Veille juridique immobilière n° 16

Septembre-octobre 2025

Fernanda Chatelard, Nabil Mounir, Jennyfer Pilotin et Marcos Povoa

Citer cet article

Référence électronique

Chatelard, F., Mounir, N., Pilotin, J., & Povoa, M. (2025). Veille juridique immobilière n° 16. Veille juridique immobilière. Mis en ligne le 13 novembre 2025, Cahiers ESPI2R, consulté le 19 novembre 2025. URL : https://www.cahiers-espi2r.fr/1934

L’immobilier est un secteur en perpétuelle évolution. La présente Veille juridique immobilière, publiée par le département Droit du laboratoire ESPI2R, est un outil incontournable pour comprendre les mutations de l’immobilier contemporain et bâtir une pensée constructive sur les besoins de demain.
Avec la participation des étudiants : Pauline Mayeur, Thomas Senecal, Thomas Courquin, Timur Gubaydullin, Inesse Oudjhani, Louis Maupetit, Marie Rabet, Alyssa Tokata, Mattéo Jannee et Tom Philip.

Édito par Marcos Povoa

La rentrée a tenu ses promesses et s’est montrée très animée pour l’actualité immobilière. Les mois de septembre et octobre ont apporté notamment les précisions tant attendues sur MaPrimeRénov’, après la courte suspension du dispositif. Destinée à soutenir les travaux de rénovation visant à améliorer l’efficacité énergétique des logements, MaPrimeRénov’ continue d’évoluer, avec des critères d’éligibilité et des montants ajustés afin de permettre un meilleur contrôle de l’aide.

Les plans contractuel et fiscal n’ont pas été en reste. Les questions de responsabilité et d’exécution contractuelle ont nourri la jurisprudence, illustrant la vitalité du contentieux immobilier. La rentrée nous rappelle également l’importance de suivre de près la fiscalité immobilière, enrichie de précisions sur la réduction voire l’exonération des droits de mutation pour les primo-accédants.

En somme, ces deux mois confirment que le droit immobilier reste un domaine en mouvement constant, où la technique juridique se mêle aux enjeux économiques et environnementaux.

Droit de la construction

Évolution des conditions d’éligibilité à MaPrimeRénov’

Décret n° 2025-956 du 8 septembre 2025 modifiant le décret n° 2020-26 du 14 janvier 2020 relatif à la prime de transition énergétique

Ce décret fait évoluer les conditions d’éligibilité à MaPrimeRénov’, après la suspension temporaire de ce dispositif. L’objectif est de mieux cibler les logements les plus énergivores (E à G) et d’éviter les aides dispersées. En réponse aux critiques antérieurement adressées envers MaPrimeRénov’, le Gouvernement souhaite encourager les rénovations véritablement efficaces plutôt que les petits travaux isolés, tout en simplifiant les règles et en maîtrisant le budget du dispositif.

En savoir plus
Veille - Évolution des conditions d’éligibilité de l’aide MaPrimeRénov’ :
les textes sont publiés. (2025).
Loyers et copropriété, 10, alerte 191, p. 5-6.
Construction - Évolution des conditions d’éligibilité de l’aide MaPrimeRénov’ : les textes sont publiés. (2025). La Semaine juridique notariale et immobilière, 38, act. 1125, p. 11.

Permis de construire : dans les zones tendues, la décision de surseoir à statuer à une demande d’autorisation de construire vaut refus

Conseil d’État, 1re - 4e chambres réunies, 1er octobre 2025, n° 498169

Par cet arrêt, le Conseil d’État a décidé que le sursis à statuer à une demande d’autorisation de construction dans les zones tendues n’est pas susceptible d’appel. Cette décision précise le champ de l’article R. 811-1-1 du Code de justice administrative (CJA).

Le maire d’une commune située en zone tendue, sur le fondement de l’article L. 153-11 du Code de l’urbanisme, a opposé un sursis à statuer à une demande de permis de construire (PC). L’élu estimait que le projet était susceptible de compromettre la mise en œuvre du futur plan local d’urbanisme intercommunal alors en préparation. Le pétitionnaire a contesté cette décision et a obtenu gain de cause devant le tribunal administratif, lequel a annulé le sursis et enjoint au maire de délivrer le PC dans un délai de deux mois.

La commune fait appel de la décision et saisit la cour administrative d’appel (CAA), laquelle décide de transmettre l’affaire au Conseil d’État sur le fondement de l’article R. 351-2 du CJA. Ce texte autorise une juridiction du fond à renvoyer une affaire au Conseil d’État lorsqu’elle estime que celle-ci relève de sa compétence. La commune conteste toutefois cette interprétation et demande à la Haute juridiction de renvoyer l’examen de sa requête devant la CAA.

La Haute juridiction rejette la demande sur le fondement de l’article R. 811-1-1 du CJA, qui confie jusqu’au 31 décembre 2027 la compétence en premier et dernier ressort aux tribunaux administratifs pour les recours liés à certains PC ou permis d’aménager situés en zone tendue (article 232 du Code général des impôts). L’objectif poursuivi est de raccourcir les délais contentieux et de faciliter la réalisation des projets de logements dans les territoires où la tension immobilière est la plus forte.

En décidant de la sorte, le Conseil d’État considère ainsi qu’une décision de sursis à statuer doit être analysée comme une décision de refus d’autorisation au sens de l’article R. 811-1-1 du CJA, du moins temporairement, c’est-à-dire jusqu’au 31 décembre 2027.

En savoir plus
Beaujard, V. (2025). Urbanisme/Aménagement - Pas d’appel pour les jugements se prononçant sur un sursis à statuer opposé à certaines demandes de permis de construire. La Semaine juridique Administrations et collectivités territoriales, 41, act. 472, p. 6-7.
Couton, X. (2025). Sursis à statuer - Extension prétorienne de la suppression du double degré de juridiction en zone tendue aux recours contre les sursis à statuer. Construction - urbanisme, 10, comm. 109, p. 15-16.

Responsabilité décennale et désordres dans un bâtiment public

Cour d’appel de Paris, pôle 1, chambre 8, 3 octobre 2025, RG n° 24/19553

L’affaire opposait la société Immobilière 3F, maître d’ouvrage d’un ensemble immobilier à Noisy-le-Grand, à plusieurs constructeurs, architectes et assureurs (dont Allianz IARD, Mutuelle des architectes français, SMA Courtage, L’Auxiliaire et ITB 77) à la suite de la chute d’un flocage au plafond d’une crèche ayant endommagé les aménagements intérieurs. Après que le tribunal judiciaire de Bobigny eut condamné les constructeurs à verser une provision de 300 000 € à la commune, la cour d’appel de Paris a infirmé cette décision.

La cour reconnaît la gravité du désordre et statue que celui-ci compromet la destination de l’ouvrage, mais estime que la responsabilité décennale des constructeurs n’est pas établie « avec l’évidence requise en référé », notamment en raison d’incertitudes sur la date de réception des travaux et sur le caractère apparent ou caché du vice. Elle conclut qu’il n’existe pas d’obligation non sérieusement contestable, condition nécessaire pour accorder une provision. En conséquence, la demande de la commune est rejetée.

Cette décision rappelle que la garantie décennale ne peut être mise en œuvre en référé que lorsque les éléments de preuve démontrent clairement la réception, la gravité et le caractère caché du désordre, soulignant ainsi les limites de la procédure de référé dans les litiges de construction.

Droit des contrats

Conditions de validité du mandat des agents immobiliers

Cour de cassation, 3e chambre civile, 11 septembre 2025, n° 23-17.579

Il est établi que le non-respect des dispositions de l’article 92 du décret n° 72-678 du 20 juillet 1972, qui imposent aux agents immobiliers de faire figurer sur le mandat diverses informations telles que le numéro et le lieu de délivrance de la carte professionnelle, le nom ou la raison sociale et l’adresse de l’entreprise ainsi que l’activité exercée, était systématiquement sanctionné par la nullité du mandat.

Ainsi de nombreux mandats ont été annulés en raison de l’absence du numéro de carte professionnelle (cour d’appel, Aix-en-Provence, 25 mars 2021, n° 19/13445), de l’indication de la garantie financière (cour d’appel, Paris, 6 mai 2021, n° 19/01401), du lieu de délivrance de la carte professionnelle (cour d’appel, Aix-en-Provence, 17 juin 2021, n° 18/08952) ou de l’adresse de la caisse de garantie (cour d’appel, Toulouse, 27 septembre 2021, n° 19/01450).

Jusqu’à récemment encore, en 2024, la cour d’appel de Paris (cour d’appel, Paris, 12 septembre 2024, n° 21/12325) considérait qu’un mandat était nul s’il ne comportait ni le numéro ni le lieu de délivrance de la carte professionnelle. Or, cette jurisprudence sévère, sans être battue en brèche, paraît avoir été tempérée par un arrêt de la Cour de cassation du 11 septembre 2025, qui a écarté la nullité d’un mandat ne mentionnant pas le lieu de délivrance de la carte professionnelle.

En l’espèce, la société Bellecôte Immobilier a reçu en 2016 deux mandats de recherche de la part des sociétés Lavorel Hôtels et Lavorel Groupe pour trouver un hôtel et un chalet. Après plusieurs transactions intermédiaires, les sociétés Lavorel ont finalement acquis en 2018 les parts de la société propriétaire de l’hôtel ainsi que la parcelle du chalet par l’intermédiaire d’une société civile. Estimant avoir contribué à ces acquisitions grâce à son entremise et ses conseils, Bellecôte Immobilier a réclamé le paiement des commissions prévues dans les mandats de 2016.

En défense, les sociétés mandantes ont invoqué la nullité des mandats au motif qu’ils ne comportaient pas le numéro et le lieu de délivrance de la carte professionnelle de la société Bellecôte Immobilier.

La Cour de cassation, « rompant » avec la position jusque-là constante, a considéré que « l’absence de mention sur le mandat du lieu de délivrance de la carte professionnelle n’affecte pas, à elle seule, la validité du mandat lorsque le mandataire justifie avoir été titulaire, à la date de celui-ci, d’une carte professionnelle régulièrement délivrée ».

Ainsi, dès lors que le mandataire justifie qu’il était, à la date de signature des mandats, titulaire d’une carte professionnelle en cours de validité, l’absence de mention du lieu de délivrance de cette carte n’affecte pas la validité des mandats concernés.

Si cette position de la Cour de cassation semble marquer un assouplissement par rapport à la pratique antérieure, elle ne saurait pour autant être généralisée. En effet, le dispositif de l’arrêt ne porte que sur l’omission du lieu de délivrance de la carte professionnelle et ne se prononce pas sur les sanctions de l’absence des autres mentions prévues à l’article 92 précité.

En conclusion, si la nullité systématique d’un mandat en cas d’omission d’une mention de l’article 92 semble pouvoir être écartée dans certains cas, il conviendra d’attendre d’autres décisions de la Haute juridiction pour clarifier pleinement le régime applicable.

En savoir plus
Veille - Défaut de sanction de l’absence de mention du lieu de délivrance de la carte professionnelle dans le mandat de l’intermédiaire immobilier. (2025). Loyers et Copropriété, 10, alerte 194, p. 7.
Agent immobilier - Sanction de l’absence de mention du lieu de délivrance de la carte professionnelle dans le mandat de l’intermédiaire immobilier - Veille. (2025). La Semaine juridique notariale et immobilière, 39-40, act. 1164, p. 8..

L’exception d’inexécution en matière de baux commerciaux : pas de loyer si le bailleur manque à son devoir de délivrance

Cour de cassation, 3e chambre civile, 18 septembre 2025, n° 23-24.005

La Cour de cassation rappelle à travers cet arrêt que le locataire d’un bail commercial peut refuser de payer le loyer si le bailleur ne remplit pas son obligation de délivrance de la chose, en se valant d’une exception d’inexécution. La Haute juridiction a reconnu ce droit au locataire qui n’a pas pu utiliser temporairement le bien en raison d’un dégât des eaux qui avait rendu les locaux commerciaux inutilisables, sans que le locataire soit obligé de procéder à une mise en demeure préalable du bailleur, car une telle condition n’est pas prévue par la loi.

À la suite de l’expiration d’un bail, la locataire se maintient dans les lieux sans qu’un nouveau contrat ne soit régularisé et sans verser le pas-de-porte initialement prévu en cas de signature d’un bail commercial. Le bailleur saisit la juridiction compétente afin qu’il soit constaté la résiliation du bail, ordonné l’expulsion de la locataire et prononcé sa condamnation au paiement de l’indemnité d’occupation. Il requiert également le prononcé de la résiliation du bail pour défaut de paiement des loyers, ainsi que la condamnation de la locataire au règlement des loyers échus jusqu’à la date de la résiliation.

En cours d’instance, la locataire libère les locaux. Elle oppose une exception d’inexécution à la demande en paiement des loyers, soutenant que le bailleur a manqué à son obligation de délivrance en raison d’un dégât des eaux qui l’a empêchée d’utiliser correctement le bien entre janvier et décembre 2016.

La cour d’appel, pour condamner la locataire au paiement de ces loyers, avait retenu qu’en l’absence de tout élément démontrant qu’elle n’avait pu exploiter son commerce, la locataire ne saurait invoquer utilement l’exception d’inexécution avant décembre 2016, date à laquelle elle a tiré les conséquences du refus du bailleur d’effectuer les travaux sollicités.

La Cour de cassation reproche à la cour d’appel d’avoir exigé une mise en demeure préalable du bailleur car cette condition n’est pas prévue par la loi. Ainsi, selon la Haute Cour, la locataire peut légitimement se prévaloir d’une exception d’inexécution pour suspendre le paiement des loyers lorsque les locaux, du fait du manquement du bailleur à son obligation de délivrance, deviennent impropres à l’usage auquel ils étaient destinés. Cette faculté s’exerce ainsi sans qu’il soit nécessaire de mettre préalablement le bailleur en demeure d’exécuter ses obligations.

En savoir plus
Berlaud, C. (2025, 1er octobre). Bail commercial : exceptions recevables aux demandes en paiement du bailleur. Actu-Juridique.fr
Bail commercial - La mise en œuvre de l’exception d’inexécution n’est pas subordonnée à une mise en demeure préalable - Veille. (2025). La Semaine juridique notariale et immobilière, 41, act. 1197, p. 14.

La garantie de vices cachés peut protéger l’acquéreur même si les dégâts ont eu lieu chez le voisin

Cour de cassation, 3e chambre civile, 25 septembre 2025, n° 23-23.070

Par cet arrêt, la Cour de cassation confirme l’interprétation selon laquelle la garantie de vices cachés peut jouer même si les dommages ont lieu chez un bien immeuble voisin.

En l’espèce, un propriétaire a vendu deux maisons contiguës à deux acquéreurs distincts. Quelques mois après la cession, le plafond de la cave de l’une des maisons s’est effondré en raison de la corrosion avancée des poutres métalliques qui en assuraient le soutien. Les acquéreurs de la maison voisine, bien qu’aucun dommage direct ne soit survenu chez eux, ont néanmoins été contraints d’évacuer temporairement leur logement afin de permettre l’étaiement préventif de leur sous-sol, exposé au même risque d’effondrement.

Considérant que ce danger résultait d’un vice caché antérieur à la vente, ils ont assigné le vendeur en garantie. Ce dernier a contesté, soutenant que la garantie ne s’appliquait pas à leur égard, le sinistre ayant concerné une autre maison.

La Cour de cassation n’a pas suivi le raisonnement du vendeur et a affirmé que le risque d’effondrement suffit à caractériser le vice caché, même sans dommage direct sur le bien. La Haute juridiction relève également que le vice n’était pas apparent et que les acquéreurs, « profanes en matière de construction », ne pouvaient pas en mesurer la gravité. L’arrêt confirme ainsi que la garantie des vices cachés s’applique dès qu’un défaut structurel compromet la solidité ou la jouissance du bien, même si le dommage émane d’un immeuble voisin.

Droit des baux d’habitation : précision sur le congé des seniors et leur revenu à prendre en compte lors du congé

Cour de cassation, 3e chambre civile, 2 octobre 2025, n° 24-12.308

Par cet arrêt, la Cour de cassation précise que lorsqu’un bailleur donne congé à un locataire âgé de plus de 65 ans, il doit prendre en compte les revenus fonciers bruts déclarés à l’administration fiscale sans appliquer d’abattements ou de déductions pour savoir si le locataire bénéficie du droit d’être relogé, précisant ainsi la règle prévue par l’article 15, III, de la loi du 6 juillet 1989.

Dans cette affaire, les propriétaires d’un appartement donné en location à une personne âgée de plus de 65 ans lui ont signifié un congé aux fins de reprise pour habiter, puis l’ont assignée en validation de ce congé, expulsion et condamnation au paiement d’une indemnité d’occupation ainsi que de dommages-intérêts. Les juges du fond ont accueilli leur demande. La locataire a ainsi formé un pourvoi en cassation en évoquant que, pour apprécier si les ressources annuelles du locataire sont inférieures au plafond de ressources en vigueur pour l’attribution des logements locatifs conventionnés, le montant des ressources annuelles du locataire à prendre en considération correspondrait à ses revenus fonciers nets imposables, et non ses revenus fonciers bruts.

La Cour de cassation donne tort à l’argumentaire de la locataire et rejette ainsi le pourvoi. La Cour rappelle la règle de droit de l’article 15, III, de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989, qui dispose que le bailleur ne peut s’opposer au renouvellement du contrat de location à l’égard de « tout locataire âgé de plus de 65 ans et dont les ressources annuelles sont inférieures au plafond de ressources en vigueur pour l’attribution des logements locatifs conventionnés fixé par arrêté du ministre chargé du logement, sans qu’un logement correspondant à ses besoins et à ses possibilités lui soit offert ».

Néanmoins, la Haute Cour précise que les ressources annuelles du locataire à prendre en compte sont celles déclarées à l’administration fiscale avant tout abattement ou déduction, raison pour laquelle la cour d’appel a bien fait de tenir compte des revenus fonciers bruts de la locataire pour apprécier si le montant de ses ressources excédait le plafond en deçà duquel elle aurait dû bénéficier d’une offre de relogement.

En savoir plus
Elorza, A.-A. (2025). Bail d’habitation - Revenus fonciers bruts du locataire âgé : critère déterminant pour l’obligation de relogement - Veille. La Semaine juridique notariale et immobilière, 42, act. 1226, p. 10-11.

Droit fiscal

Droits de mutation pour les primo-accédants : des précisions bienvenues sur les conditions d’éligibilité au dispositif de faveur

Décret n° 2025-946 du 8 septembre 2025 précisant les cas dans lesquels le respect de l’engagement prévu à l’article 1594 F septies du Code général des impôts n’est pas exigé

Afin de favoriser l’accès à la propriété aux primo-accédants, le législateur a entendu leur proposer certains dispositifs de faveur. L’un d’entre eux leur permet ainsi de bénéficier d’un taux réduit du droit départemental sur les mutations d’immeubles, voire d’être exonérés de taxe de publicité foncière ou de droits d’enregistrement sur les acquisitions d’immeubles. La condition principale requise est que ces primo-accédants s’engagent à affecter ces biens à leur habitation principale pendant cinq ans (article 1594 F septies du Code général des impôts [CGI] créé par la loi n° 2025 -127 du 14 février 2025 de finances pour 2025, article 116, I).

Il est utile de rappeler qu’un logement est considéré comme étant une résidence principale lorsqu’il est occupé au moins huit mois dans l’année. Celui-ci doit en outre être occupé dans un délai maximum d’un an à compter de la date d’acquisition ou celle de la déclaration d’achèvement des travaux. Néanmoins, le bénéfice du dispositif est remis en cause dès lors que le ou les acquéreurs mettent en location le bien dans les cinq ans qui suivent la date d’acquisition ou celle de la déclaration d’achèvement des travaux.

Pour plus de clarté, ce décret du 8 septembre 2025 précise les conditions suivant lesquelles le dispositif de faveur susmentionné reste acquis aux acquéreurs dans le cadre de l’engagement d’affectation continu et exclusif de leur résidence principale.

Il indique ainsi que les primo-accédants peuvent déroger à cet engagement pour le maintien du bénéfice de la réduction ou de l’exonération de taxe de publicité foncière ou de droits d’enregistrement conformément à l’article 1594 F septies du CGI, dans les hypothèses suivantes :

  • mobilité professionnelle lorsque la distance entre le nouveau lieu d’exercice et le logement est d’au moins de 50 km ou lorsque le temps de trajet aller est au moins égal à 1 h 30 ;

  • changements familiaux tels que décès, divorce, dissolution d’un pacte civil de solidarité ;

  • chômage d’une durée supérieure à un an attestée par l’inscription sur la liste des demandeurs d’emploi (article L. 5411-1 du Code du travail) ;

  • situation d’invalidité reconnue soit par la décision de la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées (article 146-9 du Code de l’action sociale et des familles), soit par délivrance par le président du conseil départemental de la carte mobilité inclusion (article 265, 2, du CGI, annexe III).

En instaurant ces exonérations à la condition d’engagement précitée, le législateur assouplit davantage le bénéfice du régime de faveur aux primo-accédants. Dans un contexte où les barrières à l’accès au logement se multiplient pour cette catégorie sociale, les précisions sur les modalités d’application du dispositif apportées par le décret viennent en renforcer la sécurité juridique.

En savoir plus
Mutations à titre onéreux - Mutations immobilières : modulation possible du taux du droit départemental - Commentaire. (2025). Droit fiscal, 12, comm. 124, p. 51-53.
Enregistrement et publicité foncière - Mutations immobilières : réduction ou exonération en faveur des primo-accédants - Veille. (2025). Droit fiscal, 39, act. 427, p. 2-3.

À l’international

Brésil : plafonnement des retenues à 25 % en cas de résiliation d’un contrat de vente

Superior Tribunal de Justiça, recurso especial n° 2.106.548-SP, Terceira Turma, 2 de setembro de 2025

Le Superior Tribunal de Justiça (STJ) au Brésil a récemment limité à 25 % le montant que le vendeur peut retenir lorsqu’un acheteur résilie un contrat de vente immobilière. Dans cette affaire, un particulier avait signé une promesse de vente d’un lot immobilier mais, confronté à des difficultés financières, il avait sollicité la rupture du contrat. La cour d’appel avait appliqué la loi n° 13.786/2018, dite « loi des distratos », qui autorise les promoteurs à conserver une part importante des sommes versées et à différer le remboursement du solde.

Saisie du litige, la troisième chambre du STJ, sous la présidence de la ministre Nancy Andrighi, a estimé que, dans le cadre de relations de consommation, le Code de la consommation (CDC) devait primer sur cette législation spéciale.

Les juges ont ainsi dégagé deux principes : le vendeur ne peut pas conserver plus de 25 % des montants payés, et l’acquéreur doit obtenir le remboursement immédiat du solde, sans attendre la fin de la construction.

La cour a également écarté l’application de la taxe de jouissance (taxa de fruição), considérant qu’elle ne se justifiait pas pour un terrain encore non bâti.

Au-delà du cas d’espèce, la décision introduit un plafond uniforme pour les retenues opérées en cas de résiliation et consacre la prééminence du droit de la consommation sur les règles propres au secteur immobilier. Elle oblige par ailleurs les promoteurs et les vendeurs à repenser la structure de leurs contrats : clauses pénales, délais de restitution ou encore frais accessoires devront être revus à la lumière de cette jurisprudence.

Cette position du STJ marque un revirement de la jurisprudence brésilienne. Elle confirme que, même dans des opérations immobilières de grande valeur, la protection du consommateur reste un principe essentiel. Toutefois, cette orientation soulève des débats sur la sécurité contractuelle : la loi de 2018 visait à stabiliser le marché immobilier, tandis que l’application prioritaire du CDC risque, selon certains observateurs, d’introduire une part d’incertitude pour les opérateurs économiques.

En savoir plus
Colégio Notarial di Brasil. (2025). STJ define que, em distratos, a retenção não pode ultrapassar 25 %, garantindo ao comprador a devolução mínima de 75 % dos valores pagos. Cnbsp.org

Fernanda Chatelard

Responsable du département Droit, laboratoire ESPI2R

Articles du même auteur

Nabil Mounir

Enseignant-chercheur, département Droit, laboratoire ESPI2R

Jennyfer Pilotin

Enseignante-chercheuse, département Droit, laboratoire ESPI2R

Articles du même auteur

Marcos Povoa

Enseignant-chercheur, département Droit, laboratoire ESPI2R

Articles du même auteur

CC BY-NC-ND 4.0 sauf pour les figures et les visuels, pour lesquels il est nécessaire d'obtenir une autorisation auprès des détenteurs des droits.