Dans cette partie, nous nous concentrerons sur les outils fonctionnels qui sont directement liés aux projets immobiliers et qui visent l’intensité urbaine.
Différentes solutions d’intensité urbaine pouvant être intégrées au cœur des projets seront abordées. Pour appuyer ces propos, nous étudierons les docks de Saint-Ouen-sur-Seine, qui représentent un très bon exemple d’intensité urbaine à une échelle raisonnable et se situant en Seine-Saint-Denis.
Les typologies de bâti et de logement
Comme nous l’avons vu tout au long de ce mémoire de recherche, l’intensité urbaine passe en grande partie par la densification, mais aussi par la qualité architecturale et la diversification de l’habitat. Il est donc nécessaire de proposer une densification raisonnée et réfléchie.
Tout d’abord, afin de densifier, il sera nécessaire de proposer des logements collectifs récents, allant généralement de R +4 à R +6, et représentant une densité moyenne de 150 à 300 logements par hectare (Forestier & Renault, 2014, p. 13). En ce sens, un projet de densification doit également appréhender les problématiques de cohérence des implantations et d’harmonie entre les bâtiments. Il ne faudra donc pas raisonner de manière individuelle mais, au contraire, proposer des bâtiments qui présentent des continuités logiques et intégrés harmonieusement dans leurs espaces. Il est intéressant de concevoir des bâtiments de même typologie de formes et de hauteur, tout en privilégiant l’utilisation de matériaux et de produits pouvant s’intégrer harmonieusement et créer un véritable ensemble architectural.
Pour permettre un accueil favorable des immeubles de grande hauteur, et de la densification qui les accompagne, il sera nécessaire de prévoir des axes structurants (voirie, cheminement piéton, etc.) dont la largeur sera suffisante pour garantir un espace de vie agréable et aéré aux résidents, en intégrant le principe de cohérence des aménagements et de convivialité de l’intensification urbaine.
La mixité sociale est également un élément important des projets d’intensification, en proposant notamment des logements suffisamment diversifiés pour recevoir tous les types de ménage. À ce sujet, il peut être opportun d’offrir, en plus de l’habitat collectif dense, des constructions proches de la maison individuelle, très demandées par de nombreux profils en quête d’espace et de logement individuel. Cependant, cela est en contradiction avec la volonté de densification car le modèle pavillonnaire représente généralement une densité comprise entre 5 et 40 logements/hectare (Forestier & Renault, 2014, p. 13).
L’une des solutions est alors le modèle de l’habitat intermédiaire. Ce type de logement représente, comme son nom l’indique, une forme urbaine intermédiaire entre la maison individuelle et l’immeuble collectif. Il est généralement matérialisé par la création d’un ensemble de logements superposés présentant des caractéristiques proches de celles de l’habitat individuel, notamment en termes de vie privée, comme des bâtiments avec accès individuel aux logements ou avec des espaces extérieurs privatifs spacieux pour chaque logement (grandes terrasses ou jardins). Avec une densité comprise entre 70 et 120 logements par hectare et un maximum de deux étages (Forestier & Renault, 2014, p. 13), ce modèle pourrait venir compléter, sans le remplacer, celui de l’habitat collectif et apporter une diversification des bâtiments et des logements au projet d’intensité urbaine.
Un ensemble dense doit pouvoir proposer une typologie d’habitat variée au sein d’un même programme, ce qui peut notamment se traduire par l’association d’habitats collectifs et intermédiaires, mais également par une large diversité de logements proposés. Afin de pouvoir accueillir tous types de populations, une opération d’habitat intense doit pouvoir proposer des logements allant du studio, par exemple pour des ménages à faibles revenus ou pour des étudiants, à des logements de type T5 pour des familles nombreuses, tout en tenant compte de l’évolution des ménages.
Pour favoriser une opération de logements dense, il est également essentiel d’insister sur ses qualités en termes d’habitabilité. Ainsi, il est important de pouvoir offrir de grands volumes et de privilégier les logements à double orientation (pour l’ensoleillement et le renouvellement de l’air), ce qui s’intègre notamment dans les enjeux d’ambiances de l’intensité urbaine.
Nous pouvons citer en exemple le projet du 191-193 avenue du président Wilson à Saint-Denis. Cet ensemble, en plus d’accueillir des logements collectifs denses (jusqu’à R +7), prévoit également des habitats intermédiaires en cœur d’îlot, comme présenté ci-dessous (voir la figure 6).
Ce projet intègre une diversité de logements : 42 logements collectifs allant du studio au T5 en duplex ainsi que sept logements individuels et intermédiaires en cœur d’îlot (Forestier & Renault, 2014, p. 41). La qualité de l’habitat a également été prise en compte, puisque ce projet propose par exemple des vues dégagées (notamment grâce aux logements intermédiaires), des logements traversants ou encore des duplex, des attiques pour favoriser l’accès aux espaces extérieurs. Le projet est par ailleurs traversé par un large accès piéton, ce qui permet de créer une ambiance plus aérée pour les habitants. Construit notamment à la place d’un entrepôt, cet ensemble immobilier, en plus d’améliorer la qualité architecturale du foncier, a permis d’en augmenter la densité. En effet, le coefficient d’occupation des sols (COS) est passé de 0,5 à 2,2, avec l’installation de 150 personnes (estimation), et ce malgré la présence d’habitats intermédiaires sur une très forte majorité de la surface parcellaire. On voit donc que l’intégration d’habitats intermédiaires peut être une réelle solution d’intensification en complément de l’habitat collectif.
Organiser la centralité et les transports
Comme déjà présenté, un des principaux leviers de l’intensité urbaine est la centralité de l’espace, notamment au moyen de la polycentralité. Celle-ci doit tout d’abord passer par une démarche d’articulation des transports à une échelle communale, mais également intercommunale, afin de relier les centralités des communes alentour.
Il convient donc d’identifier le potentiel du réseau existant et de concevoir des projets de transport répondant aux besoins et enjeux futurs. Pour cela, on peut utiliser la méthode du « carroyage », comme cela a été fait par l’Atelier parisien d’urbanisme (Apur) pour déterminer les emplacements des stations Vélib’ 119 (Charmeau, 2015, p. 40). Cet outil est utile pour analyser et synthétiser diverses sources d’information en associant plusieurs critères urbains tels que la densité de population, la densité d’emploi ou encore les commerces. Une telle étude permettrait de faciliter le choix des emplacements de nos futures centralités au regard des besoins mais aussi des opportunités actuelles.
Il est donc essentiel de prioriser le développement de ces nouvelles centralités autour de quartiers disposant de transports opérationnels qui offrent un accès à d’autres centralités proches (centres commerciaux, centres-villes, centres d’activités, etc.).
Outre la présence de transports en commun à fort rayonnement (RER, bus, métro, etc.), il est également nécessaire de réfléchir au développement d’un réseau de circulations douces pour augmenter et rendre plus agréables les déplacements de proximité tout en réduisant les diverses nuisances du quotidien. L’organisation de ces circulations devra également se faire de manière à connecter entre eux les accès aux stations existantes et à relier les quartiers d’intensité proche. Différentes solutions peuvent être trouvées, comme l’aménagement d’espaces publics pour favoriser les déplacements des piétons (mails piétons, rues piétonnes) ou la mise en place de pistes cyclables agrémentées de stations de vélos en libre service.
La modélisation de ces nouveaux axes doit néanmoins se faire de manière pertinente par l’aménagement de grands espaces, tels que des mails piétonniers au cœur des quartiers dont la largeur est suffisante pour garantir un espace aéré et convivial. Il s’agit d’un axe important de l’intensité urbaine lié au bien-être et au ressenti des habitants (enjeu d’ambiances).
Pour rendre ces nouvelles centralités fonctionnelles et contribuer à l’utilisation des circulations douces et des transports en commun, l’aménagement de ces centralités doit également intégrer une politique de stationnement adaptée aux besoins des habitants et aux nouveaux flux de visiteurs (nouveaux visiteurs en lien avec la présence de commerces ou de bureaux, par exemple). Il sera donc nécessaire d’adapter au mieux les possibilités de stationnement proposées, comme avec la création de parkings publics ou mutualisés, ou encore avec la présence de stations de covoiturage qui mettent en relation les riverains.
C’est ainsi que l’organisation de la centralité des docks de Saint-Ouen-sur-Seine a été pensée. À travers l’OAP élaborée à cet effet, la commune de Saint-Ouen-sur-Seine a imaginé son nouveau quartier en intégrant les transports déjà présents et ceux à créer. Dans cette OAP, il a été identifié les divers centres et axes de transports actuels (RER, métro, bus, etc…) ainsi que ceux à prévoir pour le projet. Il s’agissait de proposer une diversification des modes de transport en favorisant des alternatives au transport routier, à savoir le transport fluvial et ferroviaire, mais aussi de valoriser l’utilisation des transports en commun et des modes doux. Pour ceci, l’objectif a donc été de développer les actions nécessaires à la mise en œuvre de plusieurs projets, comme :
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le prolongement de la ligne 14 du métro ;
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la création d’une navette fluviale permettant de relier Saint-Ouen-sur-Seine à La Défense ;
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la création de nouvelles pistes cyclables au cœur du projet permettant de relier les gares RER et métro à proximité ;
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la création d’interconnexions à travers les communes voisines, telles que le prolongement de la piste cyclable des docks à l’île Saint-Denis ;
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compléter le réseau de bus pour desservir facilement le quartier vers d’autres points centraux de la commune et intercommunaux ;
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le renforcement de la présence de stations Vélib’ dans le quartier.
Dans différents secteurs des Docks, le stationnement automobile a été aménagé quantitativement pour satisfaire l’ensemble des nouveaux besoins, mais aussi de manière qualitative, notamment pour limiter l’impact visuel et environnemental. De nombreux espaces de stationnement ont ainsi été intégrés au cœur des docks afin de faciliter l’accès au site par les automobilistes mais permettant également un stationnement de longue durée pour emprunter les transports à proximité. Une mutualisation des espaces de stationnement a été réalisée aux endroits les plus adéquats par une évaluation des besoins en fonction de la nature des opérations et de la proximité des transports. Entre 2015 et 2016, 1 486 places de stationnement mutualisées ont été proposées aux résidents et aux salariés des entreprises voisines. En 2019, cette offre a été complétée par la mise à disposition de 800 places de parking partagées supplémentaires.
La qualité environnementale
En densifiant un espace, l’activité humaine est inévitablement augmentée, ce qui a de nouveaux impacts sur l’environnement qu’il est nécessaire d’anticiper. Afin de permettre à une nouvelle zone d’intensité urbaine d’apporter une qualité environnementale forte et de pallier cette augmentation d’activité et de population, de nombreuses mesures peuvent être envisagées.
D’abord, une meilleure gestion de l’eau peut être menée grâce à des réaménagements des espaces publics extérieurs qui favorisent la circulation, l’infiltration et la dépollution des eaux pluviales. Cette gestion de l’eau, en plus d’avoir un impact environnemental intéressant et peu coûteux, présente également un avantage paysager en permettant de réintégrer la nature en milieu urbain et ainsi agir sur les problématiques d’ambiance. Par exemple, dans le parc des docks de Saint-Ouen-sur-Seine, la maîtrise et la dépollution des eaux pluviales sont assurées par des techniques exclusivement paysagères :
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les eaux pluviales sont collectées au niveau des toitures-terrasses successives et des aires de stockage plantées en cœur d’îlot et spécifiques à chaque construction. Elles sont ensuite évacuées vers la rue et les espaces publics, et collectées dans des noues végétalisées. La création de toitures-terrasses végétalisées sur chaque îlot permet de collecter et de stocker 30 à 50 % des eaux pluviales ;
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les eaux pluviales des voiries sont collectées à ciel ouvert dans des noues végétalisées situées sur l’espace public ;
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dans le Grand Parc, les eaux sont récupérées dans un bassin de 13 000 m3, puis assainies et filtrées dans un ensemble de jardins filtrants.
Ensuite, de meilleurs choix énergétiques peuvent être faits, en utilisant des réseaux de distribution en énergie plus performants et moins polluants. Plusieurs solutions peuvent être envisagées, comme les systèmes de microgrids ou microréseaux. Il s’agit ici de raccorder son immeuble à des boucles locales de distributions d’énergie. Ces boucles énergétiques circulaires fermées ont pour principe d’être composées uniquement d’énergies renouvelables (biocarburant, pompe à chaleur, éolien, solaire, etc.) ou alors d’énergies fatales. Cela permet d’optimiser l’utilisation d’énergies non polluantes tout en atténuant les pertes et les coûts financiers et environnementaux générés par les boucles ouvertes et non 100 % renouvelables. La ville de Cachan, par exemple, est équipée d’un système géothermique qui raccorde les programmes voisins à ce système énergétique. Quant à l’énergie fatale, elle provient de la récupération de la chaleur de sites de production proches qui ne consomment pas cette énergie (comme la chaleur dégagée par les data centers). Une étude de proximité doit donc être réalisée lors de la réflexion sur le projet. Un des objectifs du programme de rénovation de l’usine d’incinération des docks de Saint-Ouen-sur-Seine est d’ailleurs de permettre la récupération de la chaleur résiduelle produite par les vapeurs d’eau (permettant par la même occasion la réduction des nuisances liées aux fumées) et sa redistribution aux systèmes environnants.
En outre, dans le cadre de la qualité environnementale du programme, il est également important de raisonner à une échelle plus petite, à savoir celles du bâtiment et des logements. À l’heure de la prise de conscience collective de la nécessité de créer des logements non polluants, à faible consommation énergétique ou à faible impact environnemental, plusieurs solutions se présentent. Parmi elles, l’utilisation des énergies fatales, de nouveau, mais cette fois à l’échelle du logement. Il est en effet possible de se doter de systèmes ou de technologies qui récupèrent les sources de chaleur perdues dans le bâtiment, comme celle des condensateurs des réfrigérateurs. Par exemple, le système canadien innovant Solarduct permet de produire de l’électricité grâce à des panneaux photovoltaïques tout en assurant un chauffage de l’air d’un bâtiment avec la chaleur produite par les panneaux. La démocratisation des systèmes smart building offre également la possibilité de tendre vers cette direction afin d’optimiser l’utilisation des énergies dans le bâtiment.
On peut également citer la labellisation et la certification des immeubles, comme la HQE Haute Qualité Environnementale (HQE) qui établit 14 cibles pour une meilleure qualité environnementale des bâtiments :
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les cibles d’écoconstruction : relation harmonieuse des bâtiments avec l’environnement immédiat, choix intégré des procédés et des produits de construction, chantiers à faibles nuisances ;
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les cibles d’écogestion : gestion de l’énergie, gestion de l’eau, gestion des déchets d’activités, entretien et maintenance ;
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les cibles de confort : confort hygrothermique, acoustique, visuel et olfactif ;
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les cibles de santé : conditions sanitaires, qualité de l’air, qualité de l’eau.
Pour qu’un projet soit certifié HQE, il devra atteindre sept cibles au maximum avec au moins quatre cibles au niveau performant et trois au niveau très performant.
À une échelle un peu plus large, on peut également évoquer le label Ecoquartier. En effet, le terme « écoquartier » est de plus en plus populaire et constitue un vecteur marketing important car il est synonyme pour le consommateur de haute qualité environnementale et urbaine. Lancé en décembre 2012, ce label permet aux promoteurs et aux aménageurs de valoriser leurs projets, en s’assurant que de la conception à la livraison, ils remplissent des critères écologiques strictes.
La reconversion des sites industriels et l’effet de la densité sur l’environnement
La reconversion de sites industriels est un levier qui permettrait une importante intensification urbaine dans les agglomérations de Seine-Saint-Denis, en raison des nombreuses vastes zones industrielles ou d’activités susceptibles d’accueillir de grands projets d’aménagement.
Ces terrains ont l’avantage d’être généralement peu coûteux, et les collectivités locales sont généralement ravies de voir ces zones inutilisées se redynamiser. Néanmoins, leur mutation se révèle souvent complexe car elle nécessite des démolitions et des dépollutions qui sont souvent plus contraignantes et coûteuses que celles des fonciers standards. Un projet dense permettra donc d’équilibrer les coûts de l’opération tout en revitalisant le secteur (Pradel & Duffrene, 2018).
En outre, cette densification présente d’autres avantages, comme la réduction de la quantité de réseaux nécessaires, la rationalisation du traitement des déchets et l’amélioration de la gestion de l’eau. La compacité des formes urbaines permet également d’agir sur la consommation d’énergie de chauffage en intervenant sur les surfaces des bâtiments.
Le site des docks de Saint-Ouen-sur-Seine est en ce sens un très bon exemple de mutation de zone industrielle et d’activités en nouveau lieu de vie intense. Depuis le début du xxe siècle, ce secteur est un site industriel majeur, avec l’implantation de structures telles qu’Alsthom1, EDF ou la compagnie parisienne de distribution électrique. Depuis les années 1960, malgré le déclin de l’industrie, le quartier a maintenu une certaine activité industrielle. Cependant, plusieurs sites industriels sont délaissés, et le nombre de friches et de locaux désaffectés augmente. Un redéveloppement du site, à vocation principalement résidentielle mais aussi tertiaire, a donc été envisagé, en utilisant les 100 hectares disponibles du site, principalement exploités en friche ou en locaux d’activités (Apur, 2006).
La qualité des espaces publics
L’un des axes majeurs de l’intensité urbaine est celui de la qualité urbaine, qui comprend la qualité environnementale et architecturale déjà présentée plus haut, mais aussi la qualité paysagère et la fréquentation des espaces publics. Un projet d’intensification passe donc par l’équilibre entre la densité des constructions et la qualité des espaces publics.
En effet, les aménagements proposés vont permettre de dynamiser le quartier et de générer de l’animation, ce qui est essentiel dans le processus de densification en raison de l’importance de l’« enjeu d’ambiance et de convivialité ». Au-delà de leur aménagement et de leur exploitation, les espaces publics doivent être des lieux privilégiés d’échanges et de sociabilisation tout en offrant un cadre attractif et générateur de bien-être pour les habitants. Il est donc primordial de réfléchir en amont du projet aux diverses solutions pour répondre à ces défis. La densification répond en partie à cette problématique en libérant de plus grandes surfaces de terrain qui auraient pu être prévues pour accueillir des logements mais qui sont retenues pour des projets d’espaces publics.
En fonction de la disponibilité foncière, la création d’un parc ou d’un espace vert au sein du projet peut être envisagée, avec un espace de détente pour pratiquer diverses activités (sport, pique-nique, etc.) ou organiser des animations et des rencontres (foire, marché, concert, etc.). D’autres idées peuvent être envisagées dans le cadre de la création de ce type d’espace, comme le développement d’aires de jeux pour enfants ou d’aires sportives (skatepark, terrain multisport), ce qui offre convivialité et échanges tout en contribuant à l’attractivité du lieu pour les familles et les jeunes actifs. Une autre piste est l’intégration de jardins urbains (comme une roseraie) ou de jardins associatifs, ce qui attire les personnes en quête de nature tout en leur permettant de cultiver leurs légumes dans une ambiance de partage et de vie collective.
Une autre priorité est l’aménagement des places et des voies publiques. L’objectif est d’améliorer la qualité architecturale du quartier en encourageant le recours à des matériaux de qualité capables de s’intégrer harmonieusement à leur environnement (par exemple, en recommandant des coloris de façade naturels, notamment à proximité des espaces verts). Le travail sur les espaces publics doit également rendre ces derniers plus ouverts, aérés et sûrs pour les résidents. Pour y parvenir, plusieurs choix de conception peuvent être considérés. L’architecture des bâtiments doit être conçue de manière à limiter l’effet compact que produisent les grands ensembles. Cela peut se faire en optimisant la disposition des terrasses, en jouant sur les dimensions des bâtiments, leur configuration, les couleurs des façades, en recourant à l’épannelage ou aux cœurs d’îlot. Par exemple, on peut privilégier des voies très larges (minimisant l’impact visuel des immeubles de grande hauteur et le sentiment d’insécurité) ; les bonus de constructibilité pour les bâtiments érigés en retrait peuvent être utiles dans ce cas.
On peut également proposer des percées visuelles vers des éléments paysagés attractifs (parc, cœur d’ilot, monument historique, etc.), réglementer les ratios de pleines terres et d’espaces végétalisés, ou encore jouer avec les éclairages des rues (Pradel & Duffrene, 2018, p. 62). Tout cela permet de jouer sur l’ambiance mais également sur le sentiment de sécurité.
Le site des docks de Saint-Ouen-sur-Seine intègre donc de nombreux paramètres de qualité urbaine vus ci-dessus. En effet, à travers son OAP, plusieurs objectifs de développement ont été fixés, présentés par sous-ensembles sectoriels cartographiés.
Il a ainsi été proposé les solutions d’aménagement suivantes (PLUi Plaine Commune, 2020, p. 14) :
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diversification des hauteurs proposées, notamment par épannelage ;
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création d’espaces ouverts centraux ;
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aménagement d’ouvertures visuelles vers les espaces libres et les espaces verts ;
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mise en place de cœurs d’îlot ;
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création de zones piétonnes et promenades arborées.
De nombreuses autres solutions d’aménagement sont également mentionnées dans l’OAP des docks de Saint-Ouen-sur-Seine, telles que la « revalorisation des berges de Seine au bénéfice de la qualité des paysages et de la biodiversité », le « renforcement de la place du végétal dans la ville avec, en premier lieu, la création d’un vaste parc public qui s’inscrit dans les 12 hectares d’espaces verts au nord-est du site », ou encore « la préservation des vues et perspectives sur Montmartre comme sur la Seine » (PLUi Plaine Commune, 2020, p. 8).
La mixité fonctionnelle
La mixité d’usage ou mixité fonctionnelle peut également être prise en compte lorsqu’on parle d’intensité urbaine. Lors de la modélisation d’une zone d’intensité urbaine, il convient de mettre l’accent sur la création de logements, mais aussi de concevoir une zone pouvant répondre à divers usages. Nous avons déjà abordé l’utilisation de l’espace public à des fins de repos, de loisirs et de convivialité, mais il est également nécessaire de réfléchir aux nouveaux espaces disponibles en termes d’activités.
Pour créer un lieu intense, il ne s’agit pas simplement de le rendre dense, central et agréable à vivre, mais aussi de le rendre attractif pour les habitants du quartier et de la ville ou des communes voisines. Un enjeu essentiel en zone intense est donc de prévoir et de permettre la création de locaux commerciaux de qualité en pied d’immeuble, notamment avec des typologies de surface diversifiées pour permettre l’implantation de tout type de commerce (restaurant, épicerie fine, supermarché, salon de coiffure...). L’objectif est de permettre la création de commerces du quotidien pour les habitants et de commerces proposant une offre de produits et services spécifiques, ciblés afin de rendre le quartier unique et d’apporter une réelle valeur ajoutée par rapport aux autres centralités proches. En ce sens, et en amont du projet, des études de marché doivent être réalisées, méthode du carroyage à l’appui ou au moyen d’une consultation des habitants. De nombreux besoins ont été identifiés au cours de cette étude : des plus classiques comme la demande de boucheries, de supérettes, de cabinets médicaux ou de pharmacies ; aux plus singuliers comme l’implantation de magasins bio, de supermarchés automatiques ou de cinémas de quartier.
Les services et les équipements urbains tels que les équipements sportifs et culturels, les écoles et les universités, les centres de soins, par exemple, sont également des éléments majeurs de l’attractivité à grande échelle (attractivité intercommunale) qui doivent être développés en fonction des possibilités.
Enfin, nous pouvons nous intéresser à l’intégration de locaux tertiaires, notamment de bureaux. Comme nous l’avons observé lors de notre étude du département de la Seine-Saint-Denis, celui-ci est principalement composé d’entreprises de construction ou industrielles et manque encore de structures tertiaires, capables d’accueillir de nombreux cadres. L’implantation de bâtiments tertiaires peut donc constituer un vecteur important d’intensité urbaine pour le quartier, et ce à grande échelle en permettant l’implantation d’entreprises, et donc le développement économique du territoire tout en encourageant l’emménagement de la population de cadres issus d’entreprises installées dans le quartier.
Pour ce faire, les différents outils d’urbanisme présentés précédemment peuvent être utilisés pour privilégier ces implantations, par exemple en imposant la création d’immeubles de bureaux sur des sites spécifiques ou l’installation systématique de locaux commerciaux en pied d’immeuble par le biais d’une OAP.
Dans le cas des docks de Saint-Ouen-sur-Seine, le site a été entièrement conçu selon ce principe de mixité fonctionnelle et intègre de nombreux bâtiments de commerces et de bureaux. Cette programmation s’est traduite dans l’OAP, dont les objectifs comprenaient la diversification des fonctions urbaines par « la création de vastes espaces de mixité dans lesquels les différentes fonctions de la ville s’entremêlent », et précisant que les espaces de mixité devaient être répartis équitablement, avec un minimum de 50 % réservé aux espaces résidentiels et le reste aux activités tertiaires qui « réparties au sein des différents quartiers, garantissent une animation permanente de la ville » (PLUi Plaine Commune, 2020, p. 10).
Les besoins de cette activité tertiaire ont été définis comme il suit :
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« des activités de toute nature qui peuvent s’inscrire dans les rez-de-chaussée des constructions ;
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des commerces qui consolident le pôle commercial autour de centres-villes ;
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des services et des équipements de proximité, nécessaires aux usagers des quartiers, habitants comme salariés, mais également des équipements scolaires et des grands équipements d’intérêt communal, voire métropolitain » (PLUi Plaine Commune, 2020, p. 10).
Le choix s’est donc porté sur une grande mixité fonctionnelle pour le quartier des Docks, qui s’inscrit dans une forte dynamique d’intensité urbaine et est représentée par les implantations suivantes (liste non exhaustive) :
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deux gymnases ;
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un groupe scolaire ;
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plus de 500 000 m² de bureaux répartis dans une quinzaine de bâtiments ;
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12 500 m² de locaux à usage mixte (bureaux et commerces) ;
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plus de 40 000 m² de commerces, dont plusieurs grands complexes (par exemple, 14 000 m² de surfaces commerciales dans un seul complexe en zone nord) ;
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près de 1 000 m² de locaux d’activité ;
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un centre de loisirs ;
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une crèche ;
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la police municipale.
Les outils d’analyse de l’intensité
D’une part, à l’heure actuelle, il n’existe pas de réels outils de calcul de l’intensité urbaine, et ce notamment en raison de la relative jeunesse de cette notion.
D’autre part, et ce bien que l’intensité urbaine induise des éléments très factuels et quantitatifs comme les transports ou la densité, elle intègre une part importante de subjectivité liée au ressenti des habitants. Il est donc difficile de créer un outil d’analyse de l’intensité.
Toutefois, cet exercice a été entrepris par la direction départementale des territoires du Puy- de-Dôme dans leur document Intensité urbaine : un outil pour une consommation maîtrisée des espaces en utilisant un système de « superposition » des informations les plus importantes (Direction départementale des territoires du Puy-de-Dôme, 2020). La méthode de visualisation la plus appropriée pour calculer l’intensité urbaine est l’utilisation de « la carte de chaleur » qui consiste à représenter un emplacement dont la couleur peut varier entre le vert et le rouge en fonction du critère choisi (ici l’intensité urbaine).
Les critères de cette carte sont regroupés par thématique, à savoir :
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« l’habitat : la densité de logements (fichiers fonciers) ;
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l’ancienneté du bâti : la date de construction du bâti (fichiers fonciers) ;
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le commerce : la densité de commerces (fichiers fonciers) ;
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le patrimoine : la densité de monuments historiques ;
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l’urbanisme de courte distance : une isochrone à partir de la mairie (ensemble des points accessibles en moins de 5, 10 ou 15 minutes, réalisé grâce à l’IGN) ;
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les services au public : la densité en établissements recevant du public (ERP) » (Direction départementale des territoires du Puy-de-Dôme, 2020, p. 12).
Pour réaliser cette cartographie d’intensité, il est rappelé que plusieurs étapes sont à suivre :
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tracé d’un quadrillage de 50 m par 50 m ;
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attribution à chaque carreau de 2 500 m² de huit variables répartie en deux catégories : cinq variables quantifiables (densité de logements, nombre d’habitations datant d’avant 1955, nombre de commerces, nombre de bâtiments classés monuments historiques, nombre d’établissements recevant du public) ; trois autres variables binaires selon son temps de trajet jusqu’à la mairie (1 s’il est à moins de 5 minutes de la mairie, 0 sinon ; 1 s’il est à moins de 10 minutes de la mairie, 0 sinon et 1 s’il se situe à moins de 15 minutes de la mairie, 0 sinon). Chacune des cinq variables quantifiables est retransposée sur une échelle de 1 à 3 ;
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la somme de ces huit variables permet d’attribuer une valeur d’intensité urbaine retransposée sous forme de couleur (aucune couleur si la somme des variables est égale ou inférieure à 4).
Il convient toutefois de souligner que, bien que pertinent à bien des égards comme le prouvent la méthodologie choisie pour la réalisation de la carte et la sélection des variables prises en compte, cet outil d’analyse présente des limites. En effet, il ne permet pas de restituer l’ensemble des concepts de l’intensité urbaine, en particulier ceux les plus subjectifs tels que le ressenti de la population, notamment vis-à-vis de la qualité architecturale, urbaine ou environnementale.
La concertation auprès des habitants
Comme présenté dans les sections précédentes, la mise en œuvre des projets d’intensification peut être proposée au moyen de plusieurs leviers, qu’ils soient législatifs, organisationnels ou fonctionnels. Néanmoins, et ce qu’importe le nombre ou l’importance des mesures prévues, il est primordial de garder à l’esprit la nécessité d’organiser des concertations auprès des riverains concernés.
Cette concertation suppose d’associer les habitants et les usagers, qui sont les mieux placés pour porter un regard sur la vie quotidienne de leur quartier, ainsi que les différentes parties prenantes (élus, opérateurs, etc.). Elle doit être prévue le plus en amont possible du projet, généralement dès la phase de réflexion et de conception à sa réalisation voire après, de manière à obtenir des retours constructifs sur les résultats du projet (Palisse, 2009, p. 59).
Ces consultations peuvent prendre plusieurs formes :
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enquêtes et questionnaires à l’attention des riverains ;
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organisation de réunions régulières ;
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création d’une structure de pilotage pour assurer la coordination et la médiation entre toutes les parties prenantes.
Cette démarche collaborative auprès des habitants et des riverains aura deux finalités (Palisse, 2009, p. 59) :
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la prise en compte des pratiques et des usages quotidiens pour la réflexion autour des attentes et des enjeux d’évolutions autour du projet ;
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l’obtention de l’approbation des habitants et de l’opinion publique pour le projet.