Conclusion

Yseult Lavarda

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Référence électronique

Lavarda, Y. (2023). Conclusion. Les centres commerciaux et la mutation des usages. Mis en ligne le 16 octobre 2023, Cahiers ESPI2R, consulté le 09 mai 2024. URL : https://www.cahiers-espi2r.fr/1226

Alors que la densité de centres commerciaux en France est un peu plus élevée que pour ses voisins européens – 276 m2 GLA pour 1 000 habitants, contre 258 m2 GLA en moyenne européenne – (Cushman & Wakefied, 2018, p. 6), ils font face à plusieurs défis : concurrence du commerce électronique, consommateur ultra informé, baisse de la consommation, perte de chiffre d’affaires, baisse de fréquentation, augmentation de la vacance commerciale, arbitrage financiers complexes, etc. Pour répondre aux enjeux de la mutation des usages et l’émergence des nouveaux besoins des consommateurs, ils se sont d’ores et déjà engagés dans une évolution structurelle.

Le commerce physique devant désormais apporter une réelle valeur ajoutée à la praticité que peut représenter le commerce électronique, la qualité de l’expérience vécue par les visiteurs d’un centre commercial devient le point névralgique des préoccupations de l’ensemble des acteurs de la filière.

De leur côté, les bailleurs s’engagent dans un effort de diversification de leur offre merchandising en alliant consommation, services et loisirs, tout en apportant des améliorations architecturales aux espaces commerciaux et en repensant le parcours client, afin que l’expérience d’achat soit la plus agréable possible et recouvre une dimension plaisir. Les centres commerciaux se détachent donc peu à peu de leur fonction commerciale pour tenter de devenir des « lieux de vie ».

Quant aux commerçants locataires, ils sont eux aussi une pierre angulaire de l’évolution des centres commerciaux. Afin de tirer bénéfice du commerce électronique, ils doivent repenser leur approche marketing pour s’orienter vers l’omnicanalité, bien que cela représente des coûts financiers non négligeables. La mise en place de solutions numériques propres aux centres commerciaux semble donc un excellent moyen d’accompagner et de soutenir les commerçants dans leur transition numérique, tout en participant à renforcer la présence locale de centres.

La pandémie de Covid-19 ayant eu pour effet d’accélérer la réflexion sur les problématiques de fond du secteur, mettant notamment en lumière la tension des commerçants sur l’augmentation de leur taux d’effort, la nécessité d’une refonte de la relation bailleur/preneur basée sur une confiance réciproque et la transparence accrue semble à envisager.

Par ailleurs, le développement de nouveaux centres commerciaux paraît compromis. Au-delà de l’abandon de plusieurs grands projets mixtes à dominante commerciale, comme Ode à la Mer (Frey ; Bicard, 2021b) ou Europacity (Ceetrus ; Mélanie, 2017), la législation en matière d’urbanisme commercial se resserre encore davantage. Outre les nombreuses dispositions ayant un impact sur le commerce, le projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets souhaite atteindre un objectif de zéro artificialisation nette (ZAN ; Fosse, 2019 ; Cerema, 2020 ; Picard, 2021b) des sols d’ici 2050. Pour cela, le projet de loi envisage dans un premier temps de diviser par deux le rythme actuel de l’artificialisation des sols à horizon 2030. Quant à l’article 52 de ce même projet de loi, il prévoit un principe général d’interdiction de délivrance d’autorisation d’exploitation commerciale pour « une implantation ou une extension qui engendrerait une artificialisation des sols ». Seuls les projets de moins de 10 000 m2 de surface de vente pourront bénéficier d’une dérogation, et sous plusieurs conditions :

  • le projet s’intègre dans un secteur d’une opération de revitalisation de territoire (ORT) ou dans un quartier prioritaire de la politique de la ville ;

  • le projet s’insère dans une « opération d’aménagement plus vaste ou dans un ensemble bâti déjà constitué » et favorise la mixité fonctionnelle.

Les hypothèses de dérogation peuvent donc être assez nombreuses, mais seules de petites surfaces seront concernées.

Bien que la procédure législative n’en soit qu’à ses débuts, les propriétaires de centres commerciaux devront à l’avenir concentrer leurs efforts sur la revalorisation du parc existant, ce qui n’est pas sans poser des difficultés, puisqu’en règle générale la revalorisation des centres commerciaux se fait via la réalisation d’importants travaux de rénovation incluant presque toujours une expansion de surface.

De son côté, le CNCC avertit sur le risque d’augmentation des friches commerciales sur l’ensemble du territoire (rien qu’en périphérie, 6 000 000 de m2 commerciaux seraient à rénover) et milite pour la mise en place de mesures permettant aux bailleurs de pouvoir s’engager dans des rénovations ou réhabilitations plus sereinement, au regard des coûts financiers que ces opérations peuvent engager (diminution des taxes foncières et d’aménagement, par exemple).

Pour conclure, face aux nouveaux enjeux de l’artificialisation des sols, les centres commerciaux ne pourront prospérer que s’ils parviennent à redevenir attractifs aux yeux des consommateurs et des commerçants. Les consommateurs devront donc se voir proposer une offre commerciale innovante et en phase avec leurs besoins. La notion d’équilibre sera sans doute à privilégier dans les relations entre les bailleurs et les commerçants, afin de trouver des solutions communes en vue de l’amélioration globale des actifs.

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