Nous observons, depuis une dizaine d’années, un foisonnement de projets expérimentaux dans l’espace public (démonstrateurs urbains, objets connectés, applications, etc.) pour prototyper des solutions afin de régler des problématiques urbaines. En effet, la transformation des pratiques de planification passe de plus en plus par l’intégration des incertitudes et des risques. Dans ce contexte, les « expérimentations urbaines » se sont multipliées au point de devenir une pratique relativement courante, comme nous l’indiquions dans une note d’analyse pour POPSU Métropoles (Gangloff & Morteau, 2024). Par ail- leurs, cette thématique de recherche se structure depuis quelques années avec une augmentation du nombre de publications académiques internationales (ex. : Evans et al., 2016 ; schreiber, Fokdal & Ley, 2023) et, en France, avec des appels notamment pour la revue Métropoles (2024) : « La fabrique urbaine à l’épreuve de l’expérimentation. Injonctions, émergences, amplification »1.
Malgré cette effervescence autour du sujet, certains académiques pointent aussi les limites des expérimentations urbaines. Des auteurs invitent à s’interroger sur la manière dont elles transforment en profondeur les pratiques d’aménagement (Schreiber, Fokdal & Ley, 2023) ou si elles ne sont condamnées qu’à créer des régimes et espaces d’exception en dehors des pratiques classiques de planification. Dans de récents papiers, les chercheurs et chercheuses invitent à aller plus loin pour montrer si ces dispositifs expérimentaux remettent en question les outils de planification traditionnels (Scholl & de Kraker, 2021). D’autres considérations critiques sont aussi relayées. Ces expérimentations n’ont pas toujours le cadre expérimental approprié ni un système d’évaluation rigoureux. Elles font appel à de nouvelles méthodes, mais il convient de les documenter sérieusement pour éviter, comme le notent Berger et Carlier (2022), que « l’idéologie de l’innovation et de la créativité ne fasse dériver l’expérimentation dans la prolifération de pratiques aux formes appauvries qui, plutôt que d’inspirer le changement social, se fondent avec l’esprit néo-managérial contemporain des politiques urbaines ».
La question de la réplicabilité de ces expérimentations se pose tout autant pour les pouvoirs locaux que pour les expérimentateurs. En effet, pour dépasser l’expérience isolée, des méthodes d’évaluation solides sont requises. Or, les évaluations de ces dispositifs sont souvent incomplètes et ne prennent pas en compte toutes les externalités produites par la participation citoyenne, les processus d’innovation et d’apprentissage, la transformation de l’action publique, les ambiances urbaines, l’amélioration de la biodiversité urbaine, etc. L’évaluation des projets au long cours est aussi un enjeu car, si une attention forte est portée aux expérimentations durant leur mise en place, l’évaluation à l’épreuve des usages fait parfois défaut. Comment, dès lors, mettre à distance et analyser les expérimentations afin de dépasser le simple effet d’annonce ?
Pour combler ce manque, notre recherche-action vise à mettre en place une« boîte à outils » évaluative. Cette boîte à outils nous permet d’aborder l’évaluation de ces projets à travers trois angles principaux : Quels impacts sur les ambiances ? sur les datas et les communautés associées ? sur les transitions écologiques ?