc. 398.

DAE - Dispositions fiscales intégrant le droit à l’erreur. (2019). Bulletin officiel des Finances publiques - Impôts, BOI-DAE-20.

Meiffret-Delsanto, K. (2022). Le droit à l’erreur : Bilan et perspectives. Bulletin Joly Travail, 12, 45.

Pando, A. (2022, 29 juin). Impôts : quel est votre droit à l’erreur ? Actu-Juridique.

1 Le rôle est un titre exécutoire en vertu duquel l’administration fiscale est en droit de réclamer le recouvrement des impôts directs.

1 Le rôle est un titre exécutoire en vertu duquel l’administration fiscale est en droit de réclamer le recouvrement des impôts directs.

Jennyfer Pilotin

Enseignante-chercheuse, département Droit, laboratoire ESPI2R

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