Quatrième journée d’étude : appel à contribution

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Référence électronique

(2023). Quatrième journée d’étude : appel à contribution. Dans S. Depraz (dir.), Qu’est-ce qu’artificialiser veut dire ? Définitions comparées de l’artificialisation des sols en contexte de contrainte foncière forte. Mis en ligne le 22 décembre 2023, Cahiers ESPI2R, consulté le 29 avril 2024. URL : https://www.cahiers-espi2r.fr/1282

Argumentaire

L’introduction de la doctrine « zéro artificialisation nette » dans le plan Biodiversité en France en 2018 (Fosse et al., 2019) et la promulgation de la loi Climat et résilience en août 2021 ont placé au cœur de l’actualité immobilière la question foncière et la nécessité de réduire la consommation de terrains dans la construction – une injonction déjà croissante dans les documents d’urbanisme depuis la loi Solidarité et renouvellement urbains de 2000. La réflexion scientifique a, depuis lors, exploré de nombreuses voies afin de répondre à cet impératif, notamment par la compacité urbaine et l’intensification de la récupération des friches (Halleux, 2012 ; Rey & Lufkin, 2015), la mobilisation de la vacance des bâtiments (Brouard-Sala et al., 2016 ; Arab & Miot, 2020) ou encore la promotion d’un urbanisme circulaire et d’une approche métabolique du fonctionnement des villes (Barles, 2017 ; Grisot, 2020). Ces propositions de transformation du bâti se sont assorties d’une volonté d’intensification des usages par des bâtiments mixtes (Deborne, 2016) à concevoir de manière plus modulable et réversible (Scherrer & Vanier, 2013), voire selon des cycles d’utilisation optimisés relevant d’un « chrono-urbanisme » (Gwiazdzinski, 2014). Les évolutions nécessaires du droit de l’urbanisme et de la fiscalité sont aussi beaucoup questionnées (Sainteny, 2018 ; Chambord, 2019 ; Giacuzzo, 2021) afin de contraindre ou d’accompagner cette évolution.

Il a cependant été rapidement fait état, dans le même temps, de la difficulté de mesurer correctement l’artificialisation des sols (Bousquet et al., 2013 ; Chéry et al., 2014 ; Béchet et al., 2017 ; Cavailhès, 2020) au point de critiquer la pertinence même de la notion, devenue bouc émissaire d’une impasse politique (Charmes, 2021). De fait, malgré les progrès fulgurants des techniques de télédétection et l’accès ouvert aux données massives, notamment en termes d’occupation des sols, de transactions foncières et de construction, il demeure une grande difficulté à saisir précisément l’intensité du phénomène. Cela tient, en partie, aux limites des bases de données, lorsqu’elles sont qualifiées à la parcelle et non en fonction des surfaces exactes concernées, ou bien lorsqu’elles reposent sur un échantillonnage aléatoire de terrains. Même l’interprétation des informations satellitaires, via les bases européennes Corine Land Cover, reste délicate lorsqu’il s’agit de traiter de surfaces mixtes mêlant du bâti et des zones végétalisées, comme c’est le cas pour le logement diffus ou les délaissés des infrastructures de transport. Les promesses d’une base de données plus précise se font attendre pour 2024, au mieux, alors que le législateur souhaite encadrer dès à présent le processus.

Le problème se situerait donc en réalité plus en amont, dans la mesure où les définitions de ce que l’on entend par « artificialisation » ne sont toujours pas concordantes. Parle-t-on de « l’altération durable de tout ou partie des fonctions écologiques d’un sol » (article 192 de la loi Climat et résilience), liée à l’imperméabilisation ou au compactage des sols (Béchet et al., 2017 ; Sillard, 2018 ; Desrousseaux et al., 2019) ? Auquel cas se pose la question de la réversibilité du processus et du seuil de temps considéré, mais aussi celle des milieux impactés : les espaces verts urbains préservent aussi, à leur manière, ces processus écologiques, alors qu’ils sont généralement inclus dans l’artificiel. Veut-on plutôt prendre en compte les impacts sur les continuités écologiques (Colsaet, 2017 ; Amsallem et al., 2018), dans l’esprit des trames vertes et bleues établies par la Stratégie nationale pour la biodiversité depuis 2007 et intégrées aux règles d’urbanisme depuis lors ? Et que dire du critère adopté par défaut, qui considère quant à lui l’ensemble des espaces naturels, agricoles et forestiers (ENAF) comme non artificialisés ? Comment classer plus finement les openfields de monoculture intensive et les parcs publics traités en gestion différenciée, deux cas de figure qui brouillent le clivage entre naturel et artificiel ? Il n’y a donc pas encore de concordance entre ces approches, si bien que la formalisation réglementaire en cours incite fortement à remobiliser le débat scientifique sur la notion.

Cette journée d’étude invite donc les chercheuses, chercheurs et les spécialistes de la question à apporter une lecture actualisée de la notion d’artificialisation, notamment dans les champs juridique, économique, écologique, agronomique ou urbanistique, mais aussi dans toute autre approche permettant d’enrichir le débat contradictoire sur un objet devenu politique.

Thèmes

La journée d’étude sera structurée autour de trois grands thèmes principaux :

  • Thème 1. Comment optimiser la définition de l’artificialisation en fonction des buts socio-économiques et écologiques que l’on souhaite atteindre ?

  • Thème 2. Quels progrès peut-on attendre des techniques de mesure de l’artificialisation, et quels leviers méthodologiques et conceptuels peuvent en particulier aider à affiner l’opposition artificiel/naturel ?

  • Thème 3. Quelles approches réglementaires de l’artificialisation peuvent être effectivement mises en œuvre dans les futurs documents d’urbanisme ?

Modalités de soumission

Les propositions de contribution (résumés en 5 000 signes maximum), assorties de 10 références bibliographiques maximum et d’un court CV des contributrices et contributeurs, seront à adresser avant le 1er mars 2022 à l’adresse suivante : recherche@groupe-espi.fr

Les communications pourront se faire soit en distanciel, soit en présentiel sur le campus du Groupe ESPI, à Levallois-Perret, ceci en fonction de l’évolution des contraintes sanitaires en vigueur. L’inscription sera gratuite mais obligatoire.

Les actes de cette journée d’étude seront publiés en ligne, après acceptation des articles définitifs, sur le site des Cahiers ESPI2R.

Amsallem, J., Sordello, R., Billon, L., & Vanpeene, S. (2018). Bilan des Schémas régionaux de cohérence écologique en France : quels apports méthodologiques pour l’identification et la cartographie de la Trame verte et bleue ? Sciences Eaux & Territoires, 25, 4-11.

Arab, N., & Miot, Y. (2020). La ville inoccupée. Enjeux et défis des espaces urbains vacants. Presses des Ponts.

Barles, S. (2017). Écologie territoriale et métabolisme urbain : quelques enjeux de la transition socioécologique. Revue d’économie régionale & urbaine, 5, 819-836.

Béchet, B., Le Bissonnais, Y., Ruas, A., & Desrousseaux, M. et al. (2017). Sols artificialisés et processus d’artificialisation des sols : déterminants, impacts et leviers d’action. Résumé de l’expertise scientifique collective, INRA et Ifsttar.

Bousquet, A., Couderchet, L., Gassiat, A., & Hautdidier, B. (2013). Les résolutions des bases de données « occupation du sol » et la mesure du changement. L’Espace géographique, 42(1), 61-76.

Brouard-Sala, Q., Madeline, P., González, R. C. L., & Marie, M. (2016). La vacance du logement dans les espaces ruraux : origines, effets et dimension comparative (Galice, Normandie). Dans La renaissance rurale d’un siècle à l’autre ? Dynamiques rurales - LISST Toulouse.

Cavailhès, J. (2020). Artificialisation des sols : de quoi parle-t-on ? Constructif, 57, 21-24.

Chambord, O. (2019). L’aménagement post loi ELAN. Droit et Ville, 88, 257-274.

Charmes, É. (2021). De quoi le ZAN (zéro artificialisation nette) est-il le nom ? Fonciers en débat.

Chéry, P., Lee, A., Commagnac, L., Thomas-Chery, A.-L., Jalabert, S., & Slak, M.-F. (2014). Impact de l’artificialisation sur les ressources en sol et les milieux en France métropolitaine. Évaluation selon trois sources d’informations indépendantes. Cybergeo : European Journal of Geography, document 668.

Colsaet, A. (2017). Gérer l’artificialisation des sols : une analyse du point de vue de la biodiversité. Rapport, IDDRI.

Deborne, E. (2016). La mixité d’usages verticale depuis une perspective habitante : étude de cinq produits immobiliers résidentiel et commercial montréalais récents. [Mémoire de maîtrise, université de Montréal]. Papyrus.

Desrousseaux, M., Béchet, B., Le Bissonnais, Y., Ruas, A., & Schmitt, B. (coord). (2019). Sols artificialisés : déterminants, impacts et leviers d’action. Quae.

Fosse, J., Belaunde, J., & Grémillet, A. (2019). Objectif « Zéro artificialisation nette » : quels leviers pour protéger les sols. Rapport, France Stratégie.

Giacuzzo, J. -F. (2021). L’encadrement de l’aménagement commercial : frein ou encouragement ? Aménagement commercial et sources supra-législatives. Droit et Ville, 92, 17-39.

Grisot, S. (2020). Manifeste pour un urbanisme circulaire : pour des alternatives concrètes à l’étalement de la ville. Dixit.net.

Gwiazdzinski, L. (2014). Face aux nouveaux régimes temporels métropolitains, les pistes du chrono-urbanisme pour une ville malléable. URBIA, Les Cahiers du développement urbain durable, 16, 179-192.

Halleux, J.-M. (2012). Vers la ville compacte qualitative ? Gestion de la périurbanisation et actions publiques. Belgeo. Revue belge de géographie, 1-2.

Rey, E., & Lufkin, S. (2015). Des friches urbaines aux quartiers durables. PPUR.

Sainteny, G. (2018). La fiscalité peut-elle contribuer à limiter l’artificialisation des sols ? Annales des Mines-Responsabilité et environnement, 91, 41-45.

Scherrer, F. & Vanier, M. (dir.). (2013). Villes, Territoires, Réversibilités. Hermann.

Sillard, P. (2018). L’estimation des taux d’artificialisation et d’imperméabilisation en France. Présentation, Insee.

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