Les données du territoire dans la fabrique métropolitaine 

Une approche de la production résidentielle privée et de sa régulation publique à Toulouse

Nicolas Ausello

Citer cet article

Référence électronique

Ausello, N. (2025). Les données du territoire dans la fabrique métropolitaine . Zoom recherche. Mis en ligne le 26 octobre 2025, Cahiers ESPI2R, consulté le 03 novembre 2025. URL : https://www.cahiers-espi2r.fr/1927

Cette synthèse est issue des recherches doctorales de l’auteur. Elle intègre des extraits de sa thèse éponyme, consultable sur l’archive ouverte HAL.

Introduction

Depuis une quinzaine d’années, l’enjeu des données territoriales s’est fortement développé au sein des municipalités des grands centres urbains français. Force est de constater qu’il existe aujourd’hui une relation de plus en plus étroite entre données et gouvernance métropolitaine. Parallèlement, conduit par des dynamiques d’agrégation et d’extension du peuplement, le processus de métropolisation s’est traduit politiquement par la création du statut de Métropole à partir de 20101. Un des objectifs de l’affirmation politique de la métropole a été la maîtrise d’un objet géographique instable à croissance rapide. La métropolisation renvoie donc également à un projet de gouvernance politique locale qui passe par la conception de documents d’urbanisme élargis que les données du territoire viennent appuyer de manière grandissante.

Plus récemment, l’objectif de limitation de l’artificialisation des sols a donné lieu à une métropolisation d’un nouveau type qui doit concilier les enjeux de l’attractivité économique/sociodémographique – dans une logique économique concurrentielle – et de la limitation de l’urbanisation. En 2021, l’intercommunalité métropolitaine de Toulouse a vu son plan local d’urbanisme intercommunal valant programme local de l’habitat (PLUiH) annulé par le tribunal administratif de Toulouse, dont la décision a été confirmée en appel par la cour administrative de Bordeaux en 2022. Le motif retenu fait état d’une mauvaise estimation de la consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers, prévue par l’article L. 151-4 du Code de l’urbanisme en vigueur. En effet, la Métropole « n’a pas pris en compte les données disponibles plus d’un an avant l’approbation du document, lesquelles infirmaient les extrapolations retenues dans le rapport de présentation » (Cour administrative d’appel de Bordeaux, 20222). Cette décision, sans précédent en France, témoigne du poids pris par les données du territoire dans la validation juridique des documents de planification urbaine et de la saillance des enjeux autour de leur mobilisation par les services publics métropolitains.

Dans le domaine de l’aménagement du territoire, l’usage d’instruments de mesure et d’évaluation mérite donc d’être réinterrogé et mis en relation avec le renforcement de l’objectif de lutte contre l’étalement urbain des espaces métropolitains français. Depuis la loi Égalité et citoyenneté de janvier 20173, les PLU ont par exemple vu leur volet lié à l’analyse de l’offre foncière renforcé. L’incitation progressive par l’État à la création d’observatoires du foncier et à la construction de « stratégies foncières » locales s’inscrit dans un objectif d’évaluation des politiques publiques et plus particulièrement de modération de la consommation des espaces urbains. Cette disposition, entérinée par la loi Climat et résilience d’août 20214 et le dispositif « zéro artificialisation nette » (ZAN), a conduit certains responsables politiques locaux à exprimer leur mécontentement quant à la mise en place d’un tel dispositif. Ce fait peut être lu comme un symptôme de la portée politique de ce dispositif et de l’incertitude ressentie par anticipation d’une crise de l’allocation des ressources foncières à laquelle il conduirait potentiellement. Dans ce contexte apparaît aux yeux des élus locaux une contradiction entre l’enjeu d’attractivité, en haut de l’ordre des agendas urbains depuis les années 1980 (Pinson, 2006), et la récente injonction législative à lutter contre l’étalement urbain. Dans le cadre du processus traditionnel de production de l’environnement métropolitain par extension urbaine, nous avons donc affaire à un paradoxe classique entre croissance économique et préservation environnementale. Or, celui-ci devient apparent à partir du moment où le regard porté sur la manière de produire la ville est déplacé. La reconfiguration des modes de production de la ville (en évitant l’extension urbaine) nécessite pour les puissances publiques locales de développer leur capacité d’anticipation, élément stratégique pour les services et directions chargées des questions de l’habitat et du foncier.

Cadre d’analyse et terrain de recherche

Ces nouveaux enjeux font apparaître une triple logique d’intégration des données géographiques dans le processus de métropolisation (politique et géographique) via l’usage qu’en font quatre groupes d’acteurs clés étudiés. Tout d’abord, on assiste à une reprise en main par l’État de la question des données territoriales à travers des zonages, des indicateurs et des plateformes cartographiques. Ensuite, les promoteurs immobiliers en collaboration avec des bureaux d’étude privés – aussi appelés « experts » – mobilisent des données de marché. Ces données aident le promoteur à estimer le prix de sa future opération à partir d’une comparaison des programmes concurrents proches dans l’espace et vendus récemment et sont associées à un découpage de l’espace métropolitain en différents sous-marchés. Enfin, depuis le milieu des années 2010, les services publics métropolitains utilisent les données géographiques pour moderniser l’action publique et piloter en interne le fonctionnement de l’administration locale. La normalisation croissante de l’usage des données géographiques dans l’action urbaine – à la fois publique et privée – m’a alors amené à questionner son implication dans la fabrique contemporaine de la métropole.

Plusieurs spécificités étroitement liées font de Toulouse un territoire particulièrement privilégié pour poursuivre cet objectif :

  • l’intensité et la persistance de la périurbanisation depuis les années 1960 ;

  • l’influence notable de la filière de promotion immobilière sur la production urbaine à l’échelle de l’aire d’attraction ;

  • le rôle historiquement central joué par l’expertise publique dans le développement territorial métropolitain.

La grille d’analyse des trois dimensions de l’étude (les données, la production urbaine et la métropole) emprunte à différents corpus théoriques. Tout d’abord, le rapport entre l’État et les métropoles est abordé à partir des travaux sur l’instrumentation technique de l’action publique. La littérature en sociologie de l’action publique française (Lascoumes & Le Galès, 2005 ; Palier, Surel, 2005 ; Jobert, 1994) a soulevé plusieurs arguments en faveur d’une focalisation sur les instruments (expertise, indicateurs géographiques et cartes, dans ma recherche) pour analyser les transformations des politiques publiques. Premièrement, les restructurations du fonctionnement de l’État, caractérisées par le « nouveau management public » issu du secteur privé, donnent aux instruments de gestion et de rationalisation une place prédominante dans l’action publique. Deuxièmement, les instruments permettent de suspendre les dynamiques d’intérêts par la formulation d’accords sur les moyens, plutôt que sur les objectifs. En cela, ils structurent les échanges à court terme tout en laissant de côté les questions les plus problématiques et les positionnements politiques. Enfin, d’un point de vue théorique, placer les moyens au cœur de l’analyse a le mérite de fournir une mise en perspective efficace des différentes combinaisons possibles des transformations des politiques publiques (changement d’instruments qui fait évoluer les objectifs, changement d’objectifs qui transforme les instruments, etc.). Afin d’interroger le rôle des données de l’expertise nationale dans la fabrique de la métropole, je considère que leur massification et le progrès des outils algorithmiques fournissent à l’État l’occasion de repenser sa position à l’égard des territoires métropolitains.

Ensuite, les travaux de Julie Pollard (2018) et de Clarence Stone (1989) m’ont amené à considérer les données mobilisées par les services publics métropolitains comme une ressource d’expertise au même titre que les ressources juridiques, financières ou politiques. La ressource d’expertise constituerait alors un moyen mobilisé par une coalition d’acteurs aux intérêts communs pour organiser la construction politique du territoire métropolitain.

Enfin, j’ai inscrit le volet de cette recherche sur le marché immobilier dans le sillage des travaux sur la construction sociale des marchés. Les chercheurs et chercheuses de ce courant prennent pour objets des dispositifs de marché (comme les discours de professionnels, la presse spécialisée, les supports publicitaires) et montrent que ceux-ci jouent un rôle dans la construction des représentations de la division sociale de l’espace des acheteurs et des vendeurs. C’est donc à l’aune de ce corpus qu’est analysé le travail de l’expertise immobilière privée pour comprendre comment un découpage de l’espace métropolitain conjugué à l’interprétation de données de marché contribue à l’orientation géographique des stratégies économiques des promoteurs immobiliers.

Question de recherche et méthodologie

La question de recherche qui a structuré cette étude est la suivante : en quoi la confrontation des représentations de l’espace par les producteurs urbains à travers les données du territoire contribue-t-elle à l’émergence d’une nouvelle donne métropolitaine ? Afin d’y répondre, j’ai développé trois hypothèses de travail :

  • le zonage institutionnel – du type « Pinel » – produit par l’État pour le logement intermédiaire joue un rôle moteur dans la recomposition sociorésidentielle de la métropole toulousaine ;

  • l’expertise immobilière privée contribue de manière cyclique – à travers des données de marché –à la segmentation du marché résidentiel métropolitain ;

  • la recomposition de la relation acteurs/territoire à partir des données géographiques nourrit de nouvelles formes de contraintes publiques et d’enjeux en matière de production résidentielle.

Pour tester ces hypothèses, j’ai fait intervenir des méthodes qualitatives et quantitatives. En ce qui concerne le volet qualitatif, j’ai recueilli des données à partir d’entretiens semi-directifs menés auprès des quatre groupes d’acteurs étudiés :

  • les promoteurs immobiliers, issus d’entreprises d’envergure locale investissant à Toulouse, et d’envergure nationale (du type Nexity, Bouygues Immobilier) ;

  • les élus et les agents des services de la Métropole de Toulouse ;

  • les agents des services de l’État, en grande partie travaillant au sein de l’administration centrale du ministère de la Transition écologique (comprenant les directions générales en lien avec la question du logement et de l’urbanisme) ;

  • les experts issus de bureaux d’étude, dits traditionnels, présents dans le champ de la promotion immobilière depuis les années 1990 et de nouveaux entrants dans le champ de l’expertise issus de l’économie du numérique.

Concernant ce dernier domaine de l’expertise, j’ai eu l’occasion d’observer la manipulation de différents outils cartographiques d’entreprises d’expertise foncière comme Buildrz ou PriceHubble. Cette démarche s’est inscrite dans la continuité d’observations participantes réalisées lors de stages de masters 1 et 2 au sein de l’entreprise Kelfoncier. Enfin, une partie des analyses se fonde sur des corpus documentaires inédits, dont l’accès a été rendu possible par l’intégration à un groupe de réflexion privé sur les données territoriales. Je m’appuie également sur différents types de ressources documentaires (des comptes-rendus publics, des rapports, des textes législatifs et de la presse spécialisée, de la presse nationale et locale).

S’ajoute à cela un matériau quantitatif. Dans ce travail, j’ai utilisé deux grands types de bases de données. En premier lieu, j’ai pu faire usage d’une base de données privée qui renseigne les ventes de logements neufs dans l’aire urbaine de Toulouse entre 2004 et 2019. Elle est produite par l’observatoire immobilier toulousain L’Observer et est gérée et mise en forme par l’entreprise Adéquation, dont un des responsables a accepté de m’en faire bénéficier pour cette recherche. L’information de marché à l’origine de cette base est renseignée par les promoteurs immobiliers eux-mêmes : ils doivent fournir les données de leurs propres ventes pour avoir le droit d’accéder à celles de leurs concurrents. La base est donc réputée quasiment exhaustive et fiable, où une ligne correspond à un logement, auquel est attachée une série de caractéristiques (comme la surface, le type de financement, le nombre de pièces, etc.). La base est agrégée au niveau du programme immobilier, niveau que j’ai privilégié pour mener l’ensemble de mes analyses statistiques. Ensuite, à des fins de croisement, les données de la statistique publique ont été mobilisées. Celles-ci renvoient essentiellement aux données de recensement de l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee), mais également aux données de la couverture et de l’usage du sol de l’Institut national de l’information géographique et forestière (IGN) et du Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (Cerema) et à celles du logement social produites par le service statistique du ministère de la Transition écologique. 

Principaux résultats

La combinaison de l’ensemble des méthodes qualitatives et quantitatives m’a conduit à dresser une série de trois résultats principaux.

Un premier élément de résultat concerne le rôle du zonage institutionnel produit par l’État. Fondé sur une lecture uniforme des marchés résidentiels toulousains par les services de l’État à partir de données de transactions immobilières, ce zonage contribue à la recomposition des profils sociorésidentiels des franges métropolitaines de Toulouse. En effet, sur la période 2004-2019, j’observe tout d’abord une circulation des logements vendus aux ménages investisseurs, qui va des espaces péricentraux de Toulouse vers les franges du pôle urbain toulousain. Je montre que cette logique de déplacement peut s’expliquer par les effets inflationnistes du marché défiscalisé. Le renchérissement cumulatif des prix du foncier des espaces péricentraux contribue à repousser le marché défiscalisé dans les communes périphériques éligibles, historiquement pavillonnaires, où des charges foncières plus faibles promettent un profit supérieur aux promoteurs. Ces mécanismes contribuent : d’une part, à un fort renouvellement du parc immobilier et à une hétérogénéisation des profils de population ; et d’autre part, à la production d’espaces résidentiels marginalisés.

Le deuxième résultat concerne la production de contextes résidentiels par les promoteurs et les experts. Tout d’abord, je mets en évidence l’influence du contexte local dans la fixation des prix par les promoteurs et la fluctuation dans le temps du poids de cette influence. Ensuite, je montre que les contextes de la segmentation administrative ne sont pas toujours pertinents pour expliquer les prix. Les promoteurs organisent leur propre segmentation lors des phases stables en s’affranchissant des limites administratives utilisées par les experts. En effet, un autre indicateur des résultats du modèle mis en place a révélé que la portée explicative de la formation des prix des contextes créés à partir du modèle hybride est plus grande en période de stabilité du marché local – pour les périodes 2005-2007, 2013-2015 et 2015-2017. Mon interprétation est qu’en période de « bonne santé » du marché, la compétitivité entre promoteurs pour l’obtention du foncier les pousse à sélectionner des critères de valorisation liés à des contextes plus éloignés. À l’inverse, ils minimisent le risque lié à la fixation du prix en période de crise en s’approchant au plus près des capacités de financement des ménages surreprésentés microlocalement. Enfin, une cartographie des deux types de segmentation réalisée à l’issue des traitements fait apparaître plus précisément les effets positifs ou négatifs de chaque contexte métropolitain sur le prix et montre que cette géographie se superpose à la division sociale et économique classique de l’espace métropolitain toulousain.

Un troisième résultat concerne la recomposition de la relation entre les acteurs publics et la métropole autour des données géographiques. Cette recomposition s’est réalisée dans une optique de modernisation de l’action publique qui peut se résumer en quatre grandes étapes. Dans un premier temps, à l’heure des débuts de l’open data en 2010, l’État a suscité l’intérêt des collectivités pour les données géographiques dans l’objectif de pousser à la mutualisation de leurs documents d’urbanisme sur une plateforme unique appelée le Géoportail de l’urbanisme (GPU). En parallèle, ce processus d’ouverture des données a conduit à des expérimentations commerciales de la part des entreprises du numérique nouvellement insérées dans le champ de l’expertise foncière et immobilière. Elles ont développé des méthodes pour traiter et standardiser les données publiques, récupérées en open data, en vue de la vente d’un service de cartographie aux promoteurs immobiliers. Ensuite, dans un troisième temps, à la fin des années 2010, les résultats de ces expérimentations commerciales sont venus alimenter, au sein de groupes de travail organisés par le ministère, les méthodes publiques de standardisation des PLU mutualisés sur le GPU. Finalement, l’intégration des méthodes privées de valorisation des données publiques a eu pour effet, en retour, la mise en place des conditions d’une industrialisation du travail de collecte des données d’urbanisme par les experts privés de l’économie du numérique.

Cette production publique/privée des données de la planification urbaine a donc pour première implication de consolider un nouveau champ de l’expertise qui permet aux promoteurs d’intégrer dans leur méthode comptable de nouveaux outils de détection foncière dans un contexte de limitation de l’extension urbaine. La deuxième implication concerne les intercommunalités métropolitaines. L’interopérabilité des standards du GPU avec un indicateur de mesure de l’artificialisation des sols met en place les conditions d’un contrôle automatisé de l’urbanisation et marque un pas vers une normalisation des documents d’urbanisme. Un exemple des effets de cette interopérabilité est l’annulation du PLUiH de la Métropole de Toulouse par le tribunal administratif en 2021, déjà évoquée. La raison est que l’artificialisation antérieure à l’approbation a été surévaluée, ce qui a conduit dans les documents à une sous-évaluation de l’artificialisation des sols future. Or, d’une part, comme je l’ai montré pour la métropole de Toulouse, le zonage institutionnel est un moteur du déplacement du marché du logement neuf en extension urbaine. D’autre part, sur ce territoire, l’analyse de l’artificialisation telle qu’elle est définie par le décret qui a suivi la loi Climat et Résilience de 2021 démontre que le phénomène est largement imputable à la production de logements défiscalisés. Ce sont donc deux modes de régulation fondés sur des données du territoire – le zonage et l’indicateur de mesure de l’artificialisation des sols – qui sont producteurs d’enjeux spatiaux contradictoires à l’échelle de la métropole toulousaine.

Afin de maîtriser cette contradiction et le problème de fragilisation des documents d’urbanisme de l’intercommunalité métropolitaine de Toulouse – tout en maintenant l’accueil d’une population de jeunes primo-accédants dans la métropole –, l’Agence d’urbanisme de l’agglomération de Toulouse (AUAT) a de son côté développé un outil algorithmique d’observation et de détection des mutations foncières en mobilisant des données géographiques publiques et privées ; cet outil intervient en amont de la décision publique. Ainsi, appuyé par un groupe d’élus des communes centrales (Toulouse, Tournefeuille, Colomiers), le travail de l’AUAT permet de construire une représentation unifiée du territoire métropolitain à travers la diffusion de ses méthodes d’observation à l’ensemble des communes intégrées à l’intercommunalité.

Conclusion

Ces résultats nous permettent d’aboutir à plusieurs conclusions. Tout d’abord, la géographie résidentielle privée à Toulouse est le résultat de l’interaction entre : le système de représentation de l’espace des promoteurs appuyé par les données de marché, leurs stratégies économiques de gestion de l’incertitude, et la division sociale et économique de l’espace métropolitain toulousain. Dans le cadre de ce système de production, les zonages étatiques de régulation de la production résidentielle ont été créateurs d’opportunités foncières au cours des années 2000-2010 pour les promoteurs immobiliers, particulièrement dans les espaces périphériques en extension urbaine. Finalement, à partir de 2020, la mise en place d’une logique gestionnaire de la production de données de la planification urbaine renouvelle ce soutien à la filière de promotion immobilière dans le cadre d’une nouvelle manière de « faire la métropole », tournée vers le renouvellement urbain et l’intensification parcellaire.

L’évolution de la fabrique de la métropole, en tant que projet politique et spatial, est façonnée par des ressources d’expertise hybrides, publiques et privées, autant mobilisées à l’échelle nationale qu’à l’échelle locale. Dans le cas du contrôle de l’urbanisation, la reprise en main par l’État de l’urbanisation place l’intercommunalité métropolitaine en situation d’« autonomie contrainte » : celle-ci est contrainte par des objectifs nourris par les données produites par les services centraux, mais autonomes dans les moyens à mettre en place pour les atteindre. Dans le cadre de cette autonomie, la métropole alimente sa stratégie foncière par des retours d’expérimentations des données territoriales et un transfert de « bonnes pratiques », mises en place sur d’autres territoires.

La recomposition de la relation État/Métropoles dans le domaine de la production urbaine (Béal et al., 2015) est donc à comprendre à partir : de l’articulation entre le pilotage vertical d’un « État régulateur » via des données du territoire ; et de la circulation horizontale entre métropoles de nouveaux modèles d’action foncière, également appuyés par des données. Or, cette mutation de l’État en acteur qui régule la production urbaine et l’émergence de nouvelles contraintes publiques semble à ce stade moins le fait d’une stratégie délibérée que le résultat de tâtonnements, orientés par ce que permettent les données géographiques disponibles et mobilisables.

Nicolas Ausello

Enseignant-chercheur, département Urbanisme, laboratoire ESPI2R

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