Aspects juridiques du prix des contrats dans le secteur immobilier

Marcos Povoa

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Povoa, M. (2023). Aspects juridiques du prix des contrats dans le secteur immobilier. Repère biblio. Mis en ligne le 07 avril 2023, Cahiers ESPI2R, consulté le 27 avril 2024. URL : https://www.cahiers-espi2r.fr/1139

Il n’y a pas de vente sans prix. L’article 1583 du Code civil dispose que la vente est parfaite dès lors que les parties se sont mises d’accord sur l’objet du contrat et sur le prix, ce qui fait de ce dernier une condition sine qua non de la vente immobilière.

Néanmoins, en dehors de la vente, de nombreux contrats courants dans le secteur immobilier ont à respecter d’autres règles, plus souples, concernant le prix du contrat. Il en va ainsi, par exemple, des contrats de gestion immobilière ou de property management qui, en prenant la forme d’un contrat de prestation de services ou d’un contrat-cadre, peuvent autoriser à ce qu’une seule des parties fixe le prix de manière unilatérale, dans les termes des articles 1164 et 1165 du Code civil.

Indépendamment du type de contrat, la doctrine juridique analyse le prix selon une perspective qui, plus traditionnellement, met en évidence les modalités de sa détermination, son caractère sérieux et sa réalité. Plus récemment, elle met l’accent, selon une certaine idée de justice du prix, sur les effets que l’absence de prix provoque sur la requalification de l’opération de vente. Le présent Repère biblio suivra cette division, après une brève présentation des articles du Code civil applicables au prix et des références essentielles qui ont trait à la question du prix dans les contrats de l’immobilier.

Articles du Code civil applicables au prix

Articles 552, 931, 1111, 1128, 1163, 1164, 1165, 1166, 1168, 1169, 1201, 1304-2, 1582, 1583, 1591, 1592, 1658 à 1685, 1702, 1706, 1978, 2235 et suivants.

Les essentiels : le prix dans les contrats du secteur immobilier

Les manuels et ouvrages traditionnels sur le droit immobilier et sur les contrats spéciaux couvrent les principales questions juridiques liées au prix, notamment dans la vente immobilière.

Bénabent, A. (2021). Droit des contrats spéciaux civils et commerciaux (14e édition). LGDJ.

Collart Dutilleul, F., Blond-Laurent, C., Ghemame-Pinoche, M., Laurent, P., & Hérail, M. (2019). Droit de la vente immobilière (7édition). Dalloz.

Collart Dutilleul, F., & Delebecque, P. (2019). Contrats civils et commerciaux (11édition). Dalloz.

Malaurie, P., Aynès, L. et Gautier, P.-Y. (2022). Droit des contrats spéciaux (12édition). LGDJ.

Malinvaud, P., Jestaz, P., Jourdain, P., & Tournafond, O. (2014). Droit de la promotion immobilière (9édition). Dalloz.

La détermination du prix

Les différentes modalités de détermination du prix ont été abondamment traitées par la doctrine juridique à partir des années 1990 à travers le contentieux sur la détermination unilatérale du prix. Ce contentieux a abouti à des règles spécifiques concernant les contrats-cadre et de prestation de services (articles 1164 et 1165 du Code civil).

Aubert de Vincelles, C. (2006). Pour une généralisation, encadrée, de l’abus dans la fixation du prix. Recueil Dalloz, 38, chronique, 2629-2637.

Bernard, A. (1995). Estimer l’inestimable. Revue trimestrielle de droit civil, 2, 271.

Brunet, A., & Ghozi, A. (1998). La jurisprudence de l’Assemblée plénière sur le prix du point de vue de la théorie du contrat. Recueil Dalloz, 1, chronique, 1-19.

Fulli-Lemaire, S. (2009). La détermination unilatérale du prix. [Mémoire de master 2, université Paris-Panthéon-Assas].

Gautier, P.-Y. (2016). La réduction proportionnelle du prix. Exercices critiques de vocabulaire et de cohérence. La semaine juridique - édition générale, 37, act. 947, 1621-1623.

Ghestin, J. (1993). Réflexions sur le domaine et le fondement de la nullité pour indétermination du prix. Recueil Dalloz, chronique, 251.

Grynbaum, L. (2008). Doctrine américaine contemporaine : le droit des contrats partagé entre l’empire de l’économie et l’aspiration à la justice sociale. Revue des contrats, 4, 1383.

Huet, J. (1997). Critique de la jurisprudence de l’Assemblée plénière sur l’indétermination du prix. Dans Droit et vie des affaires. Études à la mémoire d’Alain Sayag (p. 311). Litec.

Jamin, C. (1997). Esquisse d’un critère de l’abus en matière de détermination du prix. Recueil Dalloz, 32-33, 414-416.

Mazeaud, D. (2010). Le droit des obligations et l’efficacité économique. Dans S. Bollée, Y.-M. Laithier & C. Peres (dir.), L’efficacité économique en droit (p. 67-88). Economica.

Molfessis, N. (2000). Les exigences relatives au prix en droit des contrats. Petites affiches, 90, 41.

Moury, J. (2016). La détermination du prix dans le « nouveau » droit commun des contrats. Recueil Dalloz, 18, 1013.

Simler, P. (1997). Rapport de synthèse. Dans C. Bourgeon, D. Ferrier, C. Jamin, M. Jeol, M, Pedamon, T. Revet & P. Simler (dir.), La détermination du prix : nouveaux enjeux (p. 75), LGDJ.

Zoom sur : Cour de cassation, assemblée plénière, 1er décembre 1995 (quatre arrêts)
En 1995, la Cour de cassation opère un revirement de jurisprudence : elle autorise que le prix soit fixé de manière unilatérale par une seule des parties au contrat. Ces arrêts, très commentés par la doctrine, ont ouvert un riche débat sur les différentes formes de détermination du prix.
• Aynes, L. (1996). Arrêts du 1er décembre 1995, conclusions Jéol. Note sous Cour de cassation, assemblée plénière, 1er décembre 1995 (quatre arrêts). Recueil Dalloz, jurisprudence, 19.
Bureau, D., & Molfessis, N. (1995). Les arrêts de l’assemblée plénière de la Cour de cassation en matière de détermination du prix dans les contrats. Petites affiches, 155, 11.
Capitant, H., Terré, F., Lequette, Y., Chénedé, F. (2015). Les grands arrêts de la jurisprudence civile (13e édition, tome 2, p. 71 et s.). Dalloz.
Frison-Roche, M.-A. (1996). De l’abandon du carcan de l’indétermination à l’abus dans la fixation du prix. Note sous Cour de cassation, assemblée plénière, 1er décembre 1995. Revue de jurisprudence de droit des affaires, 1, chronique, 3-10.
Ghestin, J., & Jéol, M. (1996). Revirement de jurisprudence en matière de nullité pour indétermination du prix. Arrêts du 1er décembre 1995. Note sous Cour de cassation, assemblée plénière, 1er décembre 1995 (quatre arrêts). La semaine juridique Édition générale, 2, II 22565.
Leveneur, L. (1996). Postes et télécommunications - L'indétermination du prix dans les contrats : portée d'un revirement de jurisprudence. Note sous Cour de cassation, assemblée plénière, 1er décembre 1995 (quatre arrêts). La semaine juridique Entreprise et Affaires, 5, 776.
• Mestre, J. (1996). Note sous Cour de cassation, assemblée plénière, 1er décembre 1995 (quatre arrêts). Revue trimestrielle de droit civil, 153.

La réalité du prix

Le critère de la réalité du prix tel qu’analysé par la doctrine juridique vise à écarter la possibilité pour les parties de fixer un prix simulé, qui n’a pas vocation à être effectivement payé.

Agostini, E. (1986). Note sous Cour de cassation, 3e chambre civile, 25 juin 1985. Recueil Dalloz, 212.

Chabas, F. (1982). Note sous Cour de cassation, chambre mixte, 12 juin 1981. Revue trimestrielle de droit civil, 140.

Malaurie, P., Aynès, L., & Gautier, P.-Y. (2022). Titre III, chapitre I. Détermination, réalité et sérieux du prix, section II. Dans Les contrats spéciaux (12e édition, p. 147 s). LGDJ.

Le caractère sérieux du prix

Alors que le prix réel s’oppose au prix simulé, le prix sérieux trouve son contraire dans le prix dérisoire. Ainsi, l’analyse juridique du caractère sérieux du prix cherche à sanctionner tout opération réalisée contre un prix inexistant ou dérisoire.

Cour de cassation, chambre commerciale, 23 octobre 2007, n° 06-16.537

En 2007, la chambre commerciale de la Cour de cassation décide que dans le cas d’un prix jugé dérisoire, le contrat devrait être déclaré nul, d’une nullité absolue, et qu’il ne devrait pas être considéré comme simplement révisable. L’arrêt du 23 octobre 2007 a ouvert un riche débat au sein de la doctrine :

Chantepie, G. (2008). Sanction par la nullité absolue de la vente consentie sans prix sérieux. Note sous Cour de cassation, chambre commerciale, 23 octobre 2007. Recueil Dalloz, 954.

Génicon, T. (2008). Observations sur Cour de cassation, chambre commerciale, 23 octobre 2007. Revue de droit des contrats, 234.

Libchaber, R. (2007). Observations sur Cour de cassation, chambre commerciale, 23 octobre 2007. Defrénois, 74, art. 38697, 1729.

Une dissension a été ouverte au sein de la Cour de cassation sur le sort du contrat exécuté contre un prix dérisoire car la 3e chambre civile, contrairement à la chambre commerciale, juge en 2012 que l’absence de prix dans un contrat devrait être sanctionnée par une nullité relative, ce qui rend le contrat révisable, et non par une nullité absolue. À ce propos : Aynès, L., & Stoffel-Munck, P. (2013). Observations sur Cour de cassation, 3e chambre civile, 24 octobre 2012. Droit et patrimoine, 69.

Cour de cassation, civile, chambre commerciale, 22 mars 2016, n° 14-14.218

Par un arrêt du 22 mars 2016, la chambre commerciale revient sur son premier jugement, opérant un revirement de jurisprudence et s’alignant à la position de la 3e chambre civile afin de juger que le prix dérisoire d’un contrat de vente représente une nullité relative.

Barbier, H. (2016). Le prix dérisoire et le défaut de consentement ramenés dans le giron de la nullité relative : la prise des derniers bastions de la théorie classique par la théorie moderne des nullités. Note sous Cour de cassation, chambre commerciale, 22 mars 2016. Revue trimestrielle de droit civil, 343.

Bouloc, B. (2016). Note sous Cour de cassation, chambre commerciale, 22 mars 2016. Revue trimestrielle de droit commercial, 2, 317.

Houtcieff, D. (2016). Note sous Cour de cassation, chambre commerciale, 22 mars 2016. Gazette du Palais, 23.

Leveneur, L. (2016). Note sous Cour de cassation, chambre commerciale, 22 mars 2016. Contrats Concurrence Consommation, 42.

Moulin, J.-M. (2016). Note sous Cour de cassation, chambre commerciale, 22 mars 2016. Gazette du Palais, 76.

Sautonie-Laguionie, L. (2016). Note sous Cour de cassation, chambre commerciale, 22 mars 2016. Revue des contrats, 481.

La justice du prix : la lésion et la requalification de la vente pour absence de prix

En matière de vente d’immeubles, face à une lésion de plus de sept douzièmes du prix, le vendeur peut demander la rescision de la vente (article 1674 du Code civil).

À défaut de prix, la vente doit être requalifiée juridiquement. Ainsi, la cession d’un terrain à bâtir à un constructeur avec, en retour, la cession par le constructeur d’un appartement construit sur le local peut, sous certaines conditions, ne pas correspondre à une vente en raison d’absence de prix, par exemple.

Plusieurs autres cas de requalification d’une vente sont fréquemment jugés par les tribunaux, les donations déguisées étant l’exemple le plus courant.

Carbonnier, J. (2004). Droit civil (n° 993 et s.). PUF.

Chantepie, G. (2018). La lésion, entre désir et déni. Actualité juridique contrat, 3, 104-107.

Hiez, D. (2004). La nature juridique de la dation en paiement. Revue trimestrielle de droit civil, 2, 199-224.

Moury, J. (2014). Du prix symbolique au prix négatif, ou la divagation des qualifications en matière de vente. Recueil Dalloz, 34, 1950.

Moury, J. (2017). Article 1592 du Code civil : un heureux redressement de qualification. Recueil Dalloz, 4, 169.

Najjar, I. (1995). La validité des donations déguisées ou indirectes sous seings privées. Recueil Dalloz, chronique 115.

Peterka, N. (2018). La lésion dans les contrats passés par les mineurs et les majeurs protégés. Actualité juridique contrat, 3, 107.

Marcos Povoa

Enseignant-chercheur, département Droit, laboratoire ESPI2R

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