Choix et objectifs de l’enquête
La présente étude a pour objectif d’explorer les pistes pour améliorer le dispositif du viager et le rendre plus attractif. Dans cette optique, une enquête qualitative a été menée eu égard à la nature même du sujet ainsi qu’à la problématique abordée. En effet, la littérature souligne la pertinence d’un tel choix lorsque la recherche s’attache à « révéler un phénomène existant encore faiblement étudié par la communauté scientifique (Yin, 1994)…, construire de nouvelles théories (Eisenhardt & Graebner, 2007) » (Gabarret et al., 2016, p. 238). Cette méthode a donc été préférée à une approche quantitative compte tenu de la difficulté d’obtenir des chiffres et des statistiques sur ce sujet : le viager est un marché de niche et est, de ce fait, relativement peu étudié. La fiabilité des données disponibles constitue de surcroît une véritable entrave à la réalisation d’une enquête quantitative précise et crédible. Au plan épistémologique, la recherche qualitative, quant à elle, permet d’appréhender l’objet d’étude de manière globale, proximale, directe et interprétative (Paillé, 2009, p. 181). Le viager constituant un produit complexe, ce type de méthodologie offre une compréhension plus profonde des aspects tant émotionnels que financiers ou encore juridiques impliqués. Cela nous permettra de saisir en profondeur les perceptions, les attitudes et les expériences des acteurs clés du viager – avocats, notaires, vendeurs et acquéreurs. Cette approche offre l’avantage de mettre en exergue les nuances et les subtilités de leurs points de vue et, partant, les motivations et les obstacles qui influent sur leurs décisions en matière de viager.
Au risque de choquer aussi bien les méthodologues rigoristes que les herméneutes inspirés, je dirais volontiers que l’entretien peut être considéré comme une forme d’exercice spirituel, visant à obtenir, par l’oubli de soi, une véritable conversion du regard que nous portons sur les autres dans les circonstances ordinaires de la vie.
(Bourdieu, 1993, p. 913-914)
En nous appuyant sur cette réflexion de Pierre Bourdieu, il a ainsi été choisi de procéder à une série d’entretiens de professionnels du secteur (agents immobiliers, avocats, notaire, chercheur), mais aussi de particuliers, afin d’apporter divers éléments de réponses à la problématique ici traitée. À noter que la littérature souligne que les entretiens constituent « un outil à privilégier pour obtenir des informations sur des sujets complexes et peu explorés… (Liberman-Yaconi, Hooper, Hutching, 2010) » (Gabarret et al., 2016, p. 239-240). Les entretiens réalisés sont semi-directifs afin de guider la personne interrogée sans influencer son récit. Ce choix a été fait dans un souci d’objectivité et de neutralité. En effet, ces entrevues semi-directives offrent une flexibilité et une liberté ; les répondants peuvent ainsi s’exprimer librement sur leurs expériences, leurs perceptions et leurs opinions concernant le viager. Cette approche favorise un dialogue ouvert et approfondi qui permet de recueillir des informations riches et détaillées sur les différents aspects du viager, telles que les motivations des vendeurs et des acquéreurs, les défis rencontrés sur le marché, les pratiques professionnelles, les questions juridiques et financières, et les suggestions pour améliorer le produit viager. Par ailleurs, la réalisation de ces entretiens semi-directifs a instauré une relation de confiance avec les participants et a favorisé un échange ouvert et honnête. En les encourageant à partager leurs points de vue de manière authentique, l’obtention d’informations plus fiables et plus complètes sur le viager est facilitée, renforçant ainsi la validité et la crédibilité de cette étude. Aussi, ces entrevues participent à l’enrichir et à formuler des recommandations pratiques et pertinentes visant à promouvoir le développement du viager, qui peuvent avoir un impact réel sur la pratique et la politique en France en la matière. En donnant la parole aux acteurs du terrain, ce mémoire de recherche a pour but de contribuer à informer les décideurs, les praticiens et les spécialistes sur les voies à suivre pour renforcer l’attrait du viager et en faire un instrument immobilier plus viable et attractif pour les parties impliquées.
Échantillons
L’enquête qualitative est le fruit une série d'entretiens semi-directifs avec une variété d’acteurs clés du secteur du viager. Celle-ci s’est appuyée sur deux échantillons distincts. Le premier est composé de professionnels susceptibles d’intervenir dans le processus d’une vente en viager tels que des agents immobiliers, des avocats, un notaire ainsi qu’un chercheur – Arnaud Simon –, expert reconnu du viager et auteur de différentes publications à ce sujet (interview reproduite en annexe 4). Au total, 10 entrevues ont été réalisées avec ces spécialistes. Les personnes interrogées constituent ainsi une grande diversité de profils avec des individus âgés de 27 à 58 ans et présentant un niveau d’expertise en matière de viager relativement hétérogène. L’échantillon est mixte, avec 6 femmes et 4 hommes. Ces professionnels du viager travaillent de surcroît dans des régions françaises différentes : Centre-Val de Loire, Hauts-de-France, Île-de-France, Nouvelle-Aquitaine, Occitanie. Les échanges avec ces répondants ont été menés en présentiel à leurs bureaux, mais également par téléphone ou visioconférence.
Parallèlement, des entretiens semi-directifs ont été réalisés auprès d’un second échantillon composé de particuliers, présentant également une grande variété de profils. Ont ainsi été interrogés des acquéreurs potentiels et effectifs ainsi que des vendeurs potentiels et une vendeuse effective. Dans un souci d’obtenir des éléments représentant différents récits d’évaluation sur les ventes en viager, 12 entretiens ont été menés, chez les sujets questionnés ou par téléphone. Toujours dans une volonté de réunir des profils divers, les répondants sont issus de territoires français animés par des dynamiques différentes : Auvergne-Rhône-Alpes, Centre-Val de Loire, Grand Est, Haute-Corse, Île-de-France, Nouvelle-Aquitaine. Ainsi, parmi les répondants, 7 personnes résident en milieu urbain dont 2 en banlieue et 5 autres habitent en milieu rural. Seul un des acquéreurs effectifs était marié. L’âge des répondants varie de 25 à 52 ans du côté des acquéreurs et de 75 à 86 ans du côté des vendeurs. Au total, ce sont 7 femmes et 5 hommes qui ont été interrogés dans un souci de mixité de l’échantillon.
Dans l’ensemble, cette enquête qualitative s’est attachée à recueillir un large éventail de perspectives et d’expériences sur le viager, offrant ainsi une base solide afin d’analyser les défis et les opportunités de ce produit et de formuler des recommandations pour son amélioration. Ces entretiens semi-structurés ont été basés sur deux guides d’entretien propres à chaque échantillon (annexes 2 et 3) et sur des questions ouvertes ; les répondants ont pu ainsi exprimer leur expertise et leur point de vue en utilisant différents schémas d’expression. Ces discussions ont été enregistrées et transcrites. Tous les détails de ces deux échantillons sont à retrouver dans les tableaux ci-dessous (cf. tableaux 3 et 4).
Tableau 3. Échantillon 1 de l’enquête qualitative sur le viager immobilier : les professionnels
Participants |
Âge |
Sexe |
Lieu |
Profession |
P1 |
48 |
H |
Paris (Île-de-France) |
Avocat |
P2 |
41 |
F |
Tours, Indre-et-Loire (Centre-Val de Loire) |
Avocate |
P3 |
58 |
F |
Paris (Île-de-France) |
Avocate |
P4 |
27 |
F |
Lille, Nord (Hauts-de-France) |
Notaire |
P5 |
28 |
F |
Paris (Île-de-France) |
Juriste spécialisée en viager |
P6 |
39 |
H |
Montpellier, Hérault (Occitanie) |
Mandataire indépendant expert viager |
P7 |
34 |
F |
Paris (Île-de-France) |
Conseillère en immobilier spécialisée en viager |
P8 |
42 |
H |
Paris (Île-de-France) |
Directeur de service spécialisé d’un réseau immobilier |
P9 |
27 |
F |
Bordeaux, Gironde (Nouvelle- Aquitaine) |
Conseillère en viager |
P10 – Arnaud Simon |
N.-C. |
H |
Paris (Île-de-France) |
Chercheur, maître de conférences (université Paris Dauphine-PSL) |
Tableau 4. Échantillon 2 de l’enquête qualitative sur le viager immobilier : les particuliers