Perspectives et améliorations

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Clara Roulière

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Roulière, C. (2025). Perspectives et améliorations. Améliorer l’attractivité du viager : une nécessité, des solutions. Mis en ligne le 01 octobre 2025, Cahiers ESPI2R, consulté le 03 octobre 2025. URL : https://www.cahiers-espi2r.fr/1876

Les divers témoignages recueillis convergent vers le constat suivant : le viager, avec son cadre unique et ses spécificités, présente plusieurs opportunités d’amélioration qui pourraient significativement augmenter son attractivité sur le marché immobilier français. Il convient alors d’étudier plus avant les différentes suggestions qui émanent tant des professionnels du secteur que des utilisateurs effectifs et potentiels de ce produit : chacun apporte une perspective critique sur les évolutions à initier pour rendre le viager plus viable et désirable.

Propositions des professionnels

Axer sur la communication et le marketing

Dans un premier temps, tous les professionnels interrogés ont fait écho à la nécessaire modernisation voire « dédiabolisation » de l’image de cette transaction un peu « à part ».

« Il conviendrait de “dépoussiérer” l’image de ce mécanisme juridique, de communiquer davantage sur ses conditions d’application et diverses modalités. »
(P3, avocate, Tours)

La juriste spécialisée en immobilier (P5, Paris) abonde également en ce sens et pointe du doigt l’urgence de « populariser le concept en informant plus sur le sujet ». Les échanges menés convergent dans cette direction, et tous les répondants insistent sur l’importance de mettre en place une « meilleure communication » (P1, avocat, Paris) et un accès à des informations transparentes et fiables. Pour ce faire, plusieurs interviewés suggèrent de mettre en œuvre « une vaste campagne d’information et de sensibilisation nationale et locale » (P7, conseillère en immobilier spécialisée en viager, Paris). La notaire (P4, Lille) met en exergue la nécessaire « bonne connaissance par les professionnels des différents viagers », qui permettent de moduler chaque transaction en fonction des besoins du débirentier et du crédirentier. Plusieurs idées sont soumises pour pallier ce manque de communication :

« Il faudrait mettre en place une vaste campagne d’information et de sensibilisation nationale et locale. Les communes touchées par le vieillissement de leur population pourraient développer ce type de campagne notamment avec des séminaires ou des ateliers pour promouvoir les bénéfices du viager. Il faut une information de masse avec pourquoi pas des guides viagers disponibles en mairie comme nous en avons dans nos agences. »
(P7, conseillère en immobilier spécialisée en viager, Paris)

« Il serait aussi envisageable de diffuser des reportages pour initier les gens et en profiter pour aller à la rencontre de vendeurs et acheteurs satisfaits de leur transaction en viager afin de parler aussi des belles histoires viagères, plutôt que des mauvaises comme il est d’usage, car il y en a pléthore (ce qui commence à être mis en place). Les médias doivent jouer leur rôle dans cette campagne de promotion du viager. »
(P9, conseillère en viager, Bordeaux)

Le chercheur Arnaud Simon (P10, Paris) estime de son côté :

« Il y a évidemment un enjeu de dépoussiérer tout ça, de davantage communiquer sur les rentabilités du viager. »
(Arnaud Simon, P10, chercheur et maître de conférences, Paris)

Selon lui, il est également impératif de mettre davantage à l’honneur la dimension « éthique » de ce mécanisme :

« Le “truc” classique que vous avez sûrement rencontré : “le viager, c’est un pari sur la mort” donc ce n’est pas éthique. Mais en fait, si, c’est extrêmement éthique. Si on aide une personne âgée à vivre mieux sa dépendance, à vieillir à domicile et à vivre sa vieillesse très correctement, on est en plein dans la RSE [responsabilité sociale et environnementale]. »
(Arnaud Simon, P10, chercheur et maître de conférences, Paris)

Le chercheur souligne enfin l’enjeu « marketing » et propose :

« Des stratégies marketing consisteraient à faire du point faible le point fort, des campagnes de communication un peu piquantes, un peu provocantes : “l’innovation dans le viager”. »
(Arnaud Simon, P10, chercheur et maître de conférences, Paris)

La conseillère en immobilier spécialisée en viager (P7, Paris) va même encore plus loin dans ce processus de « dédiabolisation » du viager et suggère « le changement de nom : appeler le viager autrement serait une solution pour se débarrasser de la mauvaise réputation qui l’entache ».

Mieux former les professionnels de l’immobilier

Pour le mandataire indépendant expert en viager (P6, Montpellier), cette tentative de réconciliation des Français avec ce schéma de vente passe également par une formation approfondie des professionnels de l’immobilier :

« Il faudrait former les professionnels de l’immobilier qui profitent de ce phénomène sans pour autant avoir reçu les formations adéquates. »
(P6, mandataire indépendant expert en viager, Montpellier)

Le chercheur Arnaud Simon (P10, Paris) admet de surcroît :

« Il y a un problème de formation des professionnels, notamment chez les notaires où il y a une culture qui n’est pas assez développée sur le viager. »
(Arnaud Simon, P10, chercheur et maître de conférences, Paris)

Il affirme que ce manque « peut freiner la confiance des investisseurs ». L’avocate P3 (Paris) corrobore cette opinion et insiste notamment sur la formation « des professionnels du droit (avocats, notaires) au contrat de rente viagère » qui doit être « significativement » améliorée. Dans cette optique, la juriste spécialisée en viager (P5, Paris) déclare :

« Il faut mieux former les agents immobiliers et les conseillers de vente, les notaires ou tout autre professionnel qui serait amené à intervenir dans le cadre d’une vente en viager. »
(P5, juriste spécialisée en viager, Paris)

Une nécessité réitérée également par la notaire (P4, Lille) ou encore le directeur de service spécialisé d’un réseau immobilier (P8, Paris) :

« Une professionnalisation et une obligation de formation spécifique imposée (un cardiologue ne fait pas que médecine). Les agences immobilières qui s’improvisent viagéristes nuisent à notre réputation. »
(P8, directeur de service spécialisé d’un réseau immobilier, Paris)

Le mandataire indépendant expert en viager (P6, Montpellier) propose ainsi de mettre en place un « programme de certification » des professionnels du viager :

« Un programme de certification pourrait être mis en place pour garantir un niveau de conseil uniforme et compétent. Celui-ci pourrait être calqué sur les cartes professionnelles à détenir notamment pour les transactions classiques ou encore la gestion et amené à l’obtention d’une carte V. »
(P6, mandataire indépendant expert en viager, Montpellier)

De plus :

« Une meilleure connaissance [du viager] passe par un enseignement du viager dans les cursus en immobilier, par le biais de partenariats avec des universités, des écoles d’immobilier ou des institutions professionnelles. »
(P9, conseillère en viager, Bordeaux)

Renforcer le cadre réglementaire

Enfin, plusieurs répondants ont proposé l’instauration d’un « organisme indépendant » :

« Il faudrait la création d’un organisme indépendant visant à assurer un contrôle du respect des règles et de l’éthique des transactions en viager [qui] pourrait aussi diffuser des chiffres réguliers sur le viager, actuellement difficiles à trouver. »
(P6, mandataire indépendant expert en viager, Montpellier)

Selon eux, il s’agit là d’un moyen de replacer la confiance et la transparence au centre de ce processus de vente.

Ce sentiment de sécurité pourrait par ailleurs retrouver de sa couleur à travers un renforcement du cadre réglementaire qui entoure le viager. C’est en tout cas ce que mettent en avant les différents récits à l’instar de celui de l’avocate P3 (Paris) :

« Une réforme législative ainsi que la création d’un texte de loi en matière de fixation de la rente pourraient permettre de favoriser un recours plus important au viager. »
(P3, avocate, Paris)

L’avocate P2 (Tours) estime qu’une « garantie de résolution rapide du contrat en cas de difficultés » participerait à la création d’un cadre juridique plus sécurisant pour les parties prenantes. Dans ce même souci de protection des débirentiers et crédirentiers, la notaire (P4, Lille) met l’accent sur la nécessité d’une « bonne rédaction de l’acte de vente en viager pour sécuriser la relation contractuelle sur le long terme (question des charges, indexation de la rente, libération anticipée, non-paiement de la rente…) ».

Mettre en place des incitations fiscales

Une autre piste d’amélioration du produit viager a également été citée par tous les répondants, sans exception : la mise en place d’incitations fiscales.

« Conférer des avantages fiscaux ou autres significatifs et spécifiques [apporterait au viager] une vraie plus-value par rapport aux autres dispositifs existants. »
(P2, avocate, Tours)

Un avis partagé par le mandataire indépendant expert en viager (P6, Montpellier) :

« Les mesures actuelles offrent une défiscalisation intéressante aux vendeurs, mais défiscaliser totalement la rente leur redonnerait du pouvoir d’achat supplémentaire. »
(P6, mandataire indépendant expert en viager, Montpellier)

Il estime de surcroît judicieux de proposer « un attrait fiscal à l’investisseur sur les rentes qu’il doit verser ».

Le chercheur Arnaud Simon (P10, Paris), s’il admet la nécessité de créer des dispositions fiscales plus favorables, estime toutefois qu’elles n’ont « pas forcément [besoin] d’être très fortes d’ailleurs… vu que le viager est assez rentable, mais le fait qu’il y ait une incitation fiscale donnera une visibilité tout de suite au produit ».

Intégrer le viager dans les stratégies d’innovation et de développement

Enfin, les professionnels du secteur viager interrogés dans le cadre de cette enquête mettent en exergue l’importance de « l’innovation » notamment financière, dans un souci de modernisation de ce mécanisme « ancestral » (P6, mandataire indépendant expert en viager, Montpellier). Plusieurs biais sont alors évoqués. La conseillère en immobilier spécialisée en viager (P7, Paris) souligne la nécessité d’encourager le développement de produits innovants à l’instar du viager mutualisé :

« Citons par exemple le fonds viager Certivia de la Caisse des dépôts par lequel cette dernière acquiert des biens en viager occupé afin de redonner du pouvoir d’achat aux retraités propriétaires de leur logement. »
(P7, conseillère en immobilier spécialisée en viager, Paris)

Pour le chercheur Arnaud Simon (P10, Paris), il faut regarder l’outil viager « au niveau des collectivités locales,… dans les plans locaux d’urbanisme et dans les stratégies de développement » et souligne qu’il pourrait être judicieux de « coordonn[er le viager] avec les politiques urbaines dans les villes petites et moyennes ». Le chercheur explique que ce dispositif peut être une vraie opportunité pour les municipalités :

« Ce sont des villes qui peuvent être en perte de population, perte de dynamisme et, dans ce cas-là, elles vont souvent chercher à redévelopper leurs centres … . Et, dans certains cas, on pourrait donc imaginer que la municipalité ou un organisme de type EPF [établissement public foncier] se porte acquéreur de viagers. Cela ferait donc un soutien à la politique vieillesse localement, cela augmenterait la consommation locale et une fois que la personne âgée est décédée, c’est l’EPF ou la mairie qui récupère le bien et qui peut l’affecter à sa stratégie de transformation urbaine. »
(Arnaud Simon, P10, chercheur, maître de conférences, Paris)

Propositions des particuliers

Améliorer la communication et l’accès à des informations de qualité

De leur côté, les particuliers ont également évoqué l’importance d’une « meilleure communication » (C7, acquéreur potentiel, Strasbourg) sur le viager.

« Pour améliorer l’attractivité du viager, il faudrait sensibiliser davantage le public sur ses avantages et son fonctionnement. Des campagnes d’information pourraient contribuer à dissiper les idées fausses et à promouvoir une meilleure compréhension du viager. »
(C7, acquéreur potentiel, Strasbourg)

L’acquéresse potentielle C4 (Corse) propose de développer « des publicités, type publicités gouvernementales ». Le vendeur potentiel C10 (Romorantin-Lanthenay), quant à lui, met l’accent sur l’importance d’« une meilleure information des générations nouvelles » :

« Une meilleure information des générations nouvelles est indispensable. C’est indissociable de la question du financement des retraites. Un certain nombre d’illusions françaises à cet égard doivent être levées ! »
(C10, vendeur potentiel, Romorantin-Lanthenay)

La venderesse potentielles C11 et la venderesse effective C12 (Paris) abondent également dans le même sens :

« Pour améliorer l’attractivité du viager, je pense qu’il serait important de… sensibiliser davantage le public aux avantages du viager, aux risques et à la possibilité d’adapter la vente aux besoins individuels des vendeurs et des acheteurs. »
(C11, venderesse potentielle, Paris)

À l’instar des professionnels, l’acquéreur potentiel C7 (Strasbourg) a de surcroît évoqué l’idée d’améliorer « la formation des agents immobiliers sur un sujet qu’ils maîtrisent encore assez peu et pour lequel il est difficile d’avoir des informations simples, claires et fiables ». L’acquéresse potentielle C1 (Oppède-le-Vieux) affirme que le viager « doit être débarrassé des clichés et des a priori négatifs qui l’entourent » :

« Mais pour ce faire, un véritable travail d’information est indispensable. Le viager ne doit plus sembler suspect mais devenir un produit comme un autre permettant de répondre à des besoins et à des objectifs d’un vendeur et d’un acquéreur : des situations qui se rejoignent et s’accordent. »
(C1, acquéresse potentielle, Oppède-le-Vieux)

Aussi, tous les récits s’accordent sur cette exigence d’une meilleure communication, d’« accès plus optimal à des informations transparentes et fiables ainsi qu’à des données notamment chiffrées ». En particulier, « une meilleure information quant au profil du vendeur (par exemple son état de santé) » ou encore « quant au traitement fiscal des revenus liés au viager (revenus de la rente, bouquet, impact sur les héritiers, etc.) » (C2, acquéreur potentiel, Montrouge).

Faire évoluer la réglementation et la législation

D’autre part, l’idée d’un renforcement du cadre réglementaire ainsi que d’une réforme de l’environnement législatif entourant le viager a également été souligné du côté des particuliers interrogés :

« Une réforme législative et une clarification des règles et des méthodes de calcul des bouquets, des rentes (existe-t-il des méthodes d’ailleurs ?) seraient des éléments décisifs pour favoriser le développement du viager. »
(C1, acquéresse potentielle, Oppède-le-Vieux)

C’est également l’avis partagé par l’acquéreur potentiel C9 (Clermont-Ferrand) :

« Des réformes réglementaires visant à simplifier les procédures administratives et à renforcer les garanties pour les parties prenantes pourraient contribuer à accroître la confiance dans ce mode de transaction. »
(C9, acquéreur potentiel, Clermont-Ferrand)

La venderesse potentielles C11 et la venderesse effective C12 (Paris) perçoivent toutes deux comme « rassurantes » l’inclusion « de garanties supplémentaires au vendeur pour le protéger en cas de non-paiement de la rente » (C12).

Clarifier les modes de calcul et prendre des mesures d’incitation fiscale

L’acquéreur potentiel C2 (Montrouge) fait part à son tour d’une volonté d’« une plus grande clarté et d’un meilleur accompagnement de la part des experts de l’immobilier quant au système de bouquet/ rente et de la manière dont les sommes sont fixées ». Un souhait également exprimé par la venderesse potentielle C11 (Paris) :

« Pour améliorer l’attractivité du viager, je pense qu’il serait important d’accroître la transparence et la clarté des contrats de viager et des modes de calcul. »
(C11, venderesse potentielle, Paris)

La simplification, la standardisation, voire l’uniformisation des méthodes de calcul du bouquet et de la rente constituent donc l’une des propositions majeures avancées par les divers répondants, tout comme la mise en place d’une réforme fiscale visant à rendre le recours au viager plus attractif.

« Des mesures fiscales incitatives seraient évidemment un facteur déclencheur pour me conduire à acheter en viager. »
(C1, acquéresse potentielle, Oppède-le-Vieux)

« Une fiscalité incitative serait un élément décisif pour hâter ma décision de vendre en viager. »
(C10, vendeur potentiel, Romorantin-Lanthenay)

Les acquéreurs potentiels C3 et C7 (Paris, Strasbourg) soulignent à leur tour l’importance de la mise en place d’un « système d’abattements fiscaux plus attractifs pour encourager le recours au viager » (C3).

Enfin, l’accent est également mis par les particuliers sur la notion d’« innovation » dans le viager :

« Encourager l’innovation dans le domaine du viager, notamment en développant de nouveaux produits financiers ou d’assurance adaptés, est une piste susceptible de favoriser une adoption plus massive. »
(C9, acquéreur effectif, Clermont-Ferrand)

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