L’intensité urbaine doit se concevoir en pensant densité et centralité, mais elle doit aussi être enrichie d’une réflexion sur la qualité urbaine.
Alors qu’à la fin du xxe siècle les préoccupations en matière de logement et d’habitat relevaient d’un urbanisme quantitatif vertical, celles des pouvoirs publics et des urbanistes tendent aujourd’hui de plus en plus vers une approche qualitative et horizontale de l’urbanisme (Santini et al., 2009, p. 1). Aussi, si la question du « logement pour tous » reste d’actualité, les projets urbains se doivent désormais de prendre en compte dans leur cahier des charges le fait de renforcer le caractère agréable et convivial des espaces urbains.
Dans le dossier « La qualité urbaine » de Vues sur la ville, il est indiqué que la qualité urbaine consiste en « une prise en compte équilibrée de l’intérêt général et des multiples intérêts particuliers au sein des lieux publics » (Santini et al., 2009, p. 4). La qualité urbaine recouvre par ailleurs un ensemble de propriétés telles que la « dimension humaine et sensorielle, [l’]intensité des lieux, [la] concomitance des échelles et [des] fonctionnalités, [l’]accessibilité et [la] sociabilité. » (Santini et al., 2009, p. 1).
Ce dossier propose de définir la qualité urbaine selon quatre paramètres distincts, à savoir l’opportunité des fonctions, la convivialité des configurations, l’accessibilité en lien avec les normes et la cohérence de l’agencement des territoires (Santini et al., 2009, p. 4-5). L’opportunité des fonctions regroupe ce que nous avons déjà pu évoquer lorsque nous avons vu les questions liées à la centralité et à la ville polycentrique. La qualité urbaine est ainsi synonyme de mixité fonctionnelle, et ce à diverses échelles. Il est également fait mention « d’encourager la multimodalité » qui est le principe de réaliser une même activité de multiples manières par différents usagers. Les auteurs prennent ainsi pour exemple l’offre commerciale qui doit pouvoir s’adresser à plusieurs types de revenus.
Le deuxième champ de la qualité urbaine évoqué dans l’article est celui de la convivialité. Là encore, ce point reprend les notions de centralité et de densité, qui doivent être suffisamment interrogées pour offrir une convivialité sociale aux habitants qui vivront au quotidien cette intensité. La convivialité des lieux a pour finalité de favoriser les échanges et les relations entre les résidents du lieu intense. Les auteurs associent la qualité urbaine aux notions d’ergonomie et d’ambiance. En effet, la qualité urbaine peut s’exprimer par la sécurité que peut offrir un lieu, la maîtrise des éventuelles nuisances (sonores ou olfactives), ou encore l’ergonomie du lieu qui peut se traduire par la qualité technique des équipements proposés. Un espace urbain de qualité doit garantir que les personnes auxquelles il est destiné l’utilisent effectivement. Lors de la conception d’un lieu, il est également important de prendre en compte la manière dont les cinq sens sont susceptibles d’être sollicités. En effet, une expérience sensorielle positive ou négative dans un lieu participe à lui conférer une identité et une réputation.
Le troisième point abordé est celui de la normativité. À chaque lieu sont associées des normes et des modalités d’accès que chaque individu est tenu de respecter et qui déterminent le champ des autorisations et des opportunités d’une part, et des interdictions ou des contraintes d’autre part. On peut ainsi distinguer plusieurs types de normativité, comme la « normativité fonctionnelle », qui présuppose des pratiques et des usages particuliers selon la fonction du lieu (par exemple, bien qu’ils soient des lieux publics, un cimetière, un musée ou un hôpital sont des espaces dans lesquels des comportements et des attitudes implicites sont attendus). La « normativité sociale », quant à elle, fait référence au statut public ou privé de ces espaces. La qualité urbaine dépend donc de la combinaison de ces normativités et de la meilleure prise en compte des intérêts collectifs et individuels (besoin de calme, niveau de propreté attendu, besoin d’isolement).
Enfin, l’autre point traité dans ce dossier est celui de la cohérence des aménagements. Il est ainsi exposé que la qualité urbaine d’un projet urbain ne doit pas se traduire de manière individuelle, mais que cette dernière doit au contraire faire partie d’un tout et s’intégrer dans un espace pour former une certaine cohérence urbaine. Les auteurs poursuivent en faisant mention de trois types de cohérences distinctes (Santini et al., 2009, p. 5).
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la cohérence fonctionnelle, qui doit apporter une harmonie entre les fonctions proposées tout en procurant une plus-value aux activités offertes aux habitants (exemple de commerces de proximité tels que boucherie, boulangerie et supermarché, chacun se complétant et amenant une cohérence fonctionnelle au lieu de vie) ;
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la cohérence sociale, qui doit favoriser l’organisation des espaces publics et des activités et interactions sociales, comme les fêtes de quartier ;
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la cohérence formelle, qui reprend la notion de qualité architecturale en intégrant la nécessité pour une zone de qualité urbaine de rechercher une harmonie dans les différentes constructions bâties, et ce en jouant sur les espaces, les hauteurs, mais aussi les matériaux ou les typologies.
L’organisation des espaces publics est par conséquent un élément central de la qualité urbaine et doit faire appel aux notions de cohérence, de convivialité et d’ambiance, de normativité et de mixité fonctionnelle.
Da Cunha et Kaiser valident également cette hypothèse :
La qualité des aménagements de l’espace public a des effets mesurables sur le cadre de vie : qualité de l’air, lumière, ambiance sonore, propreté, multifonctionnalité, sécurité, présence d’espaces verts structurants, climat urbain, établissement de nouveaux rapports à la nature et au paysage dans les villes, etc.
(Da Cunha et Kaiser, 2009a, p. 43)
Ces derniers font d’ailleurs le même constat que dans les auteurs du dossier « La qualité urbaine » de Vues sur la ville, à savoir que la qualité urbaine, tout comme l’intensité, ne se décrète pas et qu’elle reste subjective.
Ces auteurs reprennent trois grands enjeux issus de la publication Comprendre l’espace public pour mieux programmer son aménagement. Approches sensibles du Certu en 2007 (Viatte, 2007), qui confirment la notion de qualité urbaine que nous avons définie précédemment :
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les enjeux d’organisation spatiale, qui permettent la création d’une harmonie entre les bâtiments ou la mise en place de « trames infrastructurelles ». L’importance de la continuité et de la bonne articulation des espaces est ainsi rappelée ;
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les enjeux d’usage, qui développent un accès équitable à l’offre urbaine ;
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les enjeux d’ambiance, qui portent sur la création d’espaces accueillant une diversité des ambiances devant être appréhendées par tous.
Dans le dossier Urbia n° 9, Gwenaëlle Zunino, qui cite également les enjeux de qualité urbaine susmentionnés, y ajoute une notion non traitée jusqu’alors, celle de la temporalité du lieu. Ainsi, selon l’auteure, « l’espace public doit être pensé pour le jour, comme pour la nuit, pour les usages quotidiens comme pour l’exceptionnel » (Zunino, 2008, p. 70).