En l’espace de 150 ans, l’histoire de la Seine-Saint-Denis a complètement redéfini la morphologie urbaine et la population de ce département jusqu’à le faire évoluer dans l’imaginaire collectif vers un qualificatif de « très populaire ». Ce passé fait apparaître de nombreuses problématiques toujours d’actualité, comme la densification et l’étalement urbain, la pauvreté architecturale et environnementale ou le manque de mixité sociale et fonctionnelle. La Seine-Saint-Denis doit donc maintenant faire face à ses choix passés et à ces enjeux si elle veut améliorer l’attractivité de son territoire.
Toutes ces questions, longtemps étudiées individuellement, sont désormais prises en compte comme un ensemble de problématiques à résoudre. Une nouvelle notion caractérise et les relie désormais toutes, à savoir celle d’« intensité urbaine ».
S’il est possible de déterminer clairement la densité par des mesures quantitatives, comment traduire la notion d’intensité urbaine ? À l’heure actuelle, il est difficile de trouver une définition réglementaire ou légale de cette notion, car c’est la densité plutôt que l’intensité urbaine qui est davantage utilisée aujourd’hui, même si, comme nous l’avons vu, l’intensité urbaine est plus englobante. Cependant, si l’on veut se rattacher à une définition la plus pertinente possible, nous pouvons citer celle d’Antonio Da Cunha et de Christian Kaiser, ainsi que celle proposée par Thierry Paquot.
Pour les deux premiers :
L’intensité urbaine peut être définie comme la somme de tous les évènements ayant lieu dans un espace et dans une unité de temps. L’intensité urbaine évoque immédiatement la réalité d’une ville en mouvement. Elle rend compte des variations d’une « charge spatiale » qui peut être investie de significations diverses par les usagers de la ville.
(Da Cunha & Kaiser, 2009a, p. 19).
Il s’agit, pour Paquot, de la « qualité spatiale indépendante du site, mesurée par la richesse des communications » (Paquot, 2009).
Enfin, l’urbaniste Jean-Yves Chapuis suggère également sa définition de l’intensité urbaine :
Les lieux d’intensité urbaine sont des lieux qui présentent à la fois une certaine qualité urbaine et le rapport à la nature, l’intégration de l’agriculture et de la campagne dans la conception de la ville, des services de la vie quotidienne (commerces de proximité, école, services sociaux et publics), des ambiances urbaines qui permettent les échanges et le respect de l’intimité.
(Barretto et al., 2012, p. 2)
Jean-Yves Chapuis précise également que l’intensité urbaine doit représenter du lien entre l’échelle imposante des grandes villes et celle beaucoup plus réduite de la vie quotidienne en permettant un accès facilité à l’ensemble des services que peut proposer la ville (transports en commun) tout en permettant un accès direct aux divers services nécessaires à la vie du quotidien (Barretto et al., 2012, p. 2).
Contrairement à la densité, l’intensité urbaine est plus complexe à quantifier car elle prend en compte de nombreux facteurs issus de l’environnement du projet et de ce qu’il génère pour l’expérience de l’habitant. La démarche d’intensité urbaine et sa bonne mise en œuvre ne peuvent donc pas être prévues en amont d’un projet. Il s’agit plutôt d’une intention de projet, d’un objectif final, dont le résultat ne peut être mesuré qu’en fonction du retour positif des habitants sur leur nouvel habitat, qui mêlerait des notions telles que la qualité environnementale et architecturale, l’accès aux transports ou la mixité fonctionnelle.
Maintenant que ce constat est posé, il est légitime de se demander comment promouvoir l’intensité urbaine, comment la viser et la déployer de manière durable. Afin d’apporter des premiers éléments de réponse, nous nous appuierons en partie sur les travaux des chercheurs Antonio Da Cunha et Christian Kaiser (Da Cunha & Kaiser, 2009a). Ils évoquent de nombreuses démarches d’actions liées à l’intensité urbaine, dont les trois grands piliers sont pour eux : la qualité urbaine, la densité, la centralité.
Dans l’étude Ville intense, ville intime. L’armature d’une métropole attractive de l’agence d’urbanisme Bordeaux Aquitaine (a’urba), par Barretto et al. (2012), il est fait mention des mêmes grands facteurs au travers du choix de catégories plus sectorisé. L’intensité urbaine y est ainsi évoquée comme le regroupement des éléments suivants : proximité, accessibilité, densité, mixité, qualité (Barretto et al., 2012, p. 2).
Enfin, Pascal Amphoux, dans son article « Polarité, Mixité, Intensité » (2003), reprend également ce choix de facteurs, même s’il décide d’en sortir volontairement la notion de mixité pour en faire un concept indépendant. Les principaux thèmes abordés via l’intensité urbaine sont la qualité architecturale, la densité et l’image du lieu. Pour lui, l’intensité urbaine est avant tout « une nouvelle écoute de l’humain et de ses besoins dans son environnement urbain » (Amphoux, 2003).
Dans les prochains paragraphes, nous nous concentrerons sur les facteurs majeurs de l’intensité urbaine, à savoir les principes de densité, de centralité et de qualité.