Depuis plusieurs années, le secteur de l’immobilier a connu une évolution considérable, avec l’arrivée des nouvelles technologies qui ont transformé les usages du secteur. En témoigne le développement dans les années 2010 de la Proptech, contraction de property (« propriété ») et technology (« technologie »).
La RICS (Royal Institution of Chartered Surveyors) … définit la Proptech comme « un terme qui fait référence à tous les aspects de l’innovation et à la façon dont celle-ci affecte l’environnement bâti. Cela comprend les logiciels, le matériel, les matériaux ou la fabrication.
(Cheminant, 2021, p. 49)
L’IA est l’une des innovations majeures qui touchent ce domaine. « Certains comparent l’impact de l’IA à celui de la Révolution industrielle. Tous les secteurs économiques sont concernés par cette révolution. Le secteur de l’immobilier ne fait pas exception » (Calmet & Eid, 2022, p. 57). « Nous sommes à l’aube d’une révolution technologique qui va toucher tous les métiers exploitant un grand volume de données » affirme Lydia Brissy, directrice de la recherche européenne chez Savills, un leader mondial des services immobiliers (Deloire, 2024). Elle pressent un déploiement massif des entreprises de la Proptech dédiées à l’IA dans les dix prochaines années. Pour confirmer cette thèse, une étude réalisée par le cabinet Xerfi Precepta en 2019, Les enjeux et défis de l’IA dans la filière de l’immobilier (Alegria, 2019), souligne que la place des technologies basées sur l’IA dans l’immobilier devrait se renforcer dans les années à venir, jusqu’à ce que tous les maillons de la chaîne de valeur soient concernés à des degrés divers.
La digitalisation de l’immobilier : la Proptech
C’est dans cette évolution digitale que s’inscrivent les entreprises de la Proptech, « qui met la technologie au service de l’immobilier ». « Cela englobe ainsi les jeunes pousses et entreprises qui tirent parti des dernières avancées technologiques pour repenser les usages liés aux biens immobiliers » (Dahan, 2023b), « telles que l’intelligence artificielle, les applications mobiles, les logiciels SaaS1 et d’autres outils numériques » (Andria, 2023). Leur objectif est d’améliorer, d’optimiser et de moderniser divers aspects du secteur immobilier comme la gestion, la transaction, la location, la construction, la prospection, etc.
La Real Estech, think tank français qui représente des start-up immobilières françaises, propose que :
[La Proptech] couvre l’ensemble du secteur immobilier à travers quatre grands axes :
• financement : pour faire baisser le coût du capital apporté par l’investisseur ;
• construction : afin de réduire le coût du travail réalisé par le constructeur ;
• gestion : faciliter l’administration du bien par le propriétaire ;
• occupation : viser à améliorer l’expérience utilisateur de l’occupant
(Leosquare, 2020).
Sont donc en particulier concernés par les entreprises de la Proptech les agents immobiliers, les gestionnaires de biens, les promoteurs immobiliers. Dans une vision plus macroéconomique, on retrouve autour de la Proptech différents secteurs, « notamment la finance (FinTech), l’assurance (InsurTech), l’immobilier (Smart Real Estate), la ville intelligente (Smart City), la construction (ConTech) et l’économie du partage » (Dahan, 2023b ; Lecamus, 2017).
Les acteurs de la Prop Tech sur le marché français forment en 2020 un écosystème d’environ 1 500 start-up, dont plus de 400 créées depuis 2017. Le mouvement a connu un essor considérable en 2018 et 2019 (cependant quelque peu tardif comparé à d’autres pays comme les États-Unis ou le Royaume-Uni). Pour les capitaux mobilisés en 2019 par la Prop Tech dans le monde, la moitié l’ont été pour des start-up américaines et moins de 5 % ont été levés par des start-up françaises. Toutefois, la dynamique autour des technologies appliquées à l’immobilier était bien réelle avant 2020.
(Amsellem, Baffoy, Batsch et al., 2021, p. 87)
La crise de la Covid-19 a d’un côté, comme l’affirme Hervé Parent (cité par Cheminant, 2021, p. 402), « donné un coup d’accélérateur aux dispositifs de visites virtuelles » et, de l’autre, a impacté particulièrement le financement des jeunes pousses3.
Près de la moitié des start-up innovantes se concentrent sur la gestion au sens large, incluant la transaction, la gestion locative, la gestion de copropriété et la maintenance. Les services à l’occupant liés à l’usage des bâtiments et des espaces partagés représentent 25 % des start-up ; la construction, 15 % ; le financement, 10 %.
(Amsellem et al., 2021, p. 88)
En 2023, dans son étude Proptech face au retournement des marchés immobiliers – Analyse des risques et des perspectives d’ici 2024, Xerfi répertorie quelque 430 entreprises de la Proptech en France qu’il classe en sept grands segments :
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les services aux professionnels : marketing, valorisation des annonces, services aux promoteurs, etc. ;
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les services d’intermédiation : acteurs présents dans le cadre d’un achat, plateformes pour les travaux de rénovation, etc. ;
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la conception, le suivi de chantier et le Building Information Modeling (BIM, voir infra) : Contech et services numériques, construction hors site, acteurs du BIM ;
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les services pour l’immeuble intelligent : acteurs du smart building et du smart office ;
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la gestion locative et les services à la location ;
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les services aux syndics et aux copropriétés ;
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les legaltech immobilières.
[En 2022], les montants levés par ces jeunes pousses de l’immobilier ont atteint des niveaux sans précédent. Ainsi, ils dépassent les 466 millions d’euros l’an dernier, soit plus de 1,2 milliard d’euros depuis leur création. …
Les secteurs qui ont contribué à cette croissance spectaculaire sont les services pour l’immeuble intelligent (smart building et smart office) et les services d’intermédiation. Puisqu’ils ont représenté plus de 55 % des fonds levés par la filière.
Ces deux secteurs se positionnent nettement en tête par rapport à la gestion locative et aux services de location (17 %) ainsi qu’à la ConTech (11 %).
(Dahan, 2023b)
Mais, comme beaucoup de « jeunes pousses », leur durée de vie est parfois courte. Sur les 100 start-up françaises de la Proptech4 à suivre en 2022, identifiées par KleinBlue5 avec le Crédit agricole (voir la figure 5), combien sont-elles encore en activité ?
Figure 5. 100 entreprises de la Proptech françaises à suivre en 2022
Reproduit de KleinBlue, 2022, p. 4.
Par exemple dans le domaine « Gestion & opérations », en 2024, plusieurs entreprises ont fusionné6, ont été rachetées après avoir déposé le bilan7 voire ont changé de modèle8.
Devant ce foisonnement, la question est combien d’entre elles seront encore là dans cinq ans ? Le secteur de la copropriété comporte de nombreux freins à l’innovation, dont la moindre n’est pas la difficulté de faire payer les copropriétaires comme les syndics. Certains modèles économiques seront plus solides que d’autres, à condition que la prestation apporte une vraie valeur ajoutée.
(Papadopoulos, 2022)
De l’IA dans la Proptech
Quel que soit leur classement, les entreprises de la Proptech utilisent à peu près « toutes les technologies actuelles : Big data, BIM, Chat bot, Intelligence artificielle, Blockchain, Objets connectés et Smart building, Imagerie 3D et réalité virtuelle, logiciels dédiés, etc. » (Cheminant, 2021, p. 50-51). Toutes ces technologies sont liées à l’IA.
La conception architecturale et la construction
Dans la conception et la construction, Hubert Beroche, fondateur de Urban AI et auteur d’un rapport sur l’IAg, « dévoile que l’IA permet de générer des formes architecturales plus performantes. Il nous donne l’exemple suivant : « On a d’abord nourri l’IA avec des plans. Une fois les plans identifiés et assimilés par les algorithmes, ces derniers ont pu générer des formes architecturales après avoir reconnu des fenêtres » (Blain, 2021). La journaliste complète :
• Il va être possible d’élaborer des bâtiments plus sécurisés, par exemple en effectuant des analyses visuelles du chantier pour détecter des situations dangereuses.
• Promoteurs et constructeurs immobiliers pourront choisir de meilleurs matériaux pour leurs bâtiments. Actuellement, certains immeubles sont déjà construits avec la terre du chantier grâce à l’exploitation de la data et de l’IA.
(Blain, 2021).
Autre exemple de manifestation de l’IA dans le domaine de la construction : le BIM (« maquette numérique », c’est-à-dire la modélisation des données du bâtiment).
Dans un processus BIM, chaque acteur de la construction crée, renseigne et utilise cette maquette, et en tire les informations dont il a besoin pour son métier. En retour, il alimente la maquette de nouvelles informations pour aboutir finalement à un objet virtuel renseigné, représentatif de la construction, de ses caractéristiques géométriques et des propriétés de comportement.
(Romon & Lamour, 2016, p. 4)
Le Building Information Management
L’acronyme « BIM » renvoie aussi de plus en plus souvent au Building Information Management, autrement dit à la gestion et à l’échange d’informations. L’intérêt majeur du BIM est de permettre une meilleure synergie entre les acteurs de la construction, d’avoir une compréhension plus globale de l’ouvrage. Mais « les Prop Tech de la gestion utilisent aussi le BIM pour gérer et exploiter le patrimoine existant, fournissant aux gestionnaires des informations patrimoniales précises pour assurer la maintenance et l’entretien de leur parc » (Amsellem et al., 2021, p. 87).
C’est d’ailleurs ce qu’a mis en place Syndic One. Ce syndic professionnel digital, et filiale de Sergic, a lancé une nouvelle prestation en septembre 2023. Avec la généralisation de la maquette 3D, il s’agit de modéliser les immeubles anciens lors des visites techniques, avec la volonté de rendre ce modèle accessible à tous, notamment aux petites copropriétés, pour créer un « jumeau numérique » de chaque propriété.
Ce jumeau numérique est né d’un partenariat avec Kwarto, start-up spécialisée dans la modélisation 3D des bâtiments. …
Chaque copropriétaire pourra visualiser l’ensemble des événements qui ont lieu au sein de l’immeuble (sinistres, contrats d’entretien, etc.). Ces informations seront historisées au sein de la maquette 3D, créant ainsi un référentiel unique de l’immeuble. Pour les syndics, la connaissance et la gestion de l’immeuble seront facilitées grâce à sa spatialisation : données sur le quartier, bâtiments mitoyens, localisation de chaque copropriétaire, etc.
(Sergic, 2023).
Par exemple, lors d’un dégât des eaux, Jérémy Giacomini, directeur marketing et innovation de Sergic, explique que « la maquette 3D permettra, dans cette situation, une meilleure analyse des impacts sur chaque copropriétaire » (Sergic, 2023). Reprenant le concept du BIM, appliqué aux copropriétés déjà existantes, on peut imaginer que cette innovation facilite la gestion de l’immeuble en fournissant une vue d’ensemble des différents éléments, tels que les sinistres, les contrats d’entretien et la localisation des copropriétaires. Comme elle permet une visualisation claire des événements et des données de l’immeuble, elle favorise également une gestion plus transparente et accessible à tous les copropriétaires.
La gestion prédictive des bâtiments
L’utilisation de l’IA dans la gestion prédictive des bâtiments est un axe de développement important, que ce soit dans le property management ou la gestion de copropriété. L’IA peut aider à la planification, au suivi et à l’optimisation des travaux et de la maintenance, en identifiant les priorités et en anticipant les besoins. Il est alors possible de lancer des traitements récurrents sans intervention du gestionnaire sur les contrôles, surtout pour du tertiaire (avec les immeubles connectés et le BIM), mais également de soutenir la relation avec les fournisseurs dans le suivi des contrats et des prestations.
Récemment, l’attention s’est portée sur la « maintenance prévisionnelle » avec l’émergence de la start-up WeMaintain. Celle- ci se démarque par son utilisation de l’apprentissage automatique (machine learning). Le système d’IA analyse en temps réel les données de fonctionnement des équipements, comme la température, les vibrations et la consommation d’énergie. Puis, à l’aide d’algorithmes prédictifs qui étudie les données des ascenseurs, il peut prédire les pannes potentielles et, de plus, facilite un contact rapide avec un technicien. Grâce à cette approche proactive, WeMaintain vise à réduire les temps d’arrêt imprévus, à prolonger la durée de vie des équipements et à optimiser les coûts de maintenance. Les clients bénéficient ainsi d’une meilleure fiabilité de leurs installations et d’une réduction des dépenses de maintenance. Et cette même technologie peut être adaptée à la gestion des canalisations d’eau : un logiciel observe les données sur l’eau tandis qu’un matériel spécialisé détecte les anomalies. Grâce à cette start-up, les syndics immobiliers espèrent qu’ils pourront bénéficier des avantages similaires à ceux des gestionnaires de biens grâce à l’internet des objets (Internet of Things, IoT) et aux algorithmes prédictifs de l’IA.
L’administration de biens
La Proptech a donné également naissance à de nombreux services qui peuvent être utilisés aussi bien par les propriétaires-bailleurs que par les locataires. L’IA devrait s’installer de manière durable dans l’administration de biens car cette activité génère et manipule beaucoup de datas, y compris financières comme les encaissements de charges, le paiement de dépenses. Julien Dourlen, CEO de Lockimmo, précise ainsi :
À l’ère de l’intelligence artificielle et du perfectionnement des algorithmes, les possibilités d’utilisation de ces données [financières] ont été profondément modifiées et améliorées notamment sous l’effet de l’automatisation bancaire. Les saisies qui occupent une bonne partie du quotidien du gestionnaire peuvent être automatisées et gérées par des robots. Il s’agit là d’une véritable robolution … avec une adoption généralisée de solutions avancées telles que l’intelligence artificielle, l’internet des objets (IoT) ou encore l’automatisation. Les systèmes d’intelligence artificielle seront de plus en plus utilisés et performants pour analyser les données, prévoir les tendances du marché, optimiser le niveau des loyers et améliorer la prise de décision en matière de gestion immobilière, notamment dans le choix des locataires.
Ces innovations offrent de multiples avantages, allant de l’efficacité opérationnelle à l’amélioration de l’expérience client en passant par une meilleure prise de décision.
(Bessé & PBA, 2023, p. 42)
La création de contenu
Pour la transaction et la location, on pense aussi à l’IA pour la création de contenu. Il existe des logiciels qui se concentrent principalement sur la rédaction d’annonces immobilières accrocheuses et impeccables, avec la mention de toutes les informations légales obligatoires, évitant ainsi le risque de non-conformité. Le logiciel extrait les données internes au cabinet nécessaires à la description du bien et va chercher les informations sur l’environnement dans des bases externes.
L’IA apporte trois bénéfices supplémentaires : traduction, référence et correction de l’orthographe. En 2023, des éditeurs de logiciels ont intégré ChatGPT pour générer automatiquement le texte de l’annonce.
L’automatisation de la rédaction des annonces est proposée par LabSence, Deep Flow Realty, Syllabs, Netty…
(Bessé & PBA, 2023, p. 43)
Photographies, visites et aménagement intérieur
Par ailleurs, que ce soit pour la transaction ou la gestion locative, l’IA est également de plus en plus utilisée dans les logiciels de retouche photos, comme pour Meero9, plébiscité par les photographes professionnels mais aussi par les agents immobiliers eux-mêmes.
Toujours dans le domaine de l’image, « une part significative de l’offre des Proptech se concentre ainsi sur l’introduction de nouveaux services pour les usagers, tels que : les visites virtuelles, les solutions de personnalisation d’intérieur pour l’achat de biens neufs » (Dahan, 2023b). Depuis la crise de la Covid-19, la virtualisation des visites est en pleine essor. Grâce à l’IA, les visites dématérialisées atteignent une nouvelle dimension avec la réalité virtuelle et la réalité augmentée, réalisées de façon de plus en plus simple grâce aux logiciels d’IAg. Les acheteurs peuvent explorer chaque pièce, visualiser des détails, se projeter, et ce, sans se déplacer.
À titre d’exemple, la start-up Matterport ayant pour objet la fabrication de caméras dédiées et la capture d’images 2D et 3D, permet de visiter des biens immobiliers en 3D et à 360°, sans se déplacer, grâce à un casque de réalité virtuelle. L’idée est de permettre aux utilisateurs de se projeter plus facilement dans le bien qui fait l’objet de leur futur projet d’acquisition ou de location.
(Calmet & Eid, 2022, p. 59)
Il existe aussi des IA dédiées à la décoration et à l’aménagement d’intérieur. Après analyse des préférences esthétiques de l’acheteur et des contraintes spatiales, elles permettent de simuler un relooking virtuel, de créer des aménagements, de modifier les couleurs des peintures, de suggérer différents styles décoratifs, de sélectionner le mobilier adéquat et d’harmoniser les éléments décoratifs, ce qui aide considérablement les potentiels acheteurs à visualiser le potentiel de leur achat.
La validation des dossiers
Autre exemple d’usage de l’IA pour la gestion locative : la validation des dossiers et de la conformité des pièces. Cette fonction déjà utilisée et maîtrisée porte sur « la vérification d’identité, la validation des fiches de paye, le calcul de la solvabilité et le classement des dossiers par ordre de priorité ». Les algorithmes offrent aux gestionnaires « gain de temps et meilleure productivité ». Ainsi « la vérification des fiches de paye est beaucoup plus performante. Et la vérification de la solvabilité est [également] plus rigoureuse. Or, « la solidité du contrôle des dossiers est un argument fort vis-à-vis de l’assurance loyers impayés ». C’est ce que propose « Vertuloo, la plateforme de sécurisation et développement de l’activité de gestion locative » (Bessé & PBA, 2023, p. 48).
En revanche, l’impartialité des algorithmes, argument supplémentaire pour l’automatisation du traitement des dossiers, est remise en cause. En effet, il a été démontré que les IA sont, elles aussi, soumises à des biais. Un contrôle humain s’avère toujours nécessaire.
L’utilisation de la blockchain
D’autres innovations utilisent aussi l’IA, mais cette fois, avec la technologie de la blockchain, en particulier dans la transaction et la location de biens. On peut citer Qlay10, une plateforme de microimmobilier qui a vocation à faciliter l’accès au logement et à l’investissement locatif grâce à la blockchain et la tokenisation11 d’actifs immobiliers. Il y a également les smart contracts (« contrats intelligents ») qui se développent et qui utilisent aussi la blockchain.
Les smart contracts permett[ent] de générer automatiquement des contrats sur un modèle de « si... alors... »12. Les parties complètent les informations requises par le système informatique, et le programme en tire automatiquement les conséquences afin de rédiger le contrat. Les smart contracts peuvent aussi être utiles en matière de location de bien.
(Calmet & Eid, 2022, p. 60)
Cette technologie peut apporter une véritable plus-value pour générer automatiquement des contrats de location de biens saisonniers.
L’estimation immobilière
L’estimation immobilière bénéficie déjà actuellement et probablement plus encore de l’apport de l’IA, grâce à la capacité des algorithmes spécifiques aux Bigs Datas à analyser d’immenses volumes de données complexes et ce, de manière approfondie : tendances du marché, prévision de prix, préférence des acheteurs, rareté du bien, fluctuation des taux, évolution future du marché, hauteur sous plafond… « Les algorithmes d’IA ont un avenir radieux et vont révolutionner l’estimation immobilière qui s’avère encore trop souvent fébrile et hésitante » (Blaise, 2023). La mise en œuvre paraît simple (en théorie) : une application spécifique branchée sur une IAg comme ChatGPT, enrichie de bases de données propres à l’immobilier et un panel de questions pertinentes pour compléter le dispositif. Cette IA d’estimation peut rechercher des propriétés similaires, faire le calcul des valeurs de marché ou la prédiction des tendances. Elle est aussi capable d’automatiser la génération de rapports d’estimation de valeur précis et argumentés, en quelques minutes. Thomas Pouliquen, alors chef de produit et directeur marketing chez TheBetterAgent.ai, affirme :
Dans un futur peut-être proche, il sera possible de demander oralement à un agent immobilier « augmenté » si le prix du loyer d’un appartement n’est pas au-dessus du marché. L’IA répondra avec une analyse détaillée, dans n’importe quelle langue, et en quelques secondes.
(Bessé & PBA, 2023, p. 69)
Ainsi, le gestionnaire immobilier dispose d’arguments forts pour proposer la juste estimation du loyer au propriétaire. « Pour les estimations fondées sur les annonces, les algorithmes définissent, à partir des données locatives et socio-économiques, la zone la plus pertinente pour obtenir des indicateurs fiables » (Bessé & PBA, 2023, p. 42). Pourtant, « malgré l’avancée des algorithmes d’estimation, rien ne peut remplacer l’évaluation précise et nuancée d’un agent chevronné. Car, il est ancré dans la réalité de son marché local » (Dahant, 2023e).
L’étude de PBA et Bessé (2023) cite trois sociétés qui proposent des estimations immobilières basées sur l’IA, à destination des professionnels : Yanport, Jestimo13 et Homiwoo. Nous avons également identifié la start-up immobilière PriceHubble dont la solution est déjà déployée à l’international (Zurich, Berlin, Paris, Vienne et Tokyo).
Le chatbot
Toutes ces solutions promettent aux administrateurs de biens des gains de de productivité grâce à une automatisation performante engendrée par l’utilisation croissante de l’IA. L’une des grandes promesses fortes de l’IA, notamment de ChatGPT, est également de pouvoir répondre aux clients à toute heure, sans faute ! Le chatbot peut dialoguer avec le client sept jours sur sept et sans délai, et ce, par tous les canaux : mails, SMS, messagerie des réseaux sociaux, chat et même directement en vocal par téléphone ! Plusieurs entreprises proposent déjà ce service aux États-Unis, comme Meet Elise (voir figure 6), une IA qui organise les visites dans le cadre de locations, des rendez-vous avec des fournisseurs et répond aux demandes des résidents, ou encore Lisa, une autre IA « assistante de location basée sur l’IA » développée par AppFolio.
Figure 6. Une des fonctions de Meet Elise, « la plateforme d’IA tout-en-un pour votre propriété »
Capture d’écran.
Des sociétés immobilières, comme Trulia ou Apartment Ocean, ont aussi mis en place des chatbots qui aident les utilisateurs à trouver des locations en fonction de leurs goûts, de leur budget et des commodités environnantes.
La gestion documentaire
Enfin nous pouvons citer la gestion documentaire comme secteur où les algorithmes apportent une importante plus-value. Ainsi l’entreprise Pro.Archives propose désormais un nouveau service, la « conciergerie digitale », qui utilise l’IA pour analyser la typologie des documents (une dizaine comme les factures, les recommandés, les PV d’AG, etc.). Cette solution est utilisée pour gérer le courrier entrant (voir figure 7), comme l’indique Yoann Zaouche, le directeur digital de Pro.Archives
Tout le courrier est numérisé, identifié et transmis aux bons interlocuteurs selon les besoins spécifiques du cabinet de syndic, et même classé directement dans la GED [gestion électronique des documents] du syndic. Les automatisations des documents sont pilotées selon les besoins de chaque cabinet.
(Dahan, 2023a)
Figure 7. Présentation de la conciergerie digitale utilisant l’IA pour la gestion du courrier par Pro.Archives
En quelques secondes, l’outil identifie la nature du document, la copropriété, le fournisseur, la date de valeur et les montants HT et TTC. Dès lors, le document suit un cheminement métier complet avec la validation, la codification, le bon à payer et le versement dans la GED, etc.
(Zaouche, 2018)
Cette solution promet un gain de temps, de productivité et d’optimisation d’espace (« 15 % de la surface totale en moyenne »14). Force est de constater que les usages de l’IA dans l’immobilier sont déjà pléthoriques ; nous ne les citerons donc pas tous.
Peu à peu, l’intelligence artificielle (IA) fait son nid. Tous les maillons de la chaîne de valeur de la filière immobilière sont, à des degrés divers, pénétrés par l’IA. On va la retrouver dans le Smart Building, l’estimation des logements et des bâtiments non résidentiels, dans le marketing et relation client, les modèles transactionnels… La transformation des métiers de conception, de gestion et de vente des biens grâce à l’utilisation d’algorithmes est de fait une réalité.
(Dahan, 2019)
Toutefois, il faut également noter :
Malgré les annonces des Proptech annonçant la fin imminente des agences immobilières, la réalité témoigne du contraire. Les études récentes montrent que l’expertise locale et le service personnalisé demeurent des piliers pour les clients. L’humain, ainsi que l’agence physique, restent des composantes rassurantes et incontournables. Et, cela, pour une grande majorité de clients, même à l’ère digitale. … Ces outils numériques et technologiques… représentent un levier supplémentaire pour renforcer l’expertise humaine et la proximité client, essentielles dans toute transaction immobilière.
(Dahan, 2023e)
L’arrivée de l’IA marque probablement une étape cruciale pour tous les secteurs de l’économie, avec sa capacité de traitements des données, celle de son auto-apprentissage, son mode d’interaction généralisé car accessible en langage naturel. Et il est désormais indéniable que cette technologie fait partie intégrante de l’écosystème immobilier et qu’elle y apporte des gains de productivité dans les processus de création, d’analyse et d’automatisation. Qu’en est-il spécifiquement pour la gestion de copropriété ? Quels seraient les impacts et les avantages de cette intégration pour les syndics ?