Les résistances à la densification en France

Une étude de la jurisprudence

Gaëlle Audrain-Demey

Citer cet article

Référence électronique

Audrain-Demey, G. (2021). Les résistances à la densification en France. Dans I. Maleyre & G. Audrain-Demey (dir.), L’impact de la densification de l’espace urbain sur l’immobilier. Mis en ligne le 20 décembre 2021, Cahiers ESPI2R, consulté le 20 avril 2024. URL : https://www.cahiers-espi2r.fr/480

La lutte contre l’étalement urbain est devenue un objectif du droit de l’urbanisme qui s’est sans cesse renforcé depuis les années 2000. Sa traduction concrète, dans les documents d’urbanisme, reste cependant l’objet d’un contentieux important. Les schémas de cohérence territoriale (SCoT) et les plans locaux d’urbanisme (PLU) doivent poursuivre des objectifs de gestion économe de l’espace. À ce titre, le contentieux de la conformité des PLU aux SCoT, souvent plus ambitieux en la matière, est un aspect central de l’étude des résistances juridiques à la densification de l’espace. Le contentieux du classement de parcelles lié à la gestion économe de l’espace est lui aussi assez conséquent, et particulièrement le classement en zones urbanisées de zones naturelles ou agricoles. L’ouverture à l’urbanisation de ces mêmes zones, malgré l’évolution du droit de l’urbanisme, démontre également que les tentatives de contournement restent nombreuses.

Dans l’optique d’atteindre un équilibre dans les usages des fonciers et de parvenir à un objectif de zéro artificialisation nette (ZAN) à court terme, cette étude de la jurisprudence est révélatrice des limites du phénomène de concentration urbaine.

Introduction

La lutte contre l’étalement urbain représente aujourd’hui une problématique majeure en France. Devenu un objectif du droit de l’urbanisme qui s’est sans cesse renforcé depuis les années 2000, ce sujet est au cœur des politiques publiques en matière d’aménagement du territoire, à toutes les échelles.

Cette volonté de lutter contre l’étalement urbain, donc de densifier, est cependant parfois contestée, et elle peut susciter des résistances dans la mesure où elle peut aller à l’encontre d’intérêts très divers, qui seront évoqués au fur et à mesure de cette contribution.

Il est d’abord nécessaire de définir la notion de gestion économe de l’espace. Pour le Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (Cerema), la gestion économe de l’espace est la « une réponse stratégique à une situation actuelle de l’occupation du sol et des usages et des dynamiques à l’œuvre sur le territoire, et le résultat d’une réflexion large et complète sur la consommation d’espace, ses composantes et ses effets sur le territoire » (Capcarrère, 2016, p. 33).

La recherche de cet équilibre est révélatrice des conflits d’usage du foncier ainsi que des limites du phénomène de concentration urbaine. Le droit, et plus particulièrement le contentieux, est le réceptacle des frictions provoquées par une articulation malaisée de logiques contradictoires. Entre le souhait de parvenir à un objectif de zéro artificialisation nette (ZAN) et la volonté de certaines communes de continuer à urbaniser, de grands centres commerciaux de s’installer, d’activités touristiques de se développer, de propriétaires de construire sur leurs parcelles (ou du moins d’en avoir la possibilité), l’équilibre est parfois complexe à trouver.

Le droit de l’urbanisme est donc au centre d’injonctions parfois contradictoires : tout en fixant de grands principes d’organisation du territoire, il doit permettre aux communes et aux intercommunalités de les adapter à leurs situations territoriales particulières. Être souple dans un cadre contraint, voilà tout l’enjeu de l’articulation des différents schémas entre eux, donc de l’application d’objectif généraux fixés nationalement à la réalité, par exemple, d’une parcelle agricole de 1 500 m² dans le Finistère.

L’observation du contentieux relatif à la lutte contre l’étalement urbain permet de constater qu’il existe un vocabulaire très varié et une myriade de cas particuliers. Il s’agit ainsi majoritairement d’une approche au cas par cas, très pragmatique, mais où parfois apparaissent des oppositions théoriques majeures sur certains sujets.

Le contentieux de la compatibilité du PLU avec le SCoT concernant les objectifs de gestion économe de l’espace

La question de la souplesse du rapport de compatibilité

L’impératif d’économie d’espace a été reconnu et consacré par les principes du droit de l’urbanisme (Soler-Couteaux, 2014)1. Le législateur a progressivement intensifié la lutte contre l’étalement urbain, accentuant la pression sur les communes par un verdissement considérable des documents, tout particulièrement des schémas de cohérence territoriale (SCoT), en tant qu’outils de planification stratégique à l’échelle intercommunale. La loi Grenelle I (2009)2 impose au droit de l’urbanisme de prendre en compte l’objectif d’« assurer une gestion économe des ressources et de l’espace et réexaminer dans cette perspective les dispositifs fiscaux et les incitations financières relatives au logement et à l’urbanisme » (article 7 de la loi Grenelle I). La loi Grenelle II (2010)3 poursuit cette volonté politique (Godfrin, 2010), en modifiant l’ancien article L. 121-1 du Code de l’urbanisme qui concerne l’objectif SCoT, les plans locaux d’urbanisme (PLU) et les cartes communales. Ces documents doivent assurer l’équilibre entre le renouvellement et le développement urbain, et « l’utilisation économe des espaces naturels, la préservation des espaces affectés aux activités agricoles et forestières, et la protection des sites, des milieux et paysages naturels », dans le respect des objectifs du développement durable (article 14 de la loi Grenelle II). Désormais, c’est l’article L. 101-2 du même Code qui attribue cet objectif à « l’action des collectivités publiques en matière d’urbanisme ».

Le SCoT, à l’instar du PLU, doit donc fixer des objectifs de gestion économe de l’espace. Il encadre les PLU, fixe des objectifs généraux pour assurer la cohérence de l’urbanisme sur l’ensemble du territoire qu’il couvre. Les PLU ou les plans locaux d’urbanisme intercommunaux (PLUi) doivent faire concrétiser ces objectifs, dans une dimension plus précise, tout en les adaptant à la réalité de leurs territoires.

Le PLU ou le PLUi doivent être compatibles avec le SCoT et ses objectifs : cette notion de « compatibilité » est essentielle. Le rapport de compatibilité désigne en effet, pour un document d’urbanisme, le fait de ne rejeter « ni les options fondamentales du schéma, ni la destination générale des sols » (CE, Assemblée, 22 février 1974, 91848 93520) imposées par un document hiérarchiquement supérieur. Différent du rapport de conformité, qui nécessite une totale similarité, et du rapport de prise en compte qui permet une importante liberté dans l’appréciation des rédacteurs, le rapport de comptabilité est un « entre-deux » (Audrain-Demey, 2013, p. 277) qui vise à apporter de la souplesse dans l’articulation des documents et autres schémas (Audrain-Demey, 2018). La capacité à tenir compte des situations particulières doit être maintenue, pour éviter une trop grande rigidité du droit de l’urbanisme, nuisible à son objectif : permettre un aménagement harmonieux et respectueux de l’environnement du territoire français. À noter d’ailleurs que le juge exerce un contrôle normal sur l’application du rapport de compatibilité sur ces questions (CE, 10 février 1997, 125534) ; la jurisprudence apprécie donc au cas par cas la compatibilité entre deux documents, examinant leur non-contrariété, c’est-à-dire le fait que les dispositions de l’un n’aient pas pour effet de priver l’autre de portée utile (Coulet, 1976 ; Lebreton, 1991). L’adaptation de ces objectifs n’est jamais neutre, elle reflète les aspirations de la commune ou de l’intercommunalité.

Entre un SCoT exigeant en matière de densification et une commune qui souhaiterait s’étendre, à quel point la souplesse peut-elle être considérée comme valable4 ? La souplesse traditionnelle du rapport de compatibilité a été critiquée (Audrain-Demey, 2018), par Marcel Waline – « s’il est légitime de ne pas identifier compatibilité et conformité, la voie est ouverte par ce laxisme à toutes les tentations administratives de faire bon marché des prévisions du schéma » (Waline, 1974)5 – ou encore par Jean-François Inserguet, par exemple – « la multiplication des distorsions entre les énonciations des documents rendues, possibles par l’existence d’un rapport de compatibilité, risque d’engendrer des différences importantes entre les deux actes se situant respectivement à la base et au sommet de la hiérarchie des normes d’urbanisme » (Inserguet, 1997, p. 97).

L’étude de la jurisprudence nous donne quelques clés permettant d’appréhender la nature de la souplesse permise par le rapport de compatibilité en matière de densification de l’espace et d’étalement urbain.

Exemple 1 : CAA Nantes, 16 octobre 2017, 16NT017256

En l’espèce, la commune de Daoulas adopte son PLU par une délibération du 25 juillet 2013. Elle prévoit une consommation foncière à la hausse. Ayant fait l’objet d’un recours dirigé par des associations de protection de la nature, cette délibération est annulée par un jugement du tribunal administratif de Rennes en date du 25 mars 2016 au motif que l’augmentation de la consommation foncière programmée par ce document n’est pas compatible avec le SCoT du Pays de Brest, qui prévoit une réduction de 25 % de la consommation foncière liée à l’habitat par rapport à la consommation des années 2000.

Dans la décision de la cour administrative d’appel (CAA) de Nantes du 16 octobre 2017, le juge considère que la différence entre la consommation prévue par le PLU et les objectifs fixés par le SCoT est disproportionnée et sans commune mesure avec les exigences locales. Cette différence ne permet donc pas de conclure à la compatibilité entre le PLU et le SCoT. Il est néanmoins possible de penser que le juge administratif aurait pu parvenir à une conclusion différente si le dépassement avait été moins important et dûment justifié par des circonstances locales. Dans une telle situation, le juge aurait alors davantage pu faire usage de la souplesse du rapport de compatibilité (Audrain-Demey, 2018). En tout état de cause, le caractère prescriptif de la dimension chiffrée de l’objectif semble reconnu par la CAA de Nantes ou, du moins, cette dimension contraignante est utilisée à l’appui de sa décision (Audrain-Demey, 2018).

Exemple 2 : CE, 18 décembre 2017, 3952167

Nous vous emmenons maintenant dans l’Oise à la découverte du SCoT du Pays de Thelle pour une affaire datant de 2017. Le SCoT prévoyait de limiter à 1 % la croissance démographique annuelle dans chaque commune de son territoire. La commune de Mesnil-en-Thelle ne l’entendait manifestement pas de cette oreille et avait révisé son PLU afin de permettre la création de 15 nouveaux logements par an. Cet objectif de construction avait pour effet de dépasser le plafond maximum prévu par le SCoT. Ce dernier avait également prévu des dérogations, dépassées elles aussi par le nombre de logements et de leurs futurs occupants, entre 450 et 500 personnes.

La CAA de Douai avait estimé que, malgré l’écart constaté entre les orientations du SCoT et les objectifs du PLU, ces deux plans étaient compatibles dans la mesure où l’esprit général du SCoT était respecté. Des circonstances locales étaient également avancées : le vieillissement de la population, la nécessité de renouveler et de diversifier l’habitat notamment.

Le Conseil d’État (CE) donne raison à la CAA de Douai. Il estime qu’« il appartient aux auteurs des plans locaux d’urbanisme, qui déterminent les partis d’aménagement à retenir en prenant en compte la situation existante et les perspectives d’avenir, d’assurer… non leur conformité aux énonciations des schémas de cohérence territoriale, mais leur compatibilité avec les orientations générales et les objectifs qu’ils définissent ». Il considère également que les SCoT doivent se borner à exprimer des orientations et des objectifs, et non pas des normes prescriptives. Si les chiffres ne sont pas interdits, ils ne s’imposent pas strictement aux PLU.

Cela pose un certain nombre de problèmes dans l’appréhension de la valeur juridique des SCoT et fait planer des incertitudes juridiques évidentes sur les PLU.

Exemple 3 : CAA Nantes, 7 juin 2019, 18NT02798

Modification d’un PLU, classant une zone en 1AUb (zone à urbaniser), alors qu’elle était auparavant classée en 2AU – à urbaniser dans un second temps. La lutte contre l’étalement urbain prévue par le SCoT du vignoble nantais n’interdit pas toute ouverture à l’urbanisation mais la limite. La modification contestée impliquait une extension d’urbanisation pour réaliser 140 nouveaux logements mais elle reste compatible avec « le schéma de cohérence territoriale du Pays du Vignoble nantais », qui dispose « que 40 % des nouveaux logements devront être réalisés au sein de l’enveloppe urbaine » et limite « la consommation d’espace en dehors de l’enveloppe urbaine à 22 hectares ».

Exemple 4 : CAA Lyon, 30 avril 2019, 18LY01903

Un PLU est conforme à l’article L. 121-1 du Code de l’urbanisme (ancien) concernant l’objectif de gestion économe de l’espace, lorsque qu’il fait apparaître la possibilité d’un prélèvement d’environ 1 % de la superficie totale des zones agricoles à des fins d’urbanisation. Le juge administratif considère qu’un tel prélèvement est compatible avec les grands principes du droit de l’urbanisme.

Le contentieux du classement de parcelles lié à la gestion économe de l’espace

Définition et appréciation du juge

Le contentieux du classement des parcelles provient en majorité de deux types de cas : soit l’auteur du document d’urbanisme a entendu éviter l’étalement urbain en bloquant l’urbanisation de certaines zones, et cela ne convient pas aux propriétaires fonciers, soit il a souhaité justement permettre l’urbanisation de nouvelles zones mais des tiers tentent de le rappeler à la nécessité de densifier prévue par le Code de l’urbanisme. Dans les deux cas, le juge se tient sur la réserve, validant le plus souvent les choix opérés par les pouvoirs publics.

Le juge opère un contrôle limité à l’erreur manifeste d’appréciation sur le classement en zone dans les PLU, afin de laisser une certaine latitude aux communes et aux intercommunalités : « Il appartient aux auteurs d’un plan local d’urbanisme de déterminer le parti d’aménagement à retenir pour le territoire concerné par le plan, en tenant compte de la situation existante et des perspectives d’avenir et de fixer en conséquence le zonage et les possibilités de construction » (CAA Nantes, 4 juin 2019, 18NT01380).

De la même manière, la CAA de Lyon considère, cette fois concernant une zone naturelle (N), que les auteurs du PLU « peuvent notamment être amenés, pour les motifs de protection… à classer en zone naturelle un secteur, même équipé, qu’ils entendent soustraire pour l’avenir à l’urbanisation » (CAA Lyon, 29 janvier 2019, 18LY01630). En l’occurrence, l’erreur manifeste d’appréciation n’est pas reconnue par le juge, dans la mesure ou le passage d’une zone urbaine (U) en zone N est justifié par la volonté de limiter la consommation d’espace ainsi que le développement résidentiel des hameaux et des quartiers périphériques. Le fait que cette zone ait été viabilisée pour accueillir un lotissement en 1989 ne change rien à la situation.

Le classement en zone A8 (agricole)

Les CAA ne semblent pas toujours parler d’une même voix concernant ce type de classement. En effet, pour certaines d’entre elles, il faut apprécier relativement strictement l’article R. 121-22 du Code de l’urbanisme (ancien article R. 123-7), et notamment la question du potentiel agronomique biologique ou économique de l’espace classé en zone A.

Exemple 1 : CAA Nantes, 18 septembre 2017, 16NT02771

Cet arrêt de la CAA de Nantes sanctionne la volonté des auteurs d’un PLU d’exclure totalement la possibilité d’édifier des bâtiments dans un hameau en le classant en zone A. Pour le juge, les terrains non construits du hameau ne présentaient aucun potentiel agricole mais constituaient des espaces urbanisés. L’intérêt agricole de la zone devrait donc être recherché avant le classement. Si la zone ainsi caractérisée n’en présente aucun, le classement en zone A pourrait constituer une erreur manifeste d’appréciation. Dans tous les cas, la volonté de restreindre les possibilités d’urbanisation et de densification dans les hameaux à proximité des centres-villes ne représente pas une justification du classement.

Exemple 2 : CE, 4 mars 2016, 384795

Le CE confirme cette approche dans cet arrêt du 4 mars 2016 : « Il ressort des pièces du dossier et notamment des documents graphiques du PLU que la parcelle n° DT 130 d’une surface de 680 mètres carrés appartenant à M. et Mme B... se situe, à la différence de leur autre parcelle n° DT 131, à l’intérieur d’une partie urbanisée de la commune. Il n’est pas établi, ni même allégué, que cette parcelle qui supporte déjà une construction et ne faisait pas l’objet d’une exploitation agricole, présente un potentiel particulier pour un tel usage. Dans ces conditions, et alors même que la commune a entendu préserver la vocation agricole de la plaine de Saint-Pierre environnant la parcelle en cause, le classement de cette parcelle en zone agricole est entaché d’une erreur manifeste d’appréciation. »

Exemple 3 : CAA Lyon, 5 décembre 2017, 16LY01791

La jurisprudence a également pu considérer que le fait de classer en zone A une zone auparavant classée en zone U permettait de limiter l’extension du tissu bâti existant afin de sauvegarder l’aspect paysager du village. Il s’agissait, dans ce cas, de parcelles non bâties en forme de prairies partiellement arborées.

Exemple 4 : CAA Bordeaux, 15 octobre 2019, 18BX02297

La requérante conteste le classement en zone A de ses parcelles de 4 500 m² chacune situées à l’extrémité d’un hameau de six maisons, dans une zone rurale et agricole, qu’elle estime constituer une dent creuse. Le plan d’aménagement et de développement durable (PADD) – document obligatoire intégré dans le PLU, fixant les grands objectifs et principes de développement en matière d’urbanisme, de transport et d’environnement – autorise le comblement des dents creuses pour lutter contre l’étalement urbain ; par conséquent, la requérante pense qu’il y a erreur manifeste d’appréciation. Cependant, le juge considère que le fait que le terrain soit bordé par des zones naturelles et boisées exclut la qualification de dent creuse, bien qu’il soit desservi par un chemin d’accès9.

Le classement en zone U ou AU

Exemple 1 : CAA Lyon, 9 juillet 2019, 18LY02858

À l’inverse, le classement en zone U d’une parcelle non construite située dans un hameau à des fins de densification dudit hameau ne constitue pas une erreur manifeste d’appréciation selon la jurisprudence. La décision du 9 juillet 2019 est identique concernant la volonté d’ouvrir à l’urbanisation un secteur proche du centre-bourg, mais encore non urbanisé, à des fins de diversification de l’habitat et de renforcement de la polarité commerciale.

Exemple 2 : CAA Marseille, 28 novembre 2019, 18MA03000

Les choix de la commune concernant la densification sont également scrutés par le juge. Dans ce litige, la commune de Saint-Maximin-la-Sainte-Baume avait souhaité densifier autour du centre-ville et limiter ainsi l’étalement urbain à sa périphérie. Pourtant, elle avait classé trois secteurs situés en périphérie dans des zones relativement naturelles, faiblement urbanisées ou en friches agricoles, en zone 1AUp, c’est-à-dire à urbaniser. Son PADD précisait d’ailleurs que dans ces espaces la densification ne pouvait conduire qu’à dégrader le paysage constitué. Le juge considère donc que ce classement en zone AU est incohérent au regard du PADD et annule la décision.

Exemple 3 : CAA Nantes, 20 octobre 2017, 16NT00735

De la même manière n’est pas considérée comme une erreur manifeste d’appréciation le passage d’une zone d’urbanisation future en zone 2AU, c’est-à-dire inconstructible dans l’immédiat, dans la mesure où il ne s’agit pas d’une dent creuse située en cœur de bourg mais d’une parcelle en second rideau de l’urbanisation.

Pour conclure, il est manifeste que le contentieux lié à la gestion économe de l’espace est riche et divers, qu’il provienne d’une contestation liée au rapport de compatibilité entre documents d’urbanisme ou au classement des parcelles. Il transparaît de cette étude de la jurisprudence que la souplesse règne encore en maîtresse, ce qui explique en partie les freins juridiques rencontrés pour lutter contre l’artificialisation des sols.

Références juridiques

Lois

Loi n° 83-8 du 7 janvier 1983 relative à la répartition de compétences entre les communes, les départements, les régions et l’État *loi Deferre*, JORF du 9 janvier 1983

Loi n° 2009-967 du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement, JORF n° 0179 du 5 août 2009

Loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement, JORF n° 0160 du 13 juillet 2010, texte 1

Code de l’urbanisme

Article L. 101-2

Article L. 121-1

Article R. 121-22

Article R. 151-22

Jurisprudences

Conseil d’État

CE, Assemblée, 22 février 1974, 91848 93520

CE, 3/5 SSR, du10 février 1997, 125534, publié au recueil Lebon

CE, 4e - 5e SSR, 12 décembre 2012, 353496

CE, 6e – 1re chambre réunies, 18 décembre 2017, 395216

CE, 1re SSJS, 4 mars 2016, 384795, inédit au recueil Lebon

CAA

CAA Bordeaux, 5e chambre, 15 octobre 2019, 18BX02297, inédit au recueil Lebon

CAA Douai, 1re chambre – formation à 3, 15 octobre 2015, 14DA01524, inédit au recueil Lebon

CAA Lyon, 1re chambre – formation à 3, 5 décembre 2017, 16LY01791, inédit au recueil Lebon

CAA Lyon, 1re chambre – formation à 3, 21 juin 2018, 16LY04427, inédit au recueil Lebon

CAA Lyon, 1re chambre – formation à 3, 29 janvier 2019, 18LY01630, inédit au recueil Lebon

CAA Lyon, 1re chambre – formation à 3, 30 avril 2019, 18LY01903, inédit au recueil Lebon

CAA Lyon, 9 juillet 2019, 18LY02858

CAA Marseille, 1re chambre, 28 novembre 2019, 18MA03000, inédit au recueil Lebon

CAA Nantes, 5e chambre, 18 septembre 2017, 16NT02771, inédit au recueil Lebon

CAA Nantes, 2e chambre, 20 octobre 2017, 16NT00735, inédit au recueil Lebon

CAA Nantes, 5e chambre, 16 octobre 2017, 16NT01725, inédit au recueil Lebon

CAA Nantes, 2e chambre, 21 décembre 2018, 17NT03996, inédit au recueil Lebon

CAA Nantes, 2e chambre, 7 juin 2019, 18NT02798, inédit au recueil Lebon

CAA Nantes, 5e chambre, 4 juin 2019, 18NT01380, inédit au recueil Lebon

Note

Waline, note sous Cons. d’État, ass., 22 février 1974, Adam, RD publ. 1974, p. 1780

1 Loi n° 83-8 du 7 janvier 1983 relative à la répartition de compétences entre les communes, les départements, les régions et l’État *loi Deferre*

2 Loi n° 2009-967 du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement (1), JORF n° 0179 du 5 août 2009, texte n

3 Loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement, JORF n° 0160 du 13 juillet 2010, texte 1.

4 Confirmant l’arrêt « SAS Sodigor » en date du 11 juillet 2012, l’arrêt « Société Davalex », en date du 12 décembre 2012, avait clarifié par un

5 M. Waline, note sous Cons. d’État, ass., 22 février 1974, Adam, RD publ. 1974, p. 1780.

6 Commentaire : Audrain-Demey, 2018.

7 Rendu sur CAA Douai, 15 octobre 2015, 14DA01524.

8 Article R. 151-22 du Code de l’urbanisme : « Les zones agricoles sont dites "zones A". Peuvent être classés en zone agricole les secteurs de la

9 Voir également : CAA Nantes, 21 décembre 2018, 17NT03996 ; CAA Lyon, 21 juin 2018, 16LY04427.

Audrain-Demey, G. (2013). L’intégration des trames vertes et bleues dans les documents d’urbanisme : l’omniprésence du rapport de « prise en compte ». Droit de l’environnement, 214, 277-279.

Audrain-Demey, G. (2018). Le rapport de compatibilité entre documents d’urbanisme : les limites de la souplesse. Droit de l’environnement, 264, 60-65.

Capcarrère, T. (dir.). (2016). Gestion économe de l’espace : quelles traductions dans les SCoT ? Cerema & DREAL Occitanie.

Coulet, W. (1976). La notion de compatibilité en droit de l’urbanisme. L’actualité juridique droit administratif, 291 et s.

Godfrin, G. (2010). La gestion économe du sol (Loi Grenelle II et loi de modernisation de l’agriculture). Construction urbanisme, 10.

Inserguet, J.-F. (1997). La spécificité du régime juridique des actes administratif en droit de l’urbanisme : l’exemple du PPOS. [Thèse, université de Limoges].

Lebreton, J.-P. (1991). La compatibilité en droit de l’urbanisme. L’actualité juridique droit administratif, 491.

Soler-Couteaux, P. (2014). Le renforcement des outils de lutte contre la consommation foncière et l’étalement urbain. Revue de droit immobilier, (36e année)7-8, 376-384.

1 Loi n° 83-8 du 7 janvier 1983 relative à la répartition de compétences entre les communes, les départements, les régions et l’État *loi Deferre*, JORF du 9 janvier 1983.

2 Loi n° 2009-967 du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement (1), JORF n° 0179 du 5 août 2009, texte n° 2.

3 Loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement, JORF n° 0160 du 13 juillet 2010, texte 1.

4 Confirmant l’arrêt « SAS Sodigor » en date du 11 juillet 2012, l’arrêt « Société Davalex », en date du 12 décembre 2012, avait clarifié par un considérant de principe la question de l’interprétation de la précision des dispositions du SCoT. Pour le Conseil d’État « à l’exception des cas limitativement prévus par la loi dans lesquels les schémas de cohérence territoriale peuvent contenir des normes prescriptives, ceux-ci, avec lesquels les autorisations délivrées par les commissions d’aménagement commercial doivent être compatibles en vertu de ce même article, doivent se borner à fixer des orientations et des objectifs » (CE, 4e-5e SSR, 12 décembre 2012, 353496).

5 M. Waline, note sous Cons. d’État, ass., 22 février 1974, Adam, RD publ. 1974, p. 1780.

6 Commentaire : Audrain-Demey, 2018.

7 Rendu sur CAA Douai, 15 octobre 2015, 14DA01524.

8 Article R. 151-22 du Code de l’urbanisme : « Les zones agricoles sont dites "zones A". Peuvent être classés en zone agricole les secteurs de la commune, équipés ou non, à protéger en raison du potentiel agronomique, biologique ou économique des terres agricoles. »

9 Voir également : CAA Nantes, 21 décembre 2018, 17NT03996 ; CAA Lyon, 21 juin 2018, 16LY04427.

Gaëlle Audrain-Demey

Enseignante-chercheuse, laboratoire ESPI2R, Groupe ESPI

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