Notre parti pris, nous l’avons exposé précédemment, est de tenir compte des trois champs de recherche (senseable/sensibles/sensitive) et d’analyser des projets qui se situent à l’interface de ces trois champs. Dès lors, plusieurs questionnements sont apparus :
-
Si les Senseable Cities peuvent-être considérées comme une seconde génération de Smart Cities, le smart peut-il devenir sensible ?
-
Si les données ont pour vocation une transformation des usages, comment outiller les usagers face à ces enjeux de transition ?
-
D’un point de vue méthodologique, comment rendre les usagers acteurs de Living Labs ?
-
Que produit ce type d’approche en matière de perception du quartier et d’ambiance ?
Pour engager le travail de terrain, notre attention s’est portée sur deux villes européennes coutumières en matière d’innovations urbaines, à savoir Nantes et Bruxelles.
Nantes, Capitale européenne de l’innovation
Nantes est une ville que nous connaissons bien et qui a été le terrain principal de nos deux thèses de doctorat (Gangloff, 2017 ; Morteau, 2016). Cette ville a par ailleurs été au cœur d’un projet de recherche récent auquel nous avons contribué en tant que postdoctorantes sur le principe d’une ville-scène (ANR Scaena1). Depuis les années 1990, Nantes noue un rapport singulier entre art-aménagement et urbanisme. Elle dispose par ailleurs de « marqueurs internes » à Nantes Métropole sur les questions d’innovation et d’expérimentation qui engagent directement les agents de la métropole et impactent les politiques publiques. Ces marqueurs ont été rendus visibles en 2019 quand Nantes a été labellisée
« Capitale européenne de l’innovation ». Depuis 2014, la Ville apporte un soutien politique à l’écosystème de l’économie numérique. Des analyses sur ce phénomène allant de la structuration de la filière numérique à ses conséquences sur la ville ont été rendues publiques par des chercheurs (Suire, 2024).
Nantes, contrairement à d’autres métropoles de taille similaire, ne possède pas de stratégie ni de service dédié à la Smart City. En revanche, on voit y cohabiter plusieurs laboratoires d’expérimentation grandeur nature : Nantes City Lab2, le quartier démonstrateur de la Samoa3 et le laboratoire d’expérimentation des mobilités (LEMON)4.
Bruxelles et son positionnement Smart City
Dans une perspective de comparaison internationale, Bruxelles nous est apparue comme une ville intéressante à plusieurs titres. Contrairement à Nantes, la Ville de Bruxelles a adopté un positionnement proactif sur les Smart Cities avec notamment deux organismes de pilotage : un appel à projets annuel intitulé « Smart City » depuis 2017 et le plan Smart City bruxellois, lancé en mars 2023. La Ville est structurée autour de plusieurs organismes parapublics qui financent des projets smart et agissent pour le compte de la région de Bruxelles-Capitale. Parmi les acteurs des projets Smart City à Bruxelles, nous avons pu identifier Paradigm, qui conduit des expérimentations à tendance sécuritaire telles que la mutualisation des fichiers de vidéosurveillance, mais aussi Brussels Environnement, qui distribue à la population des capteurs de pollution à air, ou bien encore Innoviris, agence régionale qui finance des projets de recherche et d’innovation. Contrairement à Nantes, des financements européens sont régulièrement saisis par les acteurs bruxellois de l’innovation et de l’expérimentation, ce qui conduit à un foisonnement de projets.