Infrastructures vertes en Île-de-France

Marc Barra

p. 126-131

Citer cet article

Référence électronique

Barra, M. (2021). Infrastructures vertes en Île-de-France. Dans I. Maleyre, C. Veil, C. Cantuarias-Villessuzanne & A.-C. Chardon (dir.), Immobilier durable. De la ville d’aujourd’hui à la cité de demain (p. 126-131). Mis en ligne le 01 septembre 2021, Cahiers ESPI2R, consulté le 24 avril 2024. URL : https://www.cahiers-espi2r.fr/212

Plus qu’aucune autre région en France, la diversité des flux qui traversent l’Île-de-France façonne singulièrement ses territoires et ses modes de vie urbains. Certes fief de la Capitale, de villes dynamiques, de vastes espaces périurbains, l’Île-de-France renferme aussi d’importantes zones agricoles (50 %) et boisées (24 %). C’est dans cet enchevêtrement géographique, urbanistique et social, mais nécessairement connecté, que s’inscrit le développement des infrastructures vertes dans cette région.

Le rôle majeur des documents d’urbanisme pour reconstruire la ville sur elle-même

Comme le précise la Commission européenne1, le développement des infrastructures vertes (ou solutions fondées sur la nature2) consiste à s’appuyer sur la protection ou sur la restauration des écosystèmes en vue de renforcer la biodiversité et de s’adapter au changement climatique.

La mise en œuvre de ces infrastructures vertes doit faire « l’objet d’une planification stratégique ». Les documents d’urbanisme, premiers outils d’aménagement du territoire, peuvent être mobilisés à toutes les échelles pour restaurer, recréer des écosystèmes naturels sur l’ensemble du territoire3. Réviser les schémas de cohérence territoriale (SCoT), les plans locaux d’urbanisme (PLU/PLUi) en y intégrant, notamment, des orientations d’aménagement et de programmation (OAP) représentent donc des moyens de sanctuariser les espaces verts et agricoles ou encore de matérialiser les trames vertes et bleues (voire brunes et noires) par un zonage spécifique.

En ce qui concerne plus spécifiquement le territoire francilien, bien que le schéma directeur de la région Île-de-France (SDRIF) intègre des préoccupations environnementales, les nouveaux défis du déploiement des infrastructures vertes, mais aussi de l’objectif « Zéro artificialisation nette », invitent à une meilleure prise en compte des sols et de la nature.

En Île-de-France, la lutte contre l’étalement urbain – phénomène délétère pour la préservation de la biodiversité, en raison de l’artificialisation des sols qu’il entraîne – nécessite de privilégier le recyclage urbain et la réhabilitation de l’existant. Les politiques urbaines, de nouveau, sont en mesure de favoriser la densification en incitant à : l’occupation des bâtiments vacants, la rénovation, la surélévation et la verticalité, l’intensification pavillonnaire. Par exemple : la démarche BIMBY4 dans la Haute Vallée de Chevreuse, le réinvestissement de certaines friches artificialisées en écoquartiers (quartier des Batignolles dans le xviiᵉ arrondissement de Paris)… tout cela sans sacrifier les espaces verts existants !

En outre, grâce aux documents d’urbanisme, il est possible d’encourager la protection voire d’imposer la recréation de la pleine terre. Cela peut passer par la mise en œuvre d’un coefficient de pleine terre, obligeant les aménageurs à respecter un ratio favorable aux espaces verts ou, dans les secteurs plus densément bâtis, d’un coefficient de biotope par surface (CBS)5 comme à Montreuil ou dans la Capitale, où il est adapté à chaque arrondissement en fonction des besoins en termes de végétalisation.

Nombreux en sont les effets bénéfiques : maintien et développement de la biodiversité locale, meilleure gestion des eaux pluviales, rétablissement de corridors écologiques, régulation de l’effet d’îlot de chaleur urbain (ICU)…

Faire appel à l’expertise d’un écologue dans le cadre de tout nouveau projet d’aménagement

Dans une telle région, le recours à une expertise écologique, quel que soit le projet d’aménagement, semble dès lors fondamental pour y intégrer des infrastructures vertes, ces dernières se caractérisant elles-mêmes par une diversité d’habitats, d’aménagements, selon le contexte local. Ainsi, le diagnostic réalisé par un écologue (cf. figure 1) vise à accompagner efficacement, en amont, les acteurs de la construction dans la transition écologique.

Citons à ce propos l’établissement public d’aménagement du Mantois Seine-Aval (EPAMSA) qui s’entoure systématiquement, sur l’ensemble de son territoire, des conseils d’un écologue – des études préalables jusqu’au soutien des promoteurs, en passant par la maîtrise d’œuvre. L’expert est chargé, notamment, d’examiner l’avant-projet et le cahier des prescriptions environnementales des zones d’aménagement concerté (ZAC) ou encore d’assister les collectivités dans l’aménagement des espaces réservés à la nature.

Le comité de suivi de la biodiversité recueille les avis de l’expert, autour desquels échangent les structures associatives ainsi que les partenaires publics engagés pour l’environnement.

Figure 1. Exemple de déroulé d’un diagnostic écologique.

Figure 1. Exemple de déroulé d’un diagnostic écologique.

Adapté de « Bâtir en favorisant la biodiversité », par Barra, M., 2012, p. 49, Victoires Éditions.

Les infrastructures vertes : des investissements et un entretien souvent moins coûteux

Les infrastructures vertes apportent leurs solutions naturelles, inclusives et souvent moins coûteuses. C’est le cas, en particulier, de celles qui concernent la voirie et le cheminement : la comparaison des sommes investies et des coûts d’entretien d’infrastructures grises – enrobés perméables ou non – versus ceux des infrastructures vertes – fossés naturels, dalles enherbées, mélanges terre/pierre – est à cet égard significative (cf. tableau I).

Tableau I. La nature en ville, ça vaut le coût !

Tableau I. La nature en ville, ça vaut le coût !

Reproduit de « Végétaliser le bâti : quand l’urbanisme passe au vert », par Barra, M., 2019, p. 25.
Sources : Marc Barra/ARB îdF - Émile Geoffroy/AgroParisTech.

Végétaliser les bâtiments : l’exemple des toitures végétalisées. Quels bénéfices ?

Une étude de 2013, réalisée par l’Atelier parisien d’urbanisme (APUR), évalue à 80 hectares le potentiel de toitures plates végétalisables dans la Capitale6. Cette question tient d’ailleurs une place majeure au sein de la plateforme www.vegetalisons.paris.fr, collaborative, où plusieurs publications sur le sujet sont disponibles, dont un Guide des toitures végétalisées et cultivées. Toutes les étapes pour un projet de qualité, daté de 2017.

Si cela représente une certaine reconquête du foncier, dans un espace urbain très dense où le terrain se fait rare, le document en présente d’autres bienfaits : « un cadre agréable et créateur de lien social » (agriculture urbaine) ; « la durée de vie de la toiture prolongée » ; « des lieux d’accueil pour la biodiversité » (prairies pour les plantes, mise en place d’habitats adaptés à la faune locale) ; une perméabilité permettant de mieux capter les eaux de pluie ; « des toitures rafraîchissantes en été » ; « une amélioration de la qualité de l’air ». Afin de mieux évaluer ces bénéfices et les différences entre les systèmes de végétalisation, l’ARB îdF et ses partenaires ont engagé en 2017 l’étude Green ROOfs Verified Ecosystem Services (GROOVES7, cf. figure 2).

Figure 2. Premières estimations des services écologiques rendus par les toitures végétalisées dans le cadre de l’étude GROOVES.

Figure 2. Premières estimations des services écologiques rendus par les toitures végétalisées dans le cadre de l’étude GROOVES.

Opter pour une toiture végétalisée, c’est édifier un nouvel écosystème, à condition, bien entendu, qu’elle s’insère dans une réflexion globale et dans une véritable politique écologique tissée d’actions cohérentes entre elles.

Et si on pensait les bâtiments et les villes comme des écosystèmes ?

Nous venons d’évoquer les toitures végétalisées ; les murs peuvent également devenir des supports du vivant, grâce à des plantes grimpantes (lierre, clématite, houblon, vigne vierge). Les programmes immobiliers doivent intégrer des espaces verts écologiques, tels que des microhabitats (gravier, murets…), du bois mort pour les insectes, des prairies pour les pollinisateurs. Les ressources de la nature sont en outre excellentes pour mieux gérer les eaux : les eaux de pluie récupérées ainsi que les eaux usées collectées dans des bassins peuvent être facilement traitées par la phytoépuration.

Ainsi, pourquoi ne pas penser les bâtiments et les villes comme des écosystèmes ? C’est l’objet d’une vidéo pédagogique publiée par l’ARB ÎdF8.

Quelques exemples d’actions urbaines en faveur de la nature

En Île-de-France, d’intéressantes initiatives et des projets de grande ampleur en faveur de la nature ont vu le jour. À Gif-sur-Yvette (Essonne), une zone de près de cinq hectares accueille deux refuges de la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO).

Figure 3. Réhabilitation d’un ancien parking en un cheminement avec gestion intégrée de l’eau, à Vauréal (95).

Figure 3. Réhabilitation d’un ancien parking en un cheminement avec gestion intégrée de l’eau, à Vauréal (95).

© Gwendoline Grandin/ARB îdF.

La commune d’Igny (Essonne) a, quant à elle, opté pour le développement de l’écopâturage, tandis que Massy (Essonne) délivre désormais aux habitants des permis de végétaliser. Dans cette même ville, le Syndicat intercommunal pour l’assainissement de la Vallée de la Bièvre (SIAVB) a créé une zone humide de biodiversité au sein du domaine de Vilgénis, qui a rouvert ses portes au public.

Dans le département de la Seine-Saint-Denis, la cité Floréal à Saint-Denis bénéficie désormais de dispositifs à ciel ouvert pour une gestion plus verte des eaux pluviales, à la place d’ouvrages enterrés trop vites obsolètes et peu satisfaisants d’un point de vue technique. Tout comme au Clos-Saint-Vincent à Noisy-le-Grand, ces aménagements alternatifs sont multifonctionnels : ils autorisent le passage piéton et limitent ainsi le gel d’espaces urbains.

Figure 4. Écoquartier Hoche à Nanterre (92). Gestion des eaux pluviales.

Figure 4. Écoquartier Hoche à Nanterre (92). Gestion des eaux pluviales.

© Gilles Lecuir/ARB îdF.

À Sarcelles, dans le Val d’Oise, la renaturation du Petit Rosne a nécessité de sortir ce cours d’eau de sa canalisation bétonnée pour lui recreuser un lit et le reméandrer. Les berges, végétalisées, ont rapidement accueilli des libellules et des grenouilles.

La construction neuve n’est pas en reste. Plusieurs fois primée, l’école des Boutours, à Rosny-sous-Bois (Seine-Saint-Denis), conçue avec des matériaux bio-et géosourcés, offre sur sa toiture végétalisée des ateliers de découverte de la flore locale. C’est aussi, évidemment, l’occasion de sensibiliser les enfants dès le plus jeune âge à la protection de la biodiversité.

Tableau I. La nature en ville, ça vaut le coût !

Tableau I. La nature en ville, ça vaut le coût !

Reproduit de « Végétaliser le bâti : quand l’urbanisme passe au vert », par Barra, M., 2019, p. 25.
Sources : Marc Barra/ARB îdF - Émile Geoffroy/AgroParisTech.

Figure 2. Premières estimations des services écologiques rendus par les toitures végétalisées dans le cadre de l’étude GROOVES.

Figure 2. Premières estimations des services écologiques rendus par les toitures végétalisées dans le cadre de l’étude GROOVES.

Figure 3. Réhabilitation d’un ancien parking en un cheminement avec gestion intégrée de l’eau, à Vauréal (95).

Figure 3. Réhabilitation d’un ancien parking en un cheminement avec gestion intégrée de l’eau, à Vauréal (95).

© Gwendoline Grandin/ARB îdF.

Figure 4. Écoquartier Hoche à Nanterre (92). Gestion des eaux pluviales.

Figure 4. Écoquartier Hoche à Nanterre (92). Gestion des eaux pluviales.

© Gilles Lecuir/ARB îdF.

Marc Barra

Écologue
Agence régionale de la biodiversité en Île-de-France (ARB îdF)
Institut Paris Région

© Groupe ESPI.