Enquête n° 1

Maxime Pinon

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Référence électronique

Pinon, M. (2024). Enquête n° 1. L’intensité urbaine : un outil d’attractivité pour la Seine-Saint-Denis ?. Mis en ligne le 30 octobre 2024, Cahiers ESPI2R, consulté le 08 novembre 2024. URL : https://www.cahiers-espi2r.fr/1503

Dans les parties précédentes, nous nous sommes attachés à définir le concept et les caractéristiques de l’intensité urbaine, et nous avons également présenté l’intérêt pour la Seine-Saint-Denis de renforcer la mixité sociale en accueillant sur son territoire de nouvelles populations, comme des cadres à hauts revenus, afin d’obtenir une plus grande diversité et complémentarité de ses espaces. Maintenant que ces études et l’état de l’art ont été réalisés, il est nécessaire de disposer de données permettant de répondre à notre problématique (« L’intensité urbaine peut-elle être utilisée comme outil d’attractivité pour la Seine-Saint-Denis ? »). Pour cela, il a été décidé de réaliser une étude quantitative afin de recueillir des informations auprès d’un panel de répondants le plus large possible, et ce via deux questionnaires distincts. Le premier a été conçu pour recueillir l’avis des personnes vivant dans une zone d’intensité urbaine en Seine-Saint-Denis, et le second a consisté principalement à interroger des habitants de l’Île-de-France hors de ce département.

La première enquête a été menée pour étudier le potentiel en matière d’intensité urbaine de la Seine-Saint-Denis. Il s’agit de comprendre les raisons pour lesquelles les habitants ont choisi de s’y installer, leurs habitudes de vie dans ce type de quartier, et de recueillir les réponses des habitants des quartiers voisins afin d’effectuer des comparaisons. La ville de Saint-Ouen-sur-Seine a été sélectionnée à cet effet, car elle permet une analyse comparative entre le quartier des Docks, un écoquartier très récent et particulièrement représentatif des problématiques d’intensité urbaine, et les autres quartiers qui composent la ville.

L’enquête a été publiée sur la page Facebook « Audoniens », qui compte 8 000 membres et représente une source importante et diversifiée de répondants potentiels. Une semaine après la publication de l’enquête, 101 réponses ont été reçues, dont 96 étaient exploitables. Parmi ces réponses, 26 proviennent des habitants des docks de Saint-Ouen-sur-Seine (soit environ 28 % des répondants), le reste des répondants étant réparti de manière équivalente dans les autres quartiers de la ville.

Dans les sections suivantes, nous allons analyser le contenu du questionnaire en suivant les principaux thèmes proposés, tout en faisant une analyse comparative entre les réponses des habitants des Docks et celles des habitants des autres quartiers de Saint-Ouen-sur-Seine.

Étude sur les répondants1

Les Docks

Concernant les répondants habitant le quartier des Docks, on constate que leur âge moyen est de 35 ans, et que la composition du foyer la plus représentée est celle des couples (92 % des répondants).

La population active du quartier des Docks est constituée à 77 % de cadres et professions intellectuelles supérieures, et les revenus moyens sont majoritairement supérieurs à 2 000 €, avec une proportion de 39 % des répondants ayant un salaire mensuel net compris entre 2 000 € et 3 000 €, et près de 50 % disposant d’un salaire mensuel net supérieur à 3 000 €.

Enfin, le statut d’occupation des résidences principales est fortement représenté par les propriétaires, qui représentent 77 % des répondants des Docks.

Autres quartiers de Saint-Ouen-sur-Seine

L’âge moyen des répondants résidant dans les autres quartiers de la ville est sensiblement plus élevé, 43 ans. Nous pouvons également observer une différence dans la répartition des catégories socioprofessionnelles et des salaires moyens des répondants, avec 44 % de cadres et professions intellectuelles supérieures, et 59 % de personnes ayant un salaire supérieur à 2 000 €2.

Une différence de profil entre les habitants des Docks et celui des résidant du reste de Saint-Ouen-sur-Seine se dessine : un quartier intense comme les Docks est en mesure d’attirer une population plus importante de jeunes cadres à hauts revenus que des quartiers urbains plus traditionnels.

Par ailleurs, la forte proportion de propriétaires occupants dans le quartier des Docks nous indique que les habitants des quartiers intenses ont tendance à s’y installer à des fins résidentielles plutôt que d’investissement, ce qui est généralement l’un des objectifs recherchés par les municipalités lorsqu’elles envisagent l’aménagement de leur territoire.

Transports et lieu de travail3

La deuxième partie de l’enquête nous a permis d’identifier la perception des répondants quant aux moyens de transport disponibles et aux modes d’accès à leur lieu de travail depuis leur quartier, points essentiels de l’intensité urbaine.

Les Docks

Près de 26 % des répondants habitant le quartier des Docks travaillent dans ce même quartier, et 31 % d’entre eux déclarent se rendre sur leur lieu de travail à pied, à vélo ou en trottinette, ce qui favorise ainsi l’utilisation des transports doux.

De plus, 35 % des cadres interrogés déclarent travailler dans leur quartier grâce aux nombreux bureaux installés, ce qui représente ainsi 40 % de la population cadre qui peut se rendre sur son lieu de travail en transports doux4.

Autres quartiers de Saint-Ouen-sur-Seine

En comparaison, dans les autres quartiers de la ville, seuls 8 % des répondants indiquent travailler dans leur quartier ou depuis leur domicile, ce qui a une nette conséquence sur l’utilisation des moyens de transports : 25 % des répondants utilisent leur voiture pour se rendre au travail et 46 % les transports en commun (contre respectivement 12 % et 58 % des habitants des Docks).

Les répondants, tous quartiers confondus, sont majoritairement satisfaits du système de transport public en place et de la desserte des centralités proches (centre-ville, quartier d’affaires, etc.).

En revanche, les avis sont plus mitigés au sujet de la présence et de l’accès aux transports doux. En effet, aux Docks, 54 % des répondants considèrent que les transports doux sont suffisants et accessibles, contre 37 % dans le reste de Saint-Ouen-sur-Seine5.

Interrogés sur les améliorations à apporter en termes de transport, la majorité des répondants souhaiterait que davantage de pistes cyclables soient aménagées, et surtout que ces pistes soient plus sécurisées. Enfin, nous observons également que les transports doux sont nettement favorisés par les habitants des Docks, en raison de la qualité de l’accès à ce mode de transport.

En nous appuyant sur ces retours, nous pouvons supposer que la mixité fonctionnelle des quartiers à forte intensité urbaine permettrait à une part significative de ses résidents d’exercer leur activité professionnelle à proximité de leur domicile. Cette idée est à valoriser auprès des cadres dont le choix d’emménagement pourrait être fortement influencé en faveur de cet avantage.

Commerces et services6

La présence de commerces de proximité, élément important de l’intensité urbaine, suscite des avis plus contrastés.

Dans le quartier des Docks, 60 % des répondants estiment que leur quartier dispose de suffisamment de commerces de proximité, une opinion partagée par 56 % des répondants des autres quartiers de Saint-Ouen-sur-Seine.

L’objectif d’une zone intense n’est pas seulement de permettre l’accès aux commerces et aux services de proximité, mais il est également important de diversifier cette offre afin de lui apporter une réelle valeur ajoutée par rapport aux quartiers environnants et aux autres centralités. À ce titre, 64 % des répondants habitant le quartier des Docks considèrent que ceux-ci sont suffisamment diversifiés (4 % les considèrent comme « très diversifiés »), contre 30 % dans le reste de la ville7.

La majorité des répondants interrogés sur les améliorations à apporter en termes de diversité des commerces et services mentionne la nécessité de développer l’offre de restauration et de disposer de plus d’écoles, de cabinets médicaux ou de salles de sport, qui font aujourd’hui défaut.

On peut donc observer que la zone d’intensité des Docks a parfaitement répondu aux enjeux d’offre de commerces et de diversité des services attendus d’une telle zone.

Ambiances et convivialité8

L’ambiance urbaine comprend la perception physique du lieu (perception visuelle, olfactive...) et se traduit par différentes composantes, telles que la présence d’espaces verts, son architecture, l’organisation de l’espace et du bâti, la présence ou l’absence de nuisances.

La convivialité d’un lieu se manifeste quant à elle par la présence de divers espaces et services qui favorisent les échanges et le rapprochement des habitants (parcs, espaces publics, jardins urbains, zones de loisirs, aires de jeux pour enfants, marchés, etc.), plaçant ainsi les relations humaines au centre des priorités.

Ces renseignements, partagés dans l’enquête, ont généré des retours contrastés de la part des deux groupes.

Les Docks

Forts de ces informations, les résidents de l’écoquartier ont majoritairement dressé un bilan positif de l’ambiance et de la convivialité de leur quartier, avec 92 % de retours favorables concernant l’ambiance du quartier et 88 % de retours favorables sur sa convivialité.

Cette ambiance positive se traduit également par le fait que 84 % d’entre eux considèrent leur quartier comme dynamique (52 %), voire très dynamique (32 %).

Autres quartiers de Saint-Ouen-sur-Seine

À l’inverse, 44 % des habitants des autres quartiers de la ville émettent un jugement négatif sur l’ambiance, et 40 % sur son caractère convivial. Interrogés sur le dynamisme de leur quartier, 72 % des répondants le jugent peu dynamique, voire inerte9.

Parce qu’ils offrent une certaine qualité de vie, que le ressenti général est le plus souvent positif, et parce qu’ils contribuent à développer les occasions de créer du lien, les quartiers intenses génèrent des opinions et des sentiments beaucoup plus positifs que les zones urbaines plus traditionnelles.

On peut donc clairement analyser qu’un quartier intense comme celui des docks de Saint-Ouen-sur-Seine, en comparaison d’un espace urbain plus standard, retient davantage positivement l’attention de ses habitants quant à la qualité de vie, le ressenti général et les possibilités de relations au sein de leur quartier, ce qui prouve là encore le potentiel d’attractivité des zones d’intensité urbaine.

Habitudes des habitants10

Dans cette enquête, nous avons également analysé les habitudes de vie des résidents, en ce qui concerne les activités et tâches quotidiennes.

Les répondants ont été interrogés sur la fréquence et le lieu de pratique d’activités relatives aux opportunités générées par l’intensité urbaine :

  • aller au café ;

  • aller au parc (lecture, pique-nique, jeux pour enfants...) ;

  • faire du sport (gymnase, footing, skatepark...) ;

  • se promener ;

  • manger au restaurant ;

  • acheter des biens et des services (vêtements, coiffeur, médecin…) ;

  • faire des courses d’appoint ;

  • faire des achats importants.

Les Docks

Pour une grande majorité des habitants des Docks, la plupart de ces activités, telles que se rendre au parc, pratiquer un sport, effectuer une promenade ou faire du shopping, se déroulent dans leur quartier, ce qui témoigne de la pertinence et de la fréquentation des quartiers intenses pour les actions du quotidien.

D’autres activités spécifiques telles que l’achat de biens ou de services, se rendre dans les magasins ou aller au restaurant, sont encore majoritairement réalisées en dehors du quartier. Cependant, nous pouvons noter que même pour ces activités-là, un nombre important de répondants précise (en moyenne 25 à 30 %) qu’elles sont réalisées dans leur quartier ; cela montre ainsi que les Docks regroupent au sein d’un même espace de nombreux commerces et services, ce qui permet de limiter les déplacements.

Autres quartiers de Saint-Ouen-sur-Seine

Ces données sont toutefois très différentes pour les répondants des autres quartiers de Saint- Ouen. En effet, hormis la possibilité de faire ses courses dans son quartier, la grande majorité des répondants indique réaliser ces activités en dehors, ce qui accroît ainsi le recours aux transports11.

Critères de choix d’emménagement12

Cette enquête a également interrogé les répondants sur les principaux critères qui ont déterminé leur choix d’emménager dans leur quartier.

À cette fin, une liste de critères de décision a été établie sur la base des différents axes d’intensité urbaine, et il a été demandé aux répondants d’indiquer les trois principaux critères sans lesquels ils n’auraient pas pris la décision de s’installer dans leur quartier.

Après analyse des retours, nous observons à nouveau des écarts significatifs dans les critères de décision entre les habitants du quartier des Docks et ceux du reste de Saint-Ouen-sur-Seine.

Les Docks

Les deux critères les plus déterminants sont la présence de transports publics à proximité, pour 88 % des répondants, et l’ambiance pour 72 % des répondants. La convivialité figure en troisième position, pour 36 % des répondants, et la présence de commerces de proximité pour 24 %.

En outre, 16 % ont indiqué que la présence de bureaux et de commerces dans leur quartier a été un facteur essentiel, ce qui n’est pas surprenant compte tenu du nombre d’habitants des Docks qui y travaille.

Autres quartiers de Saint-Ouen-sur-Seine

Les critères de décision pour les personnes habitant hors des Docks sont bien différents. Si la présence de transports en commun à proximité reste un facteur déterminant pour 78 % des répondants, le deuxième facteur est le prix d’achat de leur logement, toujours pour 78 % des répondants. Les deux critères suivants ne sont ni l’ambiance ni la convivialité du lieu, mais la présence de commerces de proximité, pour 34 % des répondants, et la qualité du logement pour 25 % des répondants13.

Nous pouvons donc clairement constater un net clivage dans les critères de décision entre les personnes souhaitant vivre dans une zone d’intensité urbaine et les habitants de quartiers urbains plus « classiques », qui n’ont visiblement pas les mêmes priorités dans la détermination de leur futur lieu de vie.

À l’exception des transports publics, qui restent primordiaux pour l’ensemble des répondants, nous constatons que les habitants des quartiers intenses privilégient des caractéristiques communes à ces lieux, telles que l’ambiance et la convivialité, tandis que les habitants des quartiers urbains plus « classiques » se décident surtout en fonction du prix d’achat.

Lieu d’origine des répondants14

Enfin, et ce afin de pouvoir parfaitement analyser les retours en fonctions des profils des répondants, il semblait également indispensable dans le cadre de cette enquête de se renseigner sur l’origine des répondants avant leur emménagement à Saint-Ouen-sur-Seine.

Il a été demandé aux répondants s’ils étaient auparavant originaires de la Seine-Saint- Denis avant leur installation. Il est intéressant de constater que 84 % (79 % pour les cadres) des habitants des Docks ont déclaré ne pas avoir précédemment vécu en Seine-Saint-Denis, contre 57 % des répondants des autres quartiers15.

Il a également été décidé de compléter cette question par une seconde visant à déterminer si les répondants venant d’autres départements auraient pu envisager un déménagement en Seine-Saint-Denis mais dans un autre quartier. Aucun des habitants des Docks n’a répondu par un « oui » catégorique. Néanmoins, 61 % d’entre eux ont répondu « oui, mais uniquement dans un quartier à la typologie similaire » et près de 9 % ont répondu « oui, mais en logement individuel ».

À partir de ces retours, nous pouvons constater qu’une zone d’intensité urbaine comme les Docks mais qui, compte tenu des retours mentionnés ci-dessus pourrait s’appliquer à d’autres quartiers de cette nature, remplit très bien son rôle de pôle d’attractivité pour les populations voisines.

1 Résultats des questions 1 à 7 de l’enquête présentée en annexe 7.

2 Annexe 9. Comparaisons des revenus et des catégories socioprofessionnelles.

3 Résultats des questions 8 à 13 de l’enquête présentée en annexe 7.

4 Annexe 10. Lieu de travail des cadres habitant les Docks.

5 Annexe 11 : Comparaison sur les transports doux.

6 Résultats des questions 14 à 16 de l’enquête présentée en annexe 7.

7 Annexe 12. Comparaison sur la diversité des commerces.

8 Résultats des questions 17 à 19 de l’enquête présentée en annexe 7.

9 Annexe 13. Comparaison sur les enjeux d’ambiances et de convivialité.

10 Résultats des questions 20 à 21 de l’enquête présentée en annexe 7.

11 Annexe 14. Comparaison sur les habitudes des habitants.

12 Résultats des questions 22 à 23 de l’enquête présentée en annexe 7.

13 Annexe 15. Comparaison des critères de décision.

14 Résultats des questions 24 à 25 de l’enquête présentée en annexe 7.

15 Annexe 16. Comparaison sur les lieux d’origine des répondants.

1 Résultats des questions 1 à 7 de l’enquête présentée en annexe 7.

2 Annexe 9. Comparaisons des revenus et des catégories socioprofessionnelles.

3 Résultats des questions 8 à 13 de l’enquête présentée en annexe 7.

4 Annexe 10. Lieu de travail des cadres habitant les Docks.

5 Annexe 11 : Comparaison sur les transports doux.

6 Résultats des questions 14 à 16 de l’enquête présentée en annexe 7.

7 Annexe 12. Comparaison sur la diversité des commerces.

8 Résultats des questions 17 à 19 de l’enquête présentée en annexe 7.

9 Annexe 13. Comparaison sur les enjeux d’ambiances et de convivialité.

10 Résultats des questions 20 à 21 de l’enquête présentée en annexe 7.

11 Annexe 14. Comparaison sur les habitudes des habitants.

12 Résultats des questions 22 à 23 de l’enquête présentée en annexe 7.

13 Annexe 15. Comparaison des critères de décision.

14 Résultats des questions 24 à 25 de l’enquête présentée en annexe 7.

15 Annexe 16. Comparaison sur les lieux d’origine des répondants.

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