Analyse de l’offre de logement à travers le concept économique d’élasticité

Laura Duthilleul et Jordan Moureaux

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Duthilleul, L., & Moureaux, J. (2025). Analyse de l’offre de logement à travers le concept économique d’élasticité. Repère biblio. Mis en ligne le 18 juin 2025, Cahiers ESPI2R, consulté le 19 juillet 2025. URL : https://www.cahiers-espi2r.fr/1822

Ce Repère bibliographique propose un ensemble de références d’articles qui portent sur les élasticités de l’offre de logement, et plus particulièrement les élasticités-prix. La mesure et l’étude de ces élasticités ont connu un fort intérêt au sein de la littérature économique dédiée à cette question. L’objectif est d’évaluer et de quantifier cette élasticité-prix pour comprendre la relation entre offre de logement et prix ainsi que l’ajustement des quantités et des prix à la suite d’un choc immobilier.

Pour rappel, l’élasticité-prix de l’offre de logement est un ratio entre une variation de l’offre de logement et celle des prix immobiliers. Elle permet ainsi de quantifier la sensibilité de l’offre de logement aux variations des prix immobiliers.

L’élasticité-prix directe de l’offre de logement est toujours positive puisque les variations des prix et des quantités offertes évoluent dans le même sens : l’offre de logement augmente lorsque les prix immobiliers augmentent et inversement. L’offre de logement est qualifiée d’élastique ou de très sensible aux variations de prix lorsque les offreurs réagissent rapidement et fortement à un changement du prix de l’immobilier. Dans ce cas, l’élasticité-prix de l’offre de logement est supérieure à 1 : par exemple, une augmentation de 1 % des prix immobiliers peut faire augmenter l’offre de logement de 2 % (élasticité-prix de l’offre égale à 2). On dit également que l’offre immobilière surréagit par rapport aux prix immobiliers. Au contraire, une offre de logement est inélastique quand l’offre est peu sensible aux variations de prix, autrement dit lorsque sa valeur est inférieure à 1 : par exemple, une augmentation de 1 % des prix immobiliers peut faire augmenter l’offre de logement de 0,5 % (élasticité-prix de l’offre égale à 0,5). Dans ce cas, l’offre de logement réagit moins que proportionnellement à la variation des prix immobiliers.

Le calcul de l’élasticité-prix des logements permet également d’expliquer la dynamique des prix des logements. Notamment, on constate que plus le marché présente une offre élastique (soit avec une élasticité-prix supérieure à 1), plus le niveau des prix immobiliers a tendance à être faible.

Les déterminants de l’offre de logement

Les déterminants dits « classiques » de l’offre de logement sont : le prix de vente, le prix des facteurs de production (matériaux, foncier, main d’œuvre…), la disponibilité des facteurs de production, la concurrence sur le marché ainsi que l’innovation technologique. Une autre manière de concevoir les déterminants de l’offre de logement consiste à les regrouper selon des facteurs : institutionnels, économiques et géographiques. Par exemple, les réglementations locales portant sur l’utilisation des terres renvoient à des facteurs institutionnels ; le prix médian des logements, le revenu des ménages et la part des travailleurs dans l’industrie à des facteurs économiques ; ou encore l’attractivité touristique de la zone géographique étudiée à des facteurs géographiques.

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L’article de Saiz, paru en 2010, présente une approche originale visant à analyser l’offre potentielle de logement et les élasticités-prix. À l’aide de données satellitaires sur l’élévation des terrains et sur la présence d’eau dans les régions métropolitaines des États-Unis, l’auteur a pu estimer le nombre de terrains aménageables. Il constate une forte corrélation entre les zones qui sont inélastiques (donc réagissant peu aux variations des prix immobiliers) et leur limitation au niveau de la géographie. Par exemple, le développement résidentiel est limité par la présence de terrains à forte pente. Viennent s’ajouter des contraintes physiques et réglementaires. Puisque la géographie peut apparaître comme un frein à la croissance urbaine, ses contraintes ont un fort impact sur les prix à mesure que la population métropolitaine augmente. En revanche, lorsque la densité de population est faible, ce sont les impératifs réglementaires qui ont un impact plus élevé sur l’évolution des prix.

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Méthodologies pour estimer l’élasticité-prix de l’offre de logement

Les premiers travaux estimant l’élasticité-prix de l’offre de logement apparaissent dans les années 1960 et 1970 ; ils utilisaient alors des modèles d’estimation sous formes réduites, une estimation économétrique simple. Le second type de travaux académiques regroupe les modèles dits « d’ajustement par les stocks et par les flux » : contrairement aux premiers modèles, ceux-ci permettent de prendre à la fois l’offre mais aussi la demande en les égalisant (comme sur un marché en équilibre) par le prix immobilier ou par la quantité de m² échangée. D’autres approches d’estimation ont émergé par la suite : on peut notamment évoquer celles par le déséquilibre des stocks de logements ainsi que les démarches en deux étapes visant à calculer les élasticités-prix de l’offre de logement puis à les expliquer à l’aide d’un ensemble de variables de contrôle. Plus récemment, ce sont les modèles, que l’on a qualifié de « structurels », qui se distinguent : ils sont basés sur la théorie urbaine et spatiale et visent à contrôler les aspects territoriaux, économiques et règlementaires. Ces modèles, essentiellement spatiaux, permettent également de traiter les questions liées à l’hétérogénéité des valeurs des élasticités-prix de l’offre de logement entre les différentes unités géographiques étudiées.

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Le modèle présenté par Malpezzi et Maclennan (2001) est relativement simple ; on le qualifie de « stock flow model ». Ce modèle mobilise des équations, sous formes réduites, qui prennent en compte les prix et les quantités de logements. Il est le plus utilisé puisqu’il a comme avantage majeur d’être une référence méthodologique qui facilite les comparaisons entre les études empiriques réalisées au niveau national et/ou international avec peu de déterminants : la population, le revenu et le taux d’intérêt principalement. Par la suite, le modèle de Malpezzi et Maclennan a donné lieu à des extensions plus complexes, dits « extended models », qui prennent en considération la question relative aux coûts : coût de l’accession à la propriété dans l’équation de la demande d’une part, coûts de construction et coût du capital (autrement dit la prise en compte de la valeur des taux d’intérêt) dans l’équation de l’offre d’autre part.

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Hétérogénéité des valeurs des élasticités

Les articles scientifiques visant à mesurer les élasticités-prix de l’offre de logement présentent des élasticités avec des valeurs qui peuvent être très hétérogènes. Les premières études ont concerné les États-Unis et avaient pour objectif d’analyser l’équilibre du marché immobilier à la suite des différents chocs immobiliers, notamment les bulles immobilières. Celles-ci correspondent souvent à de fortes augmentations des prix de l’immobilier qui se répercutent sur l’économie réelle. Les résultats empiriques peuvent donc connaître de fortes variations (avec des élasticités pouvant aller de 0,26 jusqu’à 13) qui s’expliquent selon trois critères principaux : le territoire étudié, la période d’étude et la méthodologie d’estimation utilisée (voir section précédente). Les périmètres géographiques peuvent concerner des pays différents, mais également des régions ou des communes au sein d’un même pays. Les résultats apparaissent aussi comme étant très sensibles à la période étudiée, selon si l’effet observé est davantage de court terme ou de long terme. Pour terminer, la méthodologie utilisée (formes réduites, modèles de déséquilibre, modèles spatiaux) peut aussi faire varier les résultats et les valeurs des élasticités.

Arrazola, M., de Hevia, J., Romero-Jordán, D., & Sanz-Sanz, J. F. (2015). Long-run supply and demand elasticities in the Spanish housing market. Journal of Real Estate Research, 37(3), 371-404.

L’article présente une revue globale des principales études réalisées à l’aide de tableaux récapitulatifs. Ceux-ci mettent en exergue les variations existantes entre les différents travaux quant à la valeur et au type d’élasticité. L’article liste et compare les résultats selon la zone géographique prise en compte (États-Unis, Australie, Autriche, Espagne, Danemark, Irlande, Suisse, Royaume-Uni). Les élasticités sont différenciées selon qu’elles concernent l’élasticité-prix de l’offre de logement, l’élasticité-prix de la demande de logement, l’élasticité-revenu de l’offre de logement ou l’élasticité-revenu de la demande de logement1. L’amplitude de la valeur des élasticités est très grande pour les élasticités-prix de l’offre de logement, celle-ci allant de 0,1 jusqu’à 3,7. Autrement dit, si les prix immobiliers augmentent de 1 %, l’offre de logement peut croître entre 0,1 % et 3,7 %. Au contraire, les valeurs des élasticités-prix de la demande de logement sont plus concentrées, avec des valeurs comprises dans un intervalle entre -0,1 et -0,5. Donc si les prix immobiliers augmentent de 1 %, la demande de logement peut diminuer entre 0,1 % et 0,5 %, soit une demande inélastique. Les différences d’élasticité-prix de l’offre et de la demande s’expliquent notamment par les périodes d’étude, certaines pouvant aller de six années jusqu’à 44 années, voire de 145 années dans le cas des travaux de Malpezzi et Maclennan (2001) concernant le Royaume-Uni. La méthodologie d’estimation est également une explication de la variabilité de l’élasticité-prix dans les travaux scientifiques : en effet, la variable dépendante sélectionnée (qui correspond ici à la quantité ou au prix d’équilibre sur le marché immobilier) peut concerner les nouveaux logements, les nouvelles constructions résidentielles, le stock de résidences, les dépenses de logement ou encore les investissements résidentiels.

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Autres types d’élasticité sur le logement

Les élasticités sont différenciées selon qu’elles concernent le prix, le revenu, l’offre ou la demande. À ces élasticités dites « classiques » en économie viennent s’additionner des élasticités de l’offre qui sont plus atypiques. On retrouve par exemple les élasticités suivantes : élasticité en fonction des coûts de construction, des matériaux, de l’inflation, des taux d’intérêt. Concernant les coûts de construction et les taux d’intérêt notamment, les économistes s’accordent à une relation négative. Chez Ball et al. (2010), l’élasticité-coût de construction de l’offre de logement est estimée entre -0.61 et -0.92 : une augmentation des coûts de construction de 1 % diminue alors l’offre de logement de 0,61 % à 0,92 %. Par ailleurs, chez Mayer & Somerville (2000), l’élasticité-taux d’intérêt de l’offre de logement est comprise entre -3.49 et -4.85, ce qui montre une offre de logement très fortement élastique aux taux d’intérêt : lorsque ces derniers augmentent de 1 %, l’offre de logement diminue à minima de 3,49 %.

On peut également inverser les élasticités comme l’a fait Jacques Friggit (2011), tout en mettant en exergue les différents travaux sur l’élasticité-prix des logements par rapport à leur nombre. Cette élasticité permet d’estimer dans quelle mesure la construction de logements réduit l’augmentation du prix des logements. Selon l’auteur, s’il y avait en France 370 000 logements supplémentaires, toutes choses égales par ailleurs, le prix des logements n’en serait plus faible que de 1 % à 2 %.

Accetturo, A., Lamorgese, A. R., Mocetti, S., & Pellegrino, D. (2021). Housing supply elasticity and growth: Evidence from Italian cities. Journal of Economic Geography, 21(3), 367-396.

Ayouba, K., Breuillé, M. L., Grivault, C., & Le Gallo, J. (2020). Does Airbnb disrupt the private rental market? An empirical analysis for French cities. International Regional Science Review, 43(1-2), 76-104.

Une des variantes du prix des logements consiste à considérer le loyer à la place du prix de vente du bien. Les travaux d’Ayouba, Breuillé et al. (2020) portent sur l’élasticité-loyer de l’offre de logement inversée, plus spécifiquement sur la manière dont les loyers dans le secteur locatif privé réagissent face à l’augmentation des locations Airbnb. L’article, en analysant huit villes françaises sur la période 2014-2015, estime cette élasticité entre 0,38 et 0,52. Une hausse de l’offre locative par Airbnb de 1 % à l’échelle IRIS entraîne ainsi une hausse des loyers entre 0,38 % et 0,52 % sur le marché locatif privé. Cependant, les auteurs montrent des disparités : alors qu’elle ne présente aucun effet significatif dans les autres villes, la densité d’Airbnb exerce une pression à la hausse sur les loyers à Lyon, Montpellier et Paris. Enfin, l’impact de l’activité Airbnb sur les loyers est intensifié avec la proportion de propriétaires-occupants et est atténué avec la densité hôtelière, tant à Montpellier qu’à Paris.

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1 L’élasticité-prix de l’offre est égale au ratio de la variation de l’offre sur la variation du prix. L’élasticité-prix de la demande est égale au

1 L’élasticité-prix de l’offre est égale au ratio de la variation de l’offre sur la variation du prix. L’élasticité-prix de la demande est égale au ratio de la variation de la demande sur la variation du prix. L’élasticité-revenu de l’offre est égale au ratio de la variation de l’offre sur la variation du revenu des ménages. L’élasticité-revenu de la demande est égale au ratio de la variation de la demande sur la variation du revenu des ménages.

Laura Duthilleul

Enseignante-chercheuse, département Économie, laboratoire ESPI2R

Jordan Moureaux

Enseignant-chercheur, département Économie, laboratoire ESPI2R

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