Enquête n° 2

Maxime Pinon

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Référence électronique

Pinon, M. (2024). Enquête n° 2. L’intensité urbaine : un outil d’attractivité pour la Seine-Saint-Denis ?. Mis en ligne le 30 octobre 2024, Cahiers ESPI2R, consulté le 17 février 2025. URL : https://www.cahiers-espi2r.fr/1504

Alors que la première enquête visait à comprendre les motivations d’emménagement et les habitudes des habitants des quartiers intenses (illustrés par la ville de Saint-Ouen-sur-Seine et son quartier des Docks), cette seconde enquête se propose de répondre à la question de la potentielle attractivité des quartiers intenses de la Seine-Saint-Denis auprès des populations ne résidant pas dans ce département.

Après avoir analysé le profil des répondants (statut socioprofessionnel, revenus, etc.), l’objectif est d’identifier leurs critères de décision quant à leur choix de déménager dans un nouveau quartier ainsi que d’identifier s’ils sont actuellement ouverts à un éventuel déménagement en Seine-Saint-Denis. En cas de refus, nous avons cherché à en comprendre les raisons et à déterminer si un déménagement dans un quartier intense pouvait être un facteur de motivation et de sélection suffisant.

Un questionnaire a été élaboré, dont les questions et les résultats sont joints en annexes 17 et 18, et envoyé à près de 100 pages Facebook des plus grandes villes de la région Île-de-France, qui totalisent plus de 200 000 membres. Cela représente ainsi une source très importante et diversifiée de répondants potentiels pour notre étude.

Au total, nous avons recensé 305 répondants et recueilli 280 résultats exploitables. Une grande partie des retours provient des habitants des Hauts-de-Seine (41 %), suivis du Val-de-Marne (21 %) et de Paris (11 %). Le restant des déclarations provient des autres départements de l’Île-de-France et est également réparti.

Dans les sections suivantes, nous allons analyser les différents retours selon les grands thèmes du questionnaire, en isolant, lorsque cela est possible et pertinent, les réponses données par les cadres à hauts revenus.

Étude sur les répondants1

La majorité des répondants de cette enquête sont des femmes (69 %) dont l’âge moyen est de 40 ans. Elles sont également majoritairement en couple, et 35 % d’entre elles ont des enfants.

Concernant le statut professionnel des répondants, nous pouvons noter une très forte proportion de cadres (34 %), mais également une part importante d’employés (18 %), d’étudiants (20 %) et 12 % de retraités.

Par ailleurs, le revenu moyen des répondants est relativement élevé, puisque 54 % d’entre eux déclarent un salaire mensuel net supérieur à 2 000 €, et 25 % d’entre eux plus de 3 000 €. Ce pourcentage élevé de hauts revenus s’explique par le nombre important de cadres ayant répondu à l’enquête.

Il faut également savoir que ces résultats sont fortement influencés par la part des étudiants dont la majorité déclare un revenu mensuel net inférieur à 1 500 € (68 %).

Enfin, nous pouvons relever que la part des locataires/propriétaires reste relativement équivalente, avec 38 % de locataires et 48 % de propriétaires, dont la majorité (70 %) déclare vivre en appartement.

De cette première analyse, nous pouvons retenir une forte hétérogénéité dans les profils des répondants, ce qui nous permettra d’obtenir des données d’autant plus intéressantes qu’elles sont représentées par un panel varié.

Ressenti des répondants vis-à-vis de la Seine-Saint-Denis2

Avant d’introduire la notion d’intensité urbaine auprès des enquêtés, nous avons souhaité connaître leur ressenti sur la Seine-Saint-Denis et leur avis sur un hypothétique emménagement dans ce département afin de pouvoir comparer les décisions prises en début et fin de questionnaire.

Afin d’obtenir cette information, il a été demandé aux répondants vivant en dehors de la Seine-Saint-Denis s’ils envisageraient d’y emménager à l’avenir. Il leur a également été enjoint de ne pas inclure la distance de leur lieu de travail dans leurs réponses afin de prévenir tout biais.

Les réponses à cette question sont très catégoriques, puisque 78 % des répondants, et notamment 80 % des cadres, ont indiqué qu’ils ne souhaitaient pas vivre en Seine-Saint-Denis.

Par ailleurs, 5 % des répondants se disent prêts à y emménager, mais seulement dans certaines villes comme Les Lilas, Noisy-le-Grand ou Montreuil, qui sont les villes les plus fréquemment mentionnées.

Néanmoins, les réponses à cette question sont d’autant plus intéressantes lorsqu’on les compare aux résultats d’une autre question posée précédemment. En effet, il a été demandé aux personnes interrogées si elles connaissaient la Seine-Saint-Denis pour y avoir déjà travaillé ou vécu : 65 % des répondants ont déclaré ne pas connaître le département, et ce chiffre est encore plus élevé lorsque nous considérons exclusivement les réponses des cadres (75 %).

En prenant en compte cette question et en effectuant une analyse croisée avec la question suivante demandant aux répondants s’ils seraient prêts à déménager en Seine-Saint-Denis, on constate que 70 % des répondants refusant de vivre en Seine-Saint-Denis précisent en même temps qu’ils ne connaissent pas le département. Nous observons donc que la plupart des personnes réticentes à vivre en Seine-Saint-Denis ne connaissent pas le département et ne le jugent donc très probablement que par sa réputation. Ce constat indique une fois de plus que ce département souffre de sa réputation ainsi que de son histoire.

En complément et afin de comprendre les raisons qui poussent les répondants à ne pas vouloir habiter en Seine-Saint-Denis, il leur a été demandé directement par le biais d’une question d’expliquer leurs choix, et ce au travers de plusieurs raisons possibles. La première est le sentiment d’insécurité dans le département pour 70 % d’entre eux, puis les nuisances qu’ils pourraient rencontrer sur leur lieu de vie pour 50 % des répondants. Ces retours sont particulièrement intéressants à observer car, contrairement à d’autres critères factuels et/ou quantifiables tels que le manque d’espaces verts ou la qualité architecturale, ces critères reposent principalement sur la subjectivité.

Critères de décision3

Dans un second temps, les répondants ont également été interrogés sur l’importance d’une liste de critères dans leur choix d’emménager dans un nouveau quartier. Les critères proposés ont été principalement sélectionnés sur la base d’éléments qui caractérisent l’intensité urbaine, telles que les transports, la mixité fonctionnelle, l’ambiance et la convivialité, ou encore la qualité architecturale et la diversification de l’habitat.

Les répondants ont été invités à déterminer le niveau d’impact de ces critères dans leur décision d’emménager dans un nouveau quartier, selon six degrés d’intensité, allant de « aucun impact » à « déterminant ».

Pour analyser les réponses, les critères ont été comparés selon deux groupes : impact faible (aucun impact, faible impact et impact moyen) et fort impact (fort impact, très fort impact et déterminant)4.

Avec cette méthodologie appliquée, nous pouvons isoler deux critères qui apparaissent comme déterminants pour les répondants dans leur choix de déménager, à savoir la proximité des transports en commun pour plus de 30 % des répondants et l’ambiance urbaine pour plus de 34 % d’entre eux.

En plus de ces critères, deux autres sont jugés prépondérants pour une majorité de répondants. Il s’agit de la présence de commerces de proximité, jugée comme ayant un impact fort par près de 90 % des répondants, et la qualité des logements pour près de 87 % des répondants.

Nous pouvons également noter que le prix d’achat, la proximité de Paris en transports en commun (moins de 15 minutes) et la convivialité du lieu sont également des éléments très importants pour une grande majorité des répondants.

En revanche, d’autres critères de l’intensité urbaine sont jugés beaucoup moins importants par les répondants, comme la présence de transports doux, qui n’est considérée comme importante dans la décision d’emménager que par 48 % des répondants, ou encore la qualité environnementale du site ou la multiplicité des choix de logements, qui semble intéresser une proportion de 47 à 49 % d’entre eux.

Plus étonnant encore, la présence de bureaux et de commerces dans le quartier ne semble être considérée comme avantageuse que par 25 % des répondants, ce qui est d’autant plus surprenant au regard des résultats de la première enquête qui indiquent que près d’un tiers des répondants travaillent dans le quartier des Docks. Toutefois, ce résultat varie fortement si l’on prend uniquement en compte les retours des cadres, qui sont 42 % à déclarer importante la présence de bureaux au sein de leur espace de vie urbain.

Si nous analysons maintenant ces retours pour la seule population des « cadres et professions intellectuelles supérieures », nous pouvons observer que les principaux critères de décision restent inchangés. À savoir : « la proximité des transports en commun », « l’ambiance urbaine », « la présence de commerce de proximité » et « la qualité des logements » qui sont des facteurs ayant un impact très fort pour plus de 80 % des répondants dans leur choix de déménager dans un nouveau quartier.

Néanmoins, plusieurs changements peuvent être observés quant à l’importance des autres facteurs de décision. Une première divergence dans les réponses concerne l’importance de la présence de bureaux et de commerces dans le quartier. Ensuite, nous pouvons noter que la présence de transports doux semble être essentielle pour la population des cadres, qui juge important l’impact de ce critère à 63 %, contre seulement 48 % pour l’ensemble des répondants.

La convivialité du lieu, critère important de l’intensité urbaine, est également considérée comme ayant un impact plus important sur les critères de décision, avec près de 77 % de la population cadre jugeant ce critère majeur, contre 71 % pour la totalité des répondants.

On peut également noter que la « qualité environnementale » du site ainsi que la « cohérence et l’intégration du site dans son environnement » semblent plus déterminants dans les critères de décision des cadres. 60 % d’entre eux estiment la qualité environnementale du site comme fortement impactante (contre 46 % pour la moyenne des répondants) et 74 % jugent la cohérence et l’intégration du site dans son environnement comme fortement impactante (contre 64 % pour l’ensemble des répondants).

De manière générale, nous constatons que les principaux critères de décision motivant le choix d’emménager dans un nouveau quartier ne varient pas pour la plupart des répondants. En revanche, nous pouvons observer un attachement plus important des populations cadres à la qualité environnementale de leur lieu de vie ainsi qu’à son ressenti général.

Emménagement en zone d’intensité5

Une fois l’intensité urbaine présentée aux répondants, nous arrivons à la principale phase de cette enquête, à savoir celle qui vise à savoir si l’intensité urbaine peut jouer un rôle d’attractivité pour la Seine-Saint-Denis. Il leur a ainsi été à nouveau demandé s’ils seraient ouverts à un emménagement en Seine-Saint-Denis, mais cette fois dans un quartier intense.

La question posée était donc la suivante :

« Les lieux d’intensité urbaine ont pour vocation de constituer des quartiers à haut niveau de services permettant de concilier qualité du cadre de vie de proximité et dynamisme des grandes zones urbaines.

Ces quartiers intenses permettent de regrouper tout ou partie des points abordés précédemment en un même lieu, ceci couplé à des prix attractifs sur le territoire de la Seine-Saint-Denis.

Après avoir reçu ces informations, pourriez-vous être enclin à emménager dans un quartier à vocation intense en Seine-Saint-Denis ? »

En réponse à cette question, près de 25 % des répondants se disent favorables à l’idée de vivre dans un quartier intense en Seine-Saint-Denis, auxquels nous pouvons ajouter les 12 % de répondants qui déclarent être prêts à emménager en Seine-Saint-Denis dans ces circonstances, mais à certaines conditions.

Il s’agit d’une nette amélioration par rapport à la question 11 (« Pourriez-vous à l’heure actuelle envisager une ou plusieurs villes de la Seine-Saint-Denis comme nouveau lieu de vie dans le cadre d’un hypothétique déménagement ? »), où seuls 16 % des répondants affirmaient leur potentielle intention d’emménager dans le département.

Ces retours sont d’autant plus intéressants lorsque nous isolons les réponses des participants ayant répondu « non » à cette question 11. Nous observons que près de 18 % de ces répondants sont favorables à un emménagement dans un quartier intense de Seine-Saint-Denis, et près de 9 % sont favorables à le faire sous certaines conditions, c’est-à-dire que près de 27 % sont prêts à revenir sur leur décision. Cette analyse est donc pertinente pour la présente étude, car elle nous révèle qu’un pourcentage significatif de répondants est susceptible de changer d’avis sur un emménagement dans ce département, si on leur propose d’habiter une zone intense. Cette différence est encore plus importante pour les cadres ayant répondu « non » à la question 11, puisque 23 % d’entre eux se considèrent désormais comme potentiellement favorables (contre seulement 12 % initialement) et 13 % supplémentaires seraient également favorables sous certaines conditions.

Comme nous le soulignons, une proportion importante de répondants s’est déclarée favorable à ce projet, mais à condition que certaines dispositions soient observées. Deux d’entre elles sont régulièrement mentionnées. La première est celle du sentiment de sécurité au sein de leur espace de vie. Cette condition n’est pas surprenante lorsque l’on sait qu’elle est la principale raison invoquée par les répondants pour justifier leur réticence initiale à vivre en Seine-Saint-Denis. Comme évoqué, il s’agit néanmoins d’un sentiment, et l’intensité urbaine, par l’ambiance et la convivialité qu’elle génère, doit pouvoir le renforcer.

La seconde disposition évoquée est la présence d’espaces verts (jardin, terrasse, parc, etc.) mais aussi la possibilité de vivre en habitat individuel. En effet, un certain nombre de répondants ont indiqué qu’ils seraient prêts à vivre dans un quartier intense en Seine-Saint-Denis, mais uniquement en habitat individuel. Ceci est cohérent avec les objectifs d’intensité urbaine discutés dans ce mémoire, à savoir la nécessité d’offrir une variété d’options de logement aux propriétaires.

Afin de maintenir un niveau de densification élevé, il est possible de satisfaire ce type de répondants en proposant des logements intermédiaires, que nous avons présentés précédemment.

Impact sur la densité6

Nous avons inclus dans cette enquête des questions qui permettent de sonder l’opinion des répondants quant à leur perception de la densification. Ainsi, pour près de 28 % d’entre eux, la densité est un facteur négatif qui pourrait très probablement influencer leurs critères de décision pour s’installer dans un quartier, et près de 10 % considèrent que la densité n’est pas un problème pour eux. Par ailleurs, près de 63 % des répondants considèrent que la densité est un point négatif pour eux, sauf si elle est maîtrisée, notamment au moyen d’un bon aménagement (grands espaces, voies larges, rues piétonnes, etc.).

Afin de compléter ces réponses, il est également intéressant de les comparer avec les réponses à la question précédente concernant la possibilité de s’installer en Seine-Saint-Denis dans un quartier intense. Lorsque nous isolons uniquement les retours des répondants pour lesquels la densité est un réel problème, nous constatons que cette fois-ci seuls 3 % (6 % si l’on prend en compte les avis positifs sous conditions) des répondants se considéreraient ouverts à un emménagement dans un quartier intense de Seine-Saint-Denis, contre 25 % initialement. À l’inverse, lorsque l’on isole les retours des répondants qui considèrent que la densité n’est pas un problème, près de 34 % (50 % si l’on compte les avis positifs sous conditions) des répondants se déclarent ouverts à vivre en Seine-Saint-Denis dans ces conditions. Cette dernière observation nous permet donc de démontrer l’importance que la notion de densification peut avoir dans les choix des répondants quant à leur lieu de résidence.

Impact de la présence de bureaux et d’entreprises7

Enfin, il nous a semblé intéressant avant de conclure ce questionnaire de le compléter par une question relative à la mixité fonctionnelle.

Si la présence de commerces de proximité est en effet considérée comme très importante par les répondants, nous avons également constaté que la présence de bureaux et d’entreprises du secteur l’était beaucoup moins. Il nous a donc paru pertinent d’évaluer la proportion de répondants qui estiment cette présence comme une réelle opportunité plutôt qu’une contrainte : une majorité de 40 %, et 30 % ne se prononcent pas.

1 Résultats des questions 1 à 9 de l’enquête présentée en annexe 17.

2 Résultats des questions 10 à 12 de l’enquête représentée en annexe 17.

3 Résultats de la question 13 de l’enquête présentée en annexe 17.

4 Annexe 19. Étude sur les critères de décision d’emménagement. Annexe 20. Étude sur les critères de décision d’emménagement (population cadre).

5 Résultats de la question 14 de l’enquête présentée en annexe 17.

6 Résultats de la question 15 de l’enquête présentée en annexe 17.

7 Résultats de la question 16 de l’enquête présentée en annexe 17.

1 Résultats des questions 1 à 9 de l’enquête présentée en annexe 17.

2 Résultats des questions 10 à 12 de l’enquête représentée en annexe 17.

3 Résultats de la question 13 de l’enquête présentée en annexe 17.

4 Annexe 19. Étude sur les critères de décision d’emménagement. Annexe 20. Étude sur les critères de décision d’emménagement (population cadre).

5 Résultats de la question 14 de l’enquête présentée en annexe 17.

6 Résultats de la question 15 de l’enquête présentée en annexe 17.

7 Résultats de la question 16 de l’enquête présentée en annexe 17.

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