La mutation des usages quant aux profits

Yseult Lavarda

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Référence électronique

Lavarda, Y. (2023). La mutation des usages quant aux profits. Les centres commerciaux et la mutation des usages. Mis en ligne le 16 octobre 2023, Cahiers ESPI2R, consulté le 09 octobre 2024. URL : https://www.cahiers-espi2r.fr/1213

Au-delà de la mutation des usages liée au numérique, quel produit recherche le consommateur ? Les distributeurs proposent-ils toujours une offre en phase avec la demande ? Bien qu’il soit toujours difficile de prévoir avec exactitude le devenir de la consommation, nous dégagerons ici quelques tendances observées récemment.

Dans son dernier Futur Consumer Index de juillet 2020, le spécialiste EY a étudié l’influence de la crise sanitaire sur la consommation mondiale et a cherché à savoir si elle serait susceptible d’induire des changements profonds dans les habitudes de consommation. En raison de l’incertitude du contexte économique à venir, l’étude retient que 60 % des consommateurs envisagent de prendre en compte le rapport qualité/prix lors de leurs prochains achats et 54 % estiment que le prix est un critère d’achat plus important qu’auparavant.

En France, un peu plus de 30 % de la population souhaite réduire ses dépenses et modifier ses habitudes de consommation. Dans ce contexte, EY avertit sur le possible rabattement des consommateurs sur les marques de distributeurs (MDD) telles que Marque Repère ou Tex chez Carrefour, Monoprix Bio, etc. Les MDD, généralement associées à la grande distribution, développent des produits à moindre coût, aussi bien pour la marque que pour le consommateur, avec une qualité souvent jugée égale à des produits similaires vendus par les marques nationales ou internationales.

De son côté, Shopmium, spécialiste en marketing digital, indique que la consommation des Français sera davantage axée sur la prévisibilité et laissera moins de place à l’improvisation. Concernant les courses alimentaires, 29 % vérifient l’état de leurs provisions et 25 % font des listes de courses plus souvent qu’avant le début de la crise sanitaire. Si ces gestes semblent anodins parce que faisant partie du quotidien, ils traduisent une certaine rationalisation de la consommation et laissent certainement moins d’espace à « l’achat plaisir », autre figure de proue de la consommation.

Durant le confinement, plusieurs critères ont influencé le choix des consommateurs. Du fait des contraintes administratives imposées, ce sont les origines géographiques des produits, leur disponibilité, qui ont été considérés comme le plus important, le prix et la qualité venant ensuite1.

Parallèlement, la conscience sociale des consommateurs poursuit son ascension. Selon une étude GfK de février 2021, 85 % des Français estiment que les entreprises et les marques doivent être responsables envers l’environnement, et 52 % d’entre eux précisent qu’ils ne sont pas prêts à payer plus cher pour des produits « verts » (Picard, 2021c). Dans son étude Havas Shopper/Paris Retail Week de 2020 (Paris Retail Week, 2020), l’agence de communication Havas retient que 92 % des consommateurs français sont prêts à consommer des produits locaux, 89 % aimeraient consommer davantage de produits artisanaux, 60 % étant « prêts à se passer des grandes marques nationales et internationales ». Côté marketing, 66 % des consommateurs interrogés se sentent plus proches des marques qui « s’engagent contre la consommation excessive ».

La tendance du consommateur responsable ou « citoyen » n’est certes pas nouvelle, mais elle est de plus en plus confortée, puisque 59 % d’entre eux déclarent « qu’ils feront tout leur possible pour faire leurs achats auprès d’entreprises responsables, qui ont fait preuve d’une conscience sociale ou qui se sont engagées dans des initiatives caritatives durant la pandémie » (Adyen, 2020, p. 14).

On peut aussi noter, parmi les grandes tendances : le succès du « fait maison » ou do it yourself, très encouragé durant le confinement, le soutien à la production française ou encore le renforcement de la vigilance accordée à la sécurité alimentaire, à la provenance et à la traçabilité des produits.

Aujourd’hui, le consommateur français est donc plus enclin à consommer de manière locale et responsable. À l’avenir, le comportement des retailers devrait donc traduire une exigence éthique plus importante ou du moins mieux valorisée en termes de communication. D’ailleurs, plusieurs d’entre eux ont d’ores et déjà initié des efforts sur la responsabilité et la demande de transparence du consommateur, notamment dans le domaine du prêt-à-porter. L’industrie de la mode étant une des plus polluantes au monde, certains grands groupes comme Inditex2 mettent la responsabilité environnementale et sociétale au cœur de leur stratégie : concernant le retraitement des déchets, le groupe s’est fixé comme objectif de ne plus rien envoyer en décharge d’ici 2023, que les déchets arrivent de leur siège social, leurs centres logistiques, leurs usines ou leurs points de vente. Il se prononce également pour l’utilisation de matériaux durables. Sur les points de vente, cela s’est traduit par la vente de vêtements fabriqués à partir de matériaux recyclés ou par la possibilité de déposer ses anciens habits afin qu’ils soient réutilisés.

Dans ce contexte, les enseignes et les distributeurs doivent donc s’adapter à un consommateur de plus en plus exigeant, qui souhaite trouver un équilibre entre le rapport qualité/prix, l’origine et le parcours du produit, mais aussi sa disponibilité, qui doit être de plus en plus immédiate3.

Globalement, 70 % des consommateurs français souhaiteraient changer leur manière de consommer (Paris Retail Week, 2020), ce qui conforte le besoin de transformation et d’innovation du commerce. En ligne avec les consommateurs, le législateur en a aussi émis le souhait via son controversé projet de loi Climat et résilience (Bicard, 2021d), initié par les 149 propositions issues de la Convention citoyenne sur le climat de 2020. Ce projet de loi entend notamment limiter l’impact environnemental du commerce par l’interdiction de distribution de prospectus, échantillons, l’obligation de dédier 20 % de sa surface commerciale exploitée à la vente en vrac, ou encore le verdissement des toitures.

Face à la mutation des usages de la consommation, les commerçants comme les bailleurs de centres commerciaux mettent en place de nouvelles stratégies propres à répondre aux nouveaux besoins des consommateurs.

1 Source : LSA.

2 Voir leur site internet à ce propos.

3 Selon l’étude Havas Shopper/Paris Retail Week de 2020, 65 % des consommateurs sont prêts à payer plus cher un produit disponible immédiatement.

1 Source : LSA.

2 Voir leur site internet à ce propos.

3 Selon l’étude Havas Shopper/Paris Retail Week de 2020, 65 % des consommateurs sont prêts à payer plus cher un produit disponible immédiatement.

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